LES ÉLEVAGES ROBOTISÉS MOINS RENTABLES QUE LES AUTRES

L'élevage robotisé débute avec un net avantage financier. Mais cet avantage est grignoté progressivement par des dépenses supplémentaires : aliments, intrants, frais vétérinaires…© CLAUDIUS THIRIET
L'élevage robotisé débute avec un net avantage financier. Mais cet avantage est grignoté progressivement par des dépenses supplémentaires : aliments, intrants, frais vétérinaires…© CLAUDIUS THIRIET (©)

Dans une étude, le CER France Normandie démontre que les élevages équipés de robots dégagent moins de revenus que les autres. Avant d'investir, ce centre de gestion conseille de creuser la véritable motivation qui pousse à un tel achat.

AVANT MÊME DE DÉBUTER UNE ÉTUDE SUR DES ÉLEVAGES LAITIERS ROBOTISÉS, le CER France Normandie se doutait bien qu'il pointerait du doigt leurs moins bonnes performances économiques. « C'est ce que certains de nos conseillers rencontraient sur le terrain, confie Dominique Huard, chargé d'études à l'atelier régional de ce CER France. Nous avons donc analysé leurs résultats dans le but de bien accompagner ces éleveurs ayant déjà investi ou en réflexion. » Ce centre de gestion a étudié 48 fermes équipées d'un robot de traite depuis au moins dix-huit mois pour les comparer à 650 non équipées. Elles ont pour point commun d'avoir clôturé leur exercice comptable au cours du premier trimestre 2011.

UN PRIX DU LAIT INFÉRIEUR DE 8 €/1 000 L

Même si ces deux groupes sont très homo gènes, l'élevage robotisé débute avec un net avantage puisqu'il génère un produit supérieur de près de 50 000 €. Grâce à sa surface en plus, il commercialise davantage de cultures de vente. Son atelier de taurillons est plus conséquent. Le chiffre d'affaires devrait être plus élevé, mais il est pénalisé par un prix du lait inférieur de 8 €/1 000 l comparé aux élevages non robotisés. Cette différence s'explique par des taux moins élevés (- 0,4 de TB et - 0,6 de TP).

Cet avantage financier va être progressivement grignoté par des dépenses supplémentaires. Au niveau des charges opérationnelles, ces systèmes sont plus gourmands en concentrés (200-250 kg d'aliments de plus par vache et par an). Ces consommations d'intrants entraînent 10 000 € de charges en plus, mais pas une augmentation de la productivité laitière. Alors que ces deux groupes ont un système fourrager quasi identique, les élevages robotisés produisent même 600 l de moins par vache. Ils supportent également des frais vétérinaires et d'élevage plus importants de près de 3 000 €.

Les charges de structure sont affectées par des dépenses en entretien de matériels élevées (6 500 €). Elles sont en partie liées aux frais de maintenance du robot. Ensuite, et ce n'est pas une surprise, les amortissements se trouvent impactés par l'achat du robot. En moyenne, cet investissement s'amortit sur sept à dix ans et entraîne 25 000 € de charges en plus. Et le recours à l'emprunt fait gonfler les frais financiers de 9 000 €. « Il en résulte des annuités supérieures d'environ 30 000 . Ces exploitations retrouveront- elles un jour des niveaux d'annuités comparables à celles qui ne sont pas équipées ?, s'interroge Dominique Huard. Ou alors, vont-elles renouveler leur machine dès qu'elle sera amortie ? » Au final, ces élevages dégagent un résultat courant inférieur de 18 000 €.

Certes, divisé par le nombre d'Utaf (unité travailleur agricole familial), il est correct puisqu'il atteint 27 000 €. Pour information, celui des élevages laitiers de la Manche s'élève, en moyenne, à 21 000 € pour la même période. Mais ramené au litre de lait, ce résultat est décevant. Pour aller plus loin, le CER s'est penché sur le quartile supérieur, c'est-à-dire les « 25 % meilleurs ». Surprise : les élevages robotisés dégagent le même résultat courant par Utaf que les autres, soit environ 55 000 €. « Cette observation est rare dans nos études. Elle m'incite à dire que ces éleveurs ayant investi dans un robot ont plus de difficultés que d'autres à être bons sur plusieurs niveaux : d'une part, à mettre en place un atelier laitier cohérent dans toutes ses dimensions, notamment son système fourrager ; d'autre part, à maîtriser techniquement le troupeau. Le même niveau de performances est possible mais semble plus difficile à atteindre. »

Avant d'acheter un robot, il est primordial de se demander si cet investissement va répondre à la problématique de l'élevage. « Souvent, l'agriculteur met seulement en avant son envie de s'équiper. Il doit creuser davantage sa véritable motivation. » Est-ce pour résoudre un problème de temps de travail ? Pour réduire l'astreinte, il existe la délégation des travaux des champs. Est-ce parce qu'il n'est pas passionné par l'élevage ? Là, le robot n'est pas la meilleure solution car l'éleveur risque de ne plus être contraint par la traite pour surveiller ses vaches. Et face à son manque de réactivité pour repérer, puis soigner un animal malade, le risque de dérapage peut aller très vite. L'éleveur souhaite-t-il s'équiper pour se libérer des congés ? Là encore, d'autres alternatives existent : le service de remplacement, l'association ou l'entraide avec un voisin.

DES EXPLOITATIONS PLUS FRAGILISÉES EN CAS DE CRISE

« Le robot répond souvent à un souci de modernité et son acquisition est un peu l'équivalent du tracteur en plaine. Mais l'éleveur en prend pour dix ans ! Un salarié peut apparaître plus flexible. » On considère qu'un robot peut remplacer 0,75 salarié et que ces deux alternatives ont un coût quasi-équivalent : 30 000 € d'annuités pour le robot, idem pour un salarié rémunéré 1 200 € net par mois.

Dans la perspective de l'après quotas, on peut aussi reprocher au robot son manque de souplesse. Si une laiterie propose de produire 10 % de lait en plus sur une campagne, certains ne pourront pas répondre à cette demande puisque leur stalle sera saturée. « Ces élevages seront plus fragiles en cas de crise du prix du lait, d'autant plus si la mauvaise conjoncture laitière se conjugue par une augmentation des charges. Car ces systèmes sont plus consommateurs d'intrants… » Autant d'éléments de réflexions à bien prendre en compte avant d'investir.

NICOLAS LOUIS

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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