« AVEC 316 € DEPUIS OCTOBRE, JE TIENS GRÂCE AUX CULTURES »

Après la dissolution, d'un commun accord, du Gaec de quatre associés en 2008, Jean-François Chicot a créé de toutes pièces son site laitier avec 226 000 l de quota sur 85 ha. Il a investi 300 000 € en trois ans, dont cette stabulation paillée de 500 m2, couplée à une salle de traite 2 x 5 postes.© C.H.
Après la dissolution, d'un commun accord, du Gaec de quatre associés en 2008, Jean-François Chicot a créé de toutes pièces son site laitier avec 226 000 l de quota sur 85 ha. Il a investi 300 000 € en trois ans, dont cette stabulation paillée de 500 m2, couplée à une salle de traite 2 x 5 postes.© C.H. (©)

Jean-François Chicot cumule deux difficultés : un prix de base A à 300 €/1 000 l et moins entre octobre et juin, et la contractualisation de volumes en plus avec sa coopérative, la CLHN, payés entre 228 et 265 €/1 000 l .

JEAN-FRANÇOIS CHICOT EST UN FERVENT DÉFENSEUR DU SYSTÈME DE POLYCULTURE-ÉLEVAGE, encore plus aujourd'hui. Depuis octobre, il fait face à un prix de base tombé à 293,13 €/1 000 l (moyenne d'octobre à juillet) pour un prix du lait perçu de 315,60 €. « L'atelier lait est soutenu par l'activité cultures, en particulier par le lin textile, porteur ces deux dernières années. » La culture dégage une recette à l'hectare trois fois plus élevée que le blé (6 000 € contre 2 000 € en moyenne sur deux ans). Son exploitation évolue aussi dans un pays... béni des dieux. En Seine-Maritime, à la pointe d'Étretat, les rendements en blé avoisinent les 100 q/ha. Pour autant, Jean-François Chicot n'imagine pas arrêter le lait. C'est tout le contraire. Il travaille à augmenter sa référence contractuelle pour dépasser les 400 000 litres. Une étude Capacilait, réalisée avec Littoral Normand Conseil Élevage, montre que son outil peut accueillir 55 vaches, contre 43 l'an passé. Depuis deux ans, il se porte candidat pour les volumes additionnels proposés par sa coopérative. L'an passé, la Coopérative laitière de Haute-Normandie (CLHN) - qui pratique un prix d'entreprise (appelé « A » par d'autres laiteries) et un prix de marché (B) - n'a pas pénalisé le lait d'avril à septembre livré au-delà de la période de référence 2012. « J'ai produit 64 000 litres en plus car j'avais la garantie qu'ils seraient intégrés à mon volume contractuel au 1er avril 2015, qui est payé au prix d'entreprise. »

Dans le même but, il s'est engagé en septembre à livrer 28 500 litres en plus entre octobre 2014 et mars 2015... payés au prix de marché B sur cette période. Le tout a hissé sa référence à 393 072 litres. Il ne s'arrête pas là.

« JE PRÉVOIS UN PRIX DU LAIT ENTRE 305 ET 315 €/1 000 L EN 2015 »

En 2015-2016, il se développe encore avec un supplément de 36 000 litres qui sera intégré à sa référence en avril 2018. Traduction : payé 100 % en A. D'ici là, le litrage est rémunéré sur un mix prix A et B évolutif. « Ma référence sera alors de 429 000 litres. Je reconnais que les deux derniers dispositifs la confortent, mais ils sont lancés en plein retournement de marché. Je fais face à une double difficulté. D'une part, le prix d'entreprise de la CLHN est l'un des plus bas de France. Avec un prix de base à 300 €/1 000 l dès octobre, puis 285 à 288 € les mois suivants, il a chuté plus vite et plus fort que les autres laiteries. D'autre part, son prix de marché B s'est effondré jusqu'à 228 € en janvier. Il plafonne aujourd'hui autour des 260 €. »

Il faut comprendre que la CLHN est une coopérative de collecte (240 Ml). Son excédent, transformé par des prestataires de service belges, pénalise la valorisation du lait. L'outil de prétransformation lancé en juillet devrait remonter son prix d'entreprise (326,50 € en juillet, 330 € en août. Prudent, Jean-François prévoit un prix « A + B » autour de 305-315 €/1 000 l pour l'année 2015, qualité comprise.

