« MON SYSTÈME EST SÉCURISÉ ET AUTONOME AU COEUR DU MARAIS »

Lors de son installation, Patrick a décidé de baisser la production individuelle des vaches. Elle est passée de 8 000 à 6 500 litres, niveau qu'il estime être le plus rentable au vu des conditions pédo-climatiques du marais où se situe sa ferme.© E.A.
Lors de son installation, Patrick a décidé de baisser la production individuelle des vaches. Elle est passée de 8 000 à 6 500 litres, niveau qu'il estime être le plus rentable au vu des conditions pédo-climatiques du marais où se situe sa ferme.© E.A. (©)

Patrick Robin dispose d'un parcellaire éclaté avec des sols pauvres, pour moitié en zone inondable. Et pourtant, le fermage est élevé. Des contrats environnementaux compensent ce coût.

PATRICK ROBIN EST UN INCONDITIONNEL DES SYSTÈMES PÂTURANTS. Quand il reprend l'exploitation familiale au coeur du marais poitevin vendéen, il décide d'en modifier le fonctionnement pour être plus rentable. « Mes parents produisaient 8 000 litres de lait par vache mais au prix d'une part importante de concentré et de maïs. J'ai fait mes calculs et une vache est rentable à 6 500 litres. J'ai alors décidé de réduire la production individuelle pour gagner en rentabilité et en autonomie fourragère. » Pourtant, avec des parcelles dispersées, pauvres et pour la moitié inondables, le défi était de taille.

Dans les marais, la moindre butte est convoitée par les agriculteurs, mais elles sont rares. Les sièges d'exploitations se retrouvent concentrés aux mêmes endroits, accentuant la concurrence pour les parcelles à proximité. Les terres de Patrick sont réparties sur onze lots de parcelles, dont les plus éloignées se situent à plus de 5 km. « Malgré l'acquisition de terres à mon installation et plusieurs échanges de parcelles, je ne suis propriétaire que de 27,5 ha sur les 85 ha que compte mon exploitation. L'été, je parcours 32 km tous les deux jours pour voir toutes mes bêtes ! J'ai appris à faire avec ce parcellaire éclaté et maintenant, ce n'est plus réellement une contrainte. »

« MES CONTRATS ENVIRONNEMENTAUX SONT INDISPENSABLES »

Être situé dans un marais n'a pas que des inconvénients. Patrick touche des compensations financières via des contrats environnementaux (mesures agroenvironnementales et climatiques, Maec), en contrepartie de pratiques visant à soutenir l'élevage extensif du marais et à favoriser le pâturage. Ils sont signés sur la base du volontariat, pour une durée de cinq années.

Il existe cinq niveaux, mais Patrick n'utilise que les deux premiers. Ils déterminent des dates de fauche et de pâture, un chargement minimal et maximal, une limite de fertilisation et l'entretien des parcelles. « Je jongle avec les niveaux 1 et 2 en fonction des parcelles et de ce que je veux y faire. Ma priorité reste le pâturage. Je ne vais pas dénaturer mon système pour des primes. Par exemple, le dernier programme est plus contraignant que le précédent. Du coup, l'une des parcelles est sortie des contrats afin d'y faire du pâturage hivernal. » Les niveaux 1 et 2 sont respectivement rémunérés 151 et 216 €/ha. En fin d'année, les 36 ha de marais inondables mis sous contrat représentent 7 000 à 8 000 € de recettes. « Économiquement, cela permet de compenser le coup du fermage très élevé dans la région pour des raisons historiques : de 135 à 228€/ha. Sans les Maec, je ne pourrais pas me permettre d'avoir autant de marge dans mon système. »

« GRÂCE AU PÂTURAGE, JE RÉDUIS MES CHARGES »

Les 17 ha attenant aux bâtiments sont les plus hauts de l'exploitation : 5 m au-dessus du niveau de la mer. Ils sont désormais dédiés au pâturage des vaches en lactation. « Sur ces parcelles situées sur une butte calcaire avec seulement 30 à 50 cm de terres, mes parents produisaient autrefois 13 ha de cultures. Les rendements étaient médiocres. En revanche, pour le pâturage, c'est idéal, surtout qu'une grande partie est drainée. » Les cultures ont été déplacées sur les parcelles plus éloignées et non inondables.

