CINQ LEVIERS POUR RÉDUIRE L' EMPREINTE CARBONE DE SON ÉLEVAGE

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Dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, sans bouleverser son système de production, des marges de progrès existent. Elles améliorent aussi les performances économiques de l'exploitation. C'est une bonne nouvelle.

LES ÉLEVEURS LAITIERS ONT PARFOIS LE SENTIMENT que les exigences réglementaires pour réduire l'impact environnemental de leur activité sont sans fin. Après la lutte contre les nitrates se dessine celle contre les gaz à effet de serre. En France, l'élevage bovin (lait et viande) représente 60 % des émissions agricoles et 10 % des émissions nationales de GES. Principalement en cause, le méthane entérique rejeté par les bovins (voir ci-contre). Comment le réduire alors qu'il s'agit d'un phénomène naturel ? Pas de panique, répond l'Institut de l'élevage, des leviers d'actions existent dans les exploitations laitières. « Dans les structures optimisées, il est possible de diminuer les émissions jusqu'à 15 %, estime Jean-Baptiste Dollé, responsable du service environnement. Pour celles qui ont encore des marges de manoeuvre technico-économiques, ce potentiel de réduction est plus important. » L'analyse de 127 exploitations laitières spécialisées montre que l'empreinte carbone (ci-dessous) de celles les moins optimisées est supérieure de 30 à 40 % à celles les plus optimisées (voir page suivante). « Il ne faut pas en incomber la responsabilité à un système de production ou un autre, ajoute-t-il. Les émissions brutes, c'est-à-dire sans compter le stockage de carbone par les prairies, sont peu différentes entre les divers modes de conduite. En revanche, on enregistre de grandes différences à l'intérieur de chaque système. »

Prairies : Un levier efficace

Le principal levier d'action repose sur la séquestration du carbone par les prairies. En effet, à partir de travaux réalisés par l'Inra, l'Institut de l'élevage considère qu'une prairie de moins de trente ans stocke 500 kg de carbone/ha/an et une prairie de plus de trente ans 200 kg. Un avantage indéniable pour les systèmes herbagers de plaine et de montagne qui compensent une partie des émissions de méthane entérique (voir page suivante). Cet atout fait son chemin dans les instances internationales. La FAO, qui définit la contribution de l'agriculture aux émissions mondiales, en accepte le principe sans l'intégrer à ce stade dans ses calculs. La Fédération internationale laitière a l'intention d'en tenir compte à l'occasion de la révision prochaine de son guide méthodologique. En fait, l'avancée majeure se déroule en France. Une base de données nationale est en cours de constitution pour permettre, à terme, de calculer l'empreinte carbone des produits proposés aux consommateurs. Pilotée par l'Ademe, cette dernière a décidé en septembre d'y introduire le stockage de carbone des prairies. « S'il y a stockage de carbone, il y aussi déstockage, avertit Jean-Baptiste Dollé. On estime ainsi qu'une prairie permanente retournée libère 1 000 kg/ha/an de carbone et ceci durant vingt ans. » Il ne faut pas oublier non plus que les prairies participent à l'autonomie protéique de l'exploitation avec, à la clé, une baisse des achats des concentrés azotés. Or, avec l'agrandissement des troupeaux, toute la difficulté aujourd'hui est de maintenir, voire de développer les prairies, en particulier les prairies pâturées dans les exploitations. Cela suppose des regroupements parcellaires autour des bâtiments, la création de chemins de pâturage, etc. Par ailleurs, les experts sur le changement climatique estiment qu'à moyen terme, les étés seront plus secs et les automnes et les fins d'hiver plus doux. La saison de pâturage démarrera sans doute plus tôt et s'achèvera plus tard, avec la nécessité de disposer de sols portants.

Concentrés : Éviter les gaspillages

Les concentrés sont le premier poste des charges opérationnelles. Or, un certain nombre d'éleveurs laitiers ont encore « la main lourde », ce qui explique les écarts de coûts de concentrés entre les exploitations les plus et les moins performantes (voir ci-dessus). Diminuer leur distribution, si cela s'avère nécessaire, améliorera donc la marge de l'atelier du lait. C'est l'objectif principal recherché. Il contribuera aussi à la baisse des émissions de CO2 qui leur sont affectées.

- Tourteau de colza. De même, le remplacement du tourteau de soja par du tourteau de colza répond généralement à ce double objectif économique et environnemental. L'empreinte carbone du colza, produit en France, n'est pas alourdie par le poids de la déforestation qui est appliquée au tourteau de soja.