« BAISSER DE 15 €/1 000 L MON COÛT OPÉRATIONNEL »

Comment supporte-t-il une telle conjoncture ? « Il est à la tête d'une conduite laitière intensive déjà bien optimisée, répond Emmanuel Benoist, de Littoral Normand Conseil Élevage. Des marges de progrès existent. Les efforts entrepris portent déjà leurs fruits. » Avec un système de polyculture-élevage qui maximise les cultures, l'éleveur a tendance à ne pas semer assez de maïs alors que son troupeau s'agrandit, l'obligeant en 2014 à acheter des coproduits et du maïs-ensilage pour la soudure estivale. « J'ai un peu trop privilégié les cultures », reconnaît-il. Depuis novembre, le seul fourrage distribué est son maïs-ensilage, ce qui se traduit par une baisse du coût alimentaire de 8 €/1 000 l (ci-contre). Il continue sur cette lancée avec 17,5 ha de maïs semés en avril.

Du côté des concentrés, le coût reste stable à 76 €/1 000 l. « Je ne peux le réduire qu'en apportant un fourrage riche en azote. C'est ce que je tente cet hiver en distribuant avec le maïs, un ensilage de ray-grass italien + vesce + trèfles incarnat et violet semés en dérobé du maïs. » Quant à l'achat des aliments à proprement parler, il ne voit pas comment faire mieux. Il les achète lorsque les cours du tourteau de soja sont à la baisse, n'hésitant pas à le remplacer par du tourteau de colza s'il le juge plus intéressant (ci-dessus). « Avec mon voisin, j'achète les aliments et tous les autres intrants pour bénéficier de remises plus importantes. »

En 2014-2015, les charges opérationnelles de l'atelier lait s'élèvent à 196,60 €/1 000 l. Avec moins de frais d'élevage, il espère les abaisser à 185 €.

« INVESTIR DANS UN OUTIL SIMPLE ET EFFICACE »

L'autre piste de résistance est d'engranger le maximum de primes qualité. « Je suis en qualité sanitaire super A quasiment tous les mois. Avec 38,9 g/l de moyenne laiterie, ma marge de progrès porte sur le TB. J'espère gagner un point par une meilleure efficacité alimentaire et quelques kilos de betteraves fourragères par vache cet hiver. »

Au bout du compte, ce sont surtout ses deux choix stratégiques majeurs qui l'aident à passer le cap : limiter les investissements, tout en favorisant la productivité du travail, et maximiser les cultures de vente. « Après treize ans en Gaec, je me suis installé en 2009 en individuel. J'ai créé mon site laitier. Avec beaucoup d'autoconstruction, j'ai investi 300 000 € en trois ans dans une aire paillée pour vaches et une pour génisses, une salle de traite 2 x 5 postes, des silos, une pailleuse et un godet désileur. » Comme tout le matériel de la ferme, ce dernier est acheté en copropriété avec le voisin. Jean-François désile avant la traite, son collègue après. Résultat : les annuités laitières sont contenues à 36 000 €. Elles représentent deux tiers des 58 000 € d'annuités 2014-2015. À l'inverse, l'activité laitière pèse pour un peu plus d'un tiers dans le chiffre d'affaires total. « La complémentarité lait-cultures joue à plein. Le chiffre d'affaires supplémentaire de 70 000 € que procure le lin porte l'EBE à 166 600 €. Cela renforce ma trésorerie. Malgré le prix du lait bas, je n'ai pas souscrit de prêt à court terme. »

CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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