« Déjà à l'époque de mes études d'ingénieur agricole, j'avais remarqué que les systèmes pâturants étaient les plus rentables. Certes, il faut passer du temps pour calculer la quantité d'herbe disponible quotidiennement, mais je préfère faire ça qu'être sur le tracteur. »

Après avoir travaillé pendant plusieurs années en pâturage tournant, Patrick a mis en place un fil avant, déplacé deux fois par jour « pour ne pas gâcher l'herbe », avec une rotation de 35 à 40 jours. « Le fil avant permet de recréer le principe néo-zélandais avec moins de travail. Cela diminue la quantité de refus et augmente la production d'herbe. Une rotation longue met à profit la croissance exponentielle de la prairie. En réalité, je suis plutôt à 60 jours. Cela crée du stock qui permet de prolonger le pâturage l'été, même si l'herbe a moins de valeur. »

Les vaches en lactation sortent en pâture autour du 1er mars selon la météo. À partir du 15 avril, elles sont nourries exclusivement au foin et au pâturage. Le foin est arrêté vers la fin du printemps quand l'herbe est plus dure, pour reprendre à la mi-juillet lors de l'ouverture du silo de luzerne. L'objectif de Patrick est d'avoir une ration hivernale composée de 6 kg de matière sèche de maïs ensilage, 6 kg de MS d'ensilage d'herbe et de 3,5 kg de MS de foin de prairie naturelle ou de luzerne. « J'achète quatre tonnes de concentré azoté dont je pourrais me passer. Mais le mélange de tourteau de tournesol, de colza, de soja et de luzerne déshydratée apporte de la variété dans les sources de protéines. Sur l'année, le coût alimentaire est en moyenne de 49€/1 000 litres, dont 31,80pour les concentrés », calcule Patrick.

« LA PRIM'HOLSTEIN A LE MEILLEUR EFFET ACCORDÉON »

Patrick s'est fixé comme objectif de sécuriser son système avec un chargement de 0,8 UGB/ha. « Cela me permet d'être autonome en cas de sécheresse. Ces dernières années, je suis en excédent d'herbe. J'ai pu vendre 12 ha d'herbe sur pied à la deuxième coupe, 9 ha à la troisième et 15 ha à la quatrième. » Pourtant, dans ces zones humides, les rendements sont faibles : de 3,5 t de MS/ha dans les parcelles inondables à 8 t pour les meilleures.

La place prépondérante du pâturage dans le système autorise des vêlages à 3 ans et l'engraissement des vaches de réforme en 100 % pâturage. « Cela ne me coûte rien ! J'ai même arrêté le sursemis des prairies car j'ai constaté, qu'en étant patient, elles donnent de meilleurs résultats quand on n'y touche pas. » La prim'holstein permet de s'adapter à la disponibilité des matières premières. « C'est la race qui a le meilleur effet accordéon. Quand l'alimentation coûte plus cher, je peux restreindre sa production car elle reprendra facilement. D'autres races plus rustiques ont plus d'inertie », déclare l'éleveur.

Patrick a repris seul l'exploitation de ses parents. Il n'était pas question pour lui de rogner sur la qualité de vie. Il est en repos un week-end sur deux et prend trois, voire quatre semaines de congés par an.

« Je me suis appliqué à construire une cohérence dans mon système. Celui-ci est performant économiquement, socialement et environnementalement. Cela me permet d'employer un ouvrier à mi-temps. Les charges de structure sont importantes car la production est faible, mais je n'ai plus d'amortissement. J'ai encore une marge de 15 000 litres de référence, mais je ne souhaite pas produire davantage. Cela nécessiterait d'avoir accès à plus de foncier à proximité. Économiquement, ça ne serait pas rentable. »

ÉMILIE AUVRAY

Les génisses valorisent les prairies inondables dès que la portance le permet. Les vaches pâturent les parcelles situées à l'abri des inondations et près du corps de ferme.

© E.A.

Le bâtiment d'élevage datant des années 1970 est fonctionnel et peu coûteux. Seule une fosse a été construite pour la mise aux normes.

© E.A.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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