Un service contractualisé permet aux producteurs de lait d'externaliser et d'optimiser le renouvellement pour faire plus de lait. En face, les éleveurs spécialisés de génisses bénéficient d'une assurance de rentabilité.
AVEC LA FIN DES QUOTAS TOUTE PROCHE et l'ambition de produire très rapidement plus de lait, pouvoir déléguer l'élevage des génisses de renouvellement à un autre éleveur peut être une solution pertinente. Cela permet notamment de libérer de la surface fourragère et des places dans le bâtiment pour des vaches supplémentaires, sans aggraver la pression environnementale. Ce service existe dans le département de la Sarthe depuis 1969 par l'intermédiaire du Gess (Groupement des éleveurs spécialisés de la Sarthe). Dès cette époque, des éleveurs laitiers naisseurs se sont regroupés avec d'autres éleveurs pour déléguer l'élevage de leurs génisses.
Les motivations étaient, pour les uns, d'intensifier les surfaces fourragères, pour les autres, de valoriser des bâtiments. Le postulat de départ du Gess : que l'éleveur de génisses gagne autant que l'éleveur laitier. Au début des années 1980, le groupement réunissait 90 naisseurs et 26 éleveurs. L'arrivée des quotas a sérieusement ralenti cette dynamique. Ensuite, la mise aux normes des bâtiments a été, pour beaucoup de producteurs de lait, l'occasion de rapatrier les génisses dans l'exploitation. Des années creuses pour le Gess, suivies d'un renouveau depuis que la contrainte des quotas s'est nettement desserrée dans la Sarthe. Le groupement compte aujourd'hui 8 éleveurs de génisses pour 22 naisseurs.
« Avec la fin des quotas, la demande des éleveurs laitiers s'accentue. La plupart veulent faire plus de lait sans investir dans le bâtiment, mais aussi récupérer des génisses de 24 mois performantes, tout en libérant de la main-d'oeuvre. La possibilité de retourner des prairies pour faire des céréales à 800€/ha de marge brute peut aussi être un argument motivant », explique Sylvain Brunet, président du Gess. En face, il faut recruter des candidats à l'élevage des génisses, et la tâche est plus difficile « car nous sommes exigeants sur les compétences et la motivation. Élever une génisse de qualité qui vêlera à 24 mois est une vraie spécialité nécessitant le strict respect de l'itinéraire technique. En contrepartie, le Gess garantit un débouché et une rentabilité. Le prix de vente de la génisse est indexé sur une marge brute lait et le coût alimentaire de la génisse. Les paramètres économiques sont issus du réseau Clasel. Ce prix est fixé pour un an par le conseil d'administration où siègent à voix égales les naisseurs et les éleveurs », précise Sylvain Brunet.
Depuis la création du Gess, le Clasel (ex-contrôle laitier) assure le suivi de l'alimentation, du sanitaire et celui de l'administratif. Un conseiller spécialisé a été mis à la disposition du groupement. C'est un gage de confiance à la fois pour les naisseurs et les éleveurs de génisses.
Concrètement, les génisses du naisseur sont déclarées au Gess dès la naissance et quittent l'exploitation à l'âge de 3 semaines. Elles sont vendues à l'éleveur qui est chargé de venir les chercher. Le naisseur n'est nullement obligé d'apporter toutes ses génisses au groupement. Chaque génisse est attribuée à un élevage selon un planning d'allotement. « L'objectif est de créer des lots le plus homogènes possible en âge, les écarts sont en moyenne de trois semaines dans des lots qui ne dépassent pas 25 génisses », explique Nicolas Lair, technicien spécialisé au Clasel. Jusqu'à l'âge de 6 mois, les jeunes génisses reçoivent d'abord une alimentation lactée au Dal, puis une ration sèche à base de foin. La poudre de lait et les aliments concentrés sont achetés en commun pour tous les éleveurs. L'objectif est d'atteindre 200-210 kg à 6 mois. Au-delà, la ration s'adapte aux ressources fourragères de l'éleveur : ensilage d'herbe, de maïs, enrubannage, tous les fourrages sont analysés.
