
Régis Lemazurier met la barre haut. En deux ans, il veut réduire les charges opérationnelles de l'atelier lait de 60 €/1 000 l. Il est à mi-chemin.
JEUNE PRODUCTEUR DE 34 ANS, RÉGIS LEMAZURIER FAIT PARTI DES PROFILS ATTRAYANTS AUX YEUX DES TRANSFORMATEURS : un quota de 614 000 l, au coeur du bassin laitier bas-normand, réalisé dans une stabulation de 220 logettes en ordre de marche. Sa surface totale de 138 ha lui offre une souplesse environnementale : son potentiel d'épandage des déjections est aujourd'hui en dessous des 170 kg d'azote par hectare. À charge pour l'éleveur d'optimiser cette capacité de production. La crise de 2009 a servi d'avertissement. « J'ai contracté un emprunt à court terme de trésorerie de 25 000 € pour faire face à mes 63 000 € d'annuités cette année-là. Cela a été le déclic. » Depuis plus d'un an, Régis entreprend une remise en ligne de ses charges opérationnelles. « La refonte du siège de l'exploitation m'a beaucoup accaparé ces dernières années. De 2002 à 2004, l'hébergement des vaches et génisses est organisé sur le même site. Une nursery et la fumière de 450 m2 sont construites. En 2007, l'aire paillée est transformée en trois rangées de logettes. Dans les deux cas, toute la maçonnerie est réalisée en auto-construction. Une économie indéniable mais au détriment du suivi technico-économique du troupeau », poursuit Régis.
Ces investissements lui fournissent une bonne productivité du travail. Son salarié et lui ont produit la dernière campagne 358 000 l par UTH. Cette productivité ne s'est pas avérée suffisante en 2009. Les principales charges de structure étant incompressibles, Régis s'attaque aux intrants. Partisan d'un regard extérieur, il s'appuie sur le suivi individuel mis en place il y a un an par le centre de gestion CER France Manche.
« JE VEUX DISPOSER D'UNE MARGE DE MANOeUVRE »
Trois fois par an avec un conseiller, Dominique Leprovost, il décortique ses dépenses en intrants et en premier lieu son coût alimentaire. « J'ai découvert l'intérêt de l'utilisation des matières premières. Sur les conseils d'un nutritionniste, en 2009, j'ai remplacé le correcteur azoté du commerce, destiné aux vaches, par des drèches de blé et du tourteau de colza. »
Le coût de concentrés de l'atelier lait passe ainsi de 63 €/1 000 l en 2008-2009 à 56 €/1 000 l en 2009-2010. L'effort se poursuit la campagne suivante. Régis le réduit encore de 5 €/1 000 l en jouant sur le prix de l'aliment. L'achat de 75 t de tourteau de colza à 150 €/t assure un correcteur azoté très compétitif durant tout l'hiver. Il est resté couplé aux drèches de blé, humides ou sèches.
LES PROJETS SUR LES CONCENTRÉS
Régis vise pour 2011-2012 un maximum de 35 €/1 000 l de coût de concentrés (voir cicontre). « J'utilise encore trop de concentrés, estime-t-il. La consommation par vache s'élève à 2 097 kg en 2011-2012 contre 1 279 kg pour les 25 % meilleurs producteurs du groupe CER. Certes, le recours au tourteau de colza exige plus de distribution. Malgré tout, j'estime ce niveau trop élevé. » La stratégie hivernale sera triple. En premier lieu, augmenter le niveau laitier de la ration de base de 20 à 25 kg. Il limitera ainsi la consommation de concentrés de production. En second lieu, leur nature est remise en cause. La « VL » maison (triticale + tourteau de colza) est abandonnée pour un tourteau de colza tanné au Dac. Enfin, l'exploitation enregistre aujourd'hui une avance de livraisons de 25 000 l. De quoi établir une complémentation ne poussant pas à l'expression totale du potentiel laitier.
LES PROJETS SUR L'HERBE
« Ces 25 000 l ont été produits à faible coût grâce à l'herbe. Il varie entre 35 €/1 000 l et 50 €/1 000 l selon la période du printemps et de l'été. »
L'éleveur confie son plaisir à gérer le pâturage des vaches. Il veut améliorer la valeur alimentaire des prairies en implantant progressivement des associations RGA + trèfle blanc. Il espère surtout réussir des échanges de parcelles pour obtenir un bloc de 50 ha autour des bâtiments, avec des parcelles de 4 à 5 ha sans traverser la route. Son objectif n'est pas de fermer le silo au printemps mais de proposer une ration fourragère équilibrée avec pâturage ou ensilage d'herbe + maïs ensilage toute l'année.
Dans ce but, pour la première fois, il vient d'analyser l'ensilage d'herbe en vue de l'hiver. Régis n'oublie pas que le coût fourrager participe à un coût alimentaire faible. Avec le conseiller de gestion, il passe au crible les dépenses en intrants relatives à la culture du maïs. Des mesures simples mais efficaces sont prises. De 701 € en 2009-2010, le coût de l'hectare de maïs tombe à 586 € l'an passé. L'éleveur supprime l'engrais starter et substitue les 300 kg/ha d'engrais complet 13-3-24 par 150 kg d'urée, l'épandage de fumier tous les ans suffisant à satisfaire les besoins en P et K. Autre mesure : l'arrêt de l'achat des semences de maïs dernier cri pour des crus plus anciens.