- Graine de lin extrudé. Des essais sur quelques vaches, menées par l'Inra de Clermont- Ferrand, indiquent que la graine de lin extrudée joue sur le méthane entérique des laitières. Elle est distribuée à hauteur de 3 % de teneur en lipides dans la ration totale durant un an. Par rapport au lot témoin et ramenées au kilo de lait, les émissions sont abaissées de 22 % pour une production considérée identique (voir L'Éleveur laitier d'avril 2011, p. 42). Avec un tel niveau de réduction, on pourrait imaginer que le lin résoudra une bonne partie de l'empreinte carbone des fermes laitières. « Cette piste demande encore à être explorée à l'échelle globale du système, précise Jean-Baptiste Dollé. Si elle se confirme, il n'est pas certain qu'elle puisse être généralisée. La graine de lin n'est pas un produit que l'on trouve couramment sur le marché. »

- Le rumen. Distribuer une ration dont le niveau d'azote ruminal est restreint de 5 % par rapport aux recommandations ne pénalise pas les résultats laitiers mais minore les rejets azotés de 10 kg/VL sur une lactation. « C'est possible, confirme Yann Martinot, d'Orne Conseil Élevage, à condition d'être précis dans les quantités distribuées et dans l'analyse des fourrages et des aliments. Ne l'étant pas assez jusqu'à présent, ce levier est peu actionné. »

Azote minéral : Moins en consommer

L'azote minéral est source d'émissions de CO2 (fabrication et transport) et de protoxyde d'azote (épandage). Moins en consommer permet logiquement de les limiter. Cela passe bien sûr par une fertilisation adaptée aux besoins de la plante mais pas seulement.

- Déjections animales. Une meilleure utilisation des engrais organiques sera un facteur d'économie. « Si l'on est capable aujourd'hui de définir quelle dose de fumier ou de lisier apporter et à quel moment sur cultures ou prairies, encore faut-il avoir des déjections bien typées pour appliquer correctement la dose décidée », souligne Jean-Baptiste Dollé. Principalement dans sa ligne de mire, le lisier pailleux ou le fumier mou fabriqué dans les stabulations en logettes paillées ou dans les bâtiments paillés avec couloir d'alimentation raclé. « Il faut en finir avec ce type de déjection. L'utilisation de la paille n'est pas à proscrire, à condition de mettre enaval des moyens de séparation des parties solide et liquide. Cela peut être un séparateur gravitaire ou, plus onéreux, un séparateur mécanique. L'autre solution en logettes est de remplacer la paille par des tapis, de la paille hachée ou de la sciure. » L'objectif est d'obtenir un lisier plus homogène, pouvant être épandu par une rampe de pendillards ou un enfouisseur, et non plus par la buse-palette connue pour sa mauvaise répartition.

- Légumineuses. Leur implantation dans les prairies est un autre levier pour réduire l'azote minéral. Rappelons qu'un taux de trèfle blanc de 25 % sur l'année apporte 65 kg/ ha d'azote (voir L'Éleveur laitier n° 200, p. 45). Des prairies plus riches en légumineuses contribuent également à l'autonomie protéique de l'exploitation.

Conduite du troupeau : Limiter les animaux improductifs

Plus l'exploitation compte d'animaux, plus elle est émettrice, en particulier de méthane entérique. Il est donc tentant de limiter le nombre d'animaux en augmentant la production par vache. « Cette mesure ne donnera pas le résultat escompté, avertit le responsable environnement. L'intensification animale s'accompagne d'une plus grande consommation d'intrants et de carburant, et de plus d'émissions en bâtiment qui annulent l'effet positif du gain de productivité. »

- Optimisation sanitaire. Les animaux malades sont sources de dépenses vétérinaires… mais aussi de gaz à effet de serre inutiles puisqu'ils sont improductifs. Ce nouveau regard sur la santé des animaux montre bien tout l'intérêt des mesures préventives. L'optimisation sanitaire peut atténuer de 2 à 5 % l'empreinte carbone.

- Renouvellement du troupeau. Dans la même logique, limiter le renouvellement du troupeau pourrait avoir un effet. « Pas si sûr si on le raisonne à l'échelle globale. Moins de génisses de renouvellement, c'est aussi moins de vaches de réforme et donc plus de vaches allaitantes pour alimenter le marché de la viande bovine. Il ne faut pas perdre de vue que l'on cherche à diminuer les émissions nationales de gaz à effet de serre, et non uniquement celles de la filière laitière. »

Énergie : Un impact mineur

L'origine nucléaire de l'électricité française minore l'impact GES des investissements en prérefroidisseurs de lait et récupérateurs de chaleur des éleveurs pour abaisser leurs dépenses. Il se traduit par un gain sur l'empreinte carbone inférieur à 1 %.

- Fioul. L'effet est estimé de 1 à 2 % si l'on fait des économies de carburant : plus de pâturage, conduite économe des engins, réglages des tracteurs, regroupement parcellaire, etc.

Au-delà du cadre réglementaire qui s'annonce, des grands groupes laitiers préparent des démarches dites durables pour afficher l'impact environnemental de leurs produits (voir ci-dessus). Auront-elles à terme une incidence sur le prix du lait ? Il est encore trop tôt pour le dire, mais il faut l'avoir à l'esprit. Il est possible aujourd'hui d'établir un lien entre la teneur en acides gras insaturés du lait et les émissions de méthane du troupeau, à partir de l'analyse du lait par rayons infrarouges. L'Inra et le fabricant d'aliments Valorex en ont établi les équivalences.

CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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