UN PROGRAMME DE CROISSANCE STRICT ET CONTRÔLÉ PAR CLASEL
L'objectif est d'avoir une génisse de 310-320 kg à un an pour arriver aux 400 kg minimum à 15 mois, âge de l'insémination. Le planning alimentaire impose un passage au pâturage. « Ceci pour le protocole de vermifugation, mais aussi pour avoir des animaux qui connaissent la clôture électrique », précise Nicolas Lair. Le poids de départ moyen des génisses, quarante jours avant terme, est de 620 kg. Ce programme strict de croissance, contrôlé par le conseiller Clasel, impose à l'éleveur des bâtiments fonctionnels et un équipement de pesée facilement accessible pour les animaux. Un constat de gestation est aussi obligatoire pour avertir le naisseur de la date de retour de l'animal. C'est lui qui vient chercher sa génisse. Par contrat, il a obligation de la racheter à l'éleveur, sauf si la date de vêlage est décalée au-delà de 32 mois. Le naisseur peut indiquer son choix d'accouplement ou laisser faire l'inséminateur. Le surcoût des semences sexées ou des doses importées est à sa charge. L'usage d'un taureau est bien sûr strictement interdit. Mais quid du risque sanitaire dans ces mouvements d'animaux entre élevages ? « C'est le gros point de vigilance car nous n'avons pas le droit à l'erreur, souligne Nicolas Lair. Quand un éleveur adhère au groupement, il intègre un environnement sanitaire beaucoup plus large que son élevage où chaque maillon est responsable des autres. »
UNE ACTIVITÉ QUI PERMET DE VALORISER LES PRAIRIES NATURELLES
La vaccination BVD est obligatoire chez tous les éleveurs avec un protocole d'analyses qui assure que l'élevage est indemne de toute maladie contagieuse. Le fait que les génisses d'un même naisseur soient toujours allotées dans différents élevages limite quand même le risque de pépins graves. Les pertes ou les accidents qui peuvent intervenir sur les génisses sont pris en charge par l'éleveur. Sauf en cas de malformation génétique démontrée où le naisseur devra participer à hauteur de 50 %. L'absence de lait dans un trayon, liée à des tétées entre génisses, fera l'objet d'une pénalité sur le prix de vente. « Les quarante-cinq ans d'expérience du Gess permettent de gérer sans heurts presque tous les cas de figure. De manière générale, ce fonctionnement nécessite du bon sens de la part de chacun des membres et un dialogue entre éleveurs et naisseurs. Il faut qu'une confiance réciproque s'établisse. D'ailleurs, le naisseur a la possibilité d'aller voir ses génisses dans les différents élevages », assure Nicolas Lair.
Ce service est difficilement envisageable dans un périmètre qui dépasse les frontières d'un département. Pour des questions de distances entre les naisseurs et les éleveurs, mais aussi parce que les règlements sanitaires départementaux diffèrent souvent. D'où la nécessité de recruter des éleveurs de génisses à proximité des producteurs laitiers. « L'éleveur type du Gess accueille en moyenne trois lots de 20 génisses au cours d'une année. La marge brute par génisse est d'environ 600 € pour un temps de travail estimé à dix-huit heures, cultures fourragères incluses. L'astreinte quotidienne existe, surtout pour surveiller les chaleurs, mais elle n'équivaut pas à celle d'un éleveur laitier. C'est aussi une activité capable de valoriser des prairies naturelles. Avec un chargement qui peut atteindre 2,5 génisses, la marge brute à l'hectare n'est pas négligeable. De jeunes agriculteurs producteurs de porcs ou de volailles pourraient être intéressés par l'élevage de génisses », argumente Nicolas Lair
TOUS LES BÉNÉFICES DU VÊLAGE À 24 MOIS
L'élevage des génisses de renouvellement est trop souvent le parent pauvre de l'élevage laitier. C'est pourtant l'un des leviers majeurs de la performance de l'atelier. Mais combien d'éleveurs connaissent le coût de production de leurs génisses ? Réussir des vêlages précoces est un atout économique évident : coûts d'élevage diminués, bâtiments moins chargés et surtout davantage de lait par jour de vie pour la vache laitière. Le progrès génétique est aussi accéléré. Sur la zone Clasel, l'âge moyen au vêlage est de 31 mois. « L'itinéraire technique pour réussir un vêlage à 24 mois ne supporte pas les approximations. Il faut peser régulièrement et faire des analyses de fourrage. Trop peu d'éleveurs le font pour leurs génisses. Pour une insémination artificielle à 15 mois, nous n'avons pas le droit à l'erreur sur l'alimentation. La principale négligence est un défaut de complémentation en fin de pâturage, car la perte de GMQ ne se rattrape pas ensuite », explique Nicolas Lair.
DOMINIQUE GRÉMY
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