LES PROJETS SUR LES MAÏS
« Désormais, je fais jouer la concurrence en sollicitant deux fournisseurs d'engrais. J'ai conscience que je ne suis pas encore assez réactif en les commandant quand leur prix baisse. » Il se pose la question de renouveler en 2012 l'épandage de l'activateur organique sur maïs qui lui a coûté cette année 4 000 €. « C'est un test onéreux, reconnaît-il. Mes rendements en maïs-ensilage plafonnent à 12- 13 t de MS/ha alors que le potentiel du secteur est plutôt à 15-16 t. Je vais concentrer mes efforts sur la qualité du travail du sol. »
LES PROJETS SUR LA CONDUITE DU TROUPEAU
Régis aborde une nouvelle phase dans la remise en ligne de son exploitation : l'optimisation du troupeau. « Les produits lait et viande peuvent être améliorés et le coût de la conduite d'élevage abaissé », estime Dominique Leprovost. Pénalisé par un TP ne décollant pas des 33 g/kg, le prix du lait est inférieur de 18 €/1 000 l à la moyenne de son groupe CER (327 € pour lui en 2010- 2011). Régis espère que le tourteau de colza tanné au Dac cet hiver le boostera. L'amélioration de la qualité sanitaire du lait depuis un an donnera aussi un plus. En revanche, le TB restera à 40 g/kg. Inférieur au quota MG, il a autorisé 42 690 l en plus en 2010-2011.
Côté viande, il mise sur le croisement de ses vaches avec une race à viande pour combler l'écart de 40 € du prix de vente des veaux. « En contrepartie, je démarre l'IA de semences sexées sur génisses pour assurer le renouvellement du troupeau. » « Plus globalement, les frais d'élevage peuvent être réduits en abaissant l'âge au premier vêlage qui est de trente-cinq mois aujourd'hui, analyse Dominique Leprovost. Cela passe par un meilleur suivi de la croissance des génisses. » Régis a modifié leur plan d'alimentation. De trois à huit semaines, une seule buvée leur est désormais donnée (deux auparavant) pour favoriser l'ingestion du maïs grain + tourteau de colza. Objectif : atteindre les 200 kg à six mois pour les génisses holsteins contre 180 kg (mesure du tour de poitrine).
Cette intensification animale touche également les laitières. « Le niveau d'étable peut accéder à 8 000 l/VL contre 6 400 l actuellement », évalue le conseiller. Cet été, la décision a été prise de caler les rations de base sur 25 kg/j de lait contre 20 kg jusque-là. Ainsi, à la réduction de l'effectif d'élevage s'ajoutera celle du nombre de vaches. Un plus indéniable pour l'organisation du travail. « Avec mes 110 laitières en vêlages étalés, la traite dure deux heures, sans le nettoyage de ma 2 x 7 postes. Mes journées finissent à 20 heures », confie Régis.
LES PROJETS D'INVESTISSEMENTS DIFFÉRÉS
Pas question pour lui d'investir dans une salle de traite d'ici à 2015. Il n'a pour seul projet que la construction d'une fosse à lisier de 2 500 m3 pour 60 000 €. Il souhaite maintenir les charges de structure au niveau actuel (126 614 € en 2010-2011 pour 65 294 € d'annuités, hors prêt JA remboursé en 2012). « Ma priorité est de constituer une capacité d'autofinancement solide. Si le prix du lait chute de nouveau, je veux disposer d'une certaine marge de manoeuvre financière pour commander les intrants au bon moment. »
Il souhaite également être réactif aux conjonctures favorables. C'est pourquoi l'abaissement de l'âge au premier vêlage ne s'accompagnera pas d'une réduction du nombre de génisses de renouvellement. Producteur Lactalis, il ne se sent pas encouragé à livrer plus par le groupe lavallois. « D'ici à 2015, si je dois produire plus, ce sera probablement via la gestion des quotas à l'échelle du bassin normand », estime-t-il. Une allusion aux sous-réalisations haut-normandes que le département de la Manche, demandeur en lait, est prêt à produire. « Produire plus après 2015, pourquoi pas mais pas au détriment du prix du lait », poursuit- il. La structure de l'exploitation le lui permet. Ses 138 ha offrent une certaine latitude fourragère et la stabulation de 220 logettes, l'hébergement de 30 ou 40 vaches en plus. « Un bâtiment pour génisses pourrait être construit à côté. Ce scénario ne verrait le jour qu'en ajustant la main-d'oeuvre au travail supplémentaire, sans doute par l'embauche d'un deuxième salarié. »
Dans l'immédiat, l'éleveur cherche à dégager des gains de travail. Pour lui, cela passe par un plus grand regroupement des parcelles dans ses deux principaux îlots. Il espère des échanges de terres pour constituer des parcelles de 5 à 6 ha. Ce sera moins de temps passé à l'entretien des clôtures et aux déplacements routiers.
CLAIRE HUE
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