« NOUS AVONS EU LA CHANCE DE POUVOIR ADAPTER NOTRE SYSTÈME À NOS BESOINS »

Le prolongement de l'entravée prévue pour 46 vaches va s'opérer dans la partie gauche du corps de ferme. Une partie du foin sera stockée au-dessus de l'étable, le reste dans le bâtiment de stockage (à gauche).
Le prolongement de l'entravée prévue pour 46 vaches va s'opérer dans la partie gauche du corps de ferme. Une partie du foin sera stockée au-dessus de l'étable, le reste dans le bâtiment de stockage (à gauche). (©)

Le prix élevé du lait à comté et une sécurité fourragère assurée ont permis à Marie-Aude et Olivier Buchillot de réaliser leur nouveau projet de vie professionnelle et familiale. Il s'organise autour d'un troupeau à taille humaine mené de façon extensive.

PARENTS DE TROIS JEUNES ENFANTS DE 5, 7 ET 11 ANS, Marie-Aude et Olivier Buchillot ont trouvé, il y a deux ans, ce qu'ils cherchaient : une ferme isolée. Cela pour un changement de trajectoire professionnelle pleinement assumé par le couple, après un début de carrière dans le domaine du cheval. Fille de sélectionneur montbéliard réputé du Doubs, Marie-Aude, 34 ans, est enseignante en équitation. D'origine citadine, Olivier, 47 ans, a été pendant vingt ans à la tête d'une entreprise artisanale de maréchalerie ayant pignon sur rue en Franche-Comté.

À la veille de ses 40 ans, Olivier doit pourtant mettre un terme à sa passion pour son premier métier. Deux décennies plié en deux à parer et ferrer les chevaux, ça vous casse le dos. « Physiquement, je n'en pouvais plus. » Profitant de la cessation d'activité de ses beaux-parents (auxquels il rachète 22 ha) et de l'opportunité de louer 10 ha, Olivier rejoint un Gaec de deux frères à la recherche d'un nouveau partenaire. Dans sa valise, 170 000 l de quota. L'ancien maréchal-ferrant découvre un métier qui lui plaît. L'organisation des tâches y est bien établie, dans un bâtiment très fonctionnel. La traite du matin et les soins aux animaux terminés, chacun des trois associés vaque à ses occupations jusqu'au retour, en fin d'après-midi, à la stabulation. Les deux frères ont leur micro-entreprise de sylviculture, Olivier, toujours un pied dans le cheval.

Mais les années passant, ce dernier ne trouve pas franchement ses marques. Pas toujours facile de se faire sa place dans une affaire familiale. « Avec le temps, je me suis aussi rendu compte que nous n'avions pas vraiment la même philosophie de vie, la même approche du métier ou des relations avec les animaux. Je ne me voyais pas jusqu'à la retraite ainsi. » Au bout de cinq ans, Marie-Aude et Olivier commencent à réfléchir à un autre avenir. « Nous avions envie d'avoir notre propre exploitation, d'être chez nous. »

TOUT SAUF OBNUBILÉS PAR LA PRODUCTIVITÉ LAITIÈRE

Mais le choix n'est pas anodin à 32 ans pour Marie-Aude, 45 ans pour Olivier. La famille est installée à Landresse (Doubs), dans une maison restaurée avec goût. Marie-Aude achève le congé parental pour son troisième enfant. Plusieurs pistes sont envisagées (s'installer avec des chèvres, quitter la région...), mais sans lendemain, jusqu'au jour où l'opportunité qu'ils n'osaient pas imaginer tombe du ciel : une ferme avec 47 ha d'un seul tenant à 8 km des 22 ha du couple. Bémol : le corps de ferme, qui accueille l'entravée, est vétuste et la partie habitation à revoir pour y vivre confortablement.

En bonne entente avec ses associés, Olivier organise sa sortie du Gaec pour un autre Gaec, entre époux cette fois. Sur le papier, l'exploitation dispose de 82 ha pour un quota de 331 700 l, dont près de 300 000 l plaqués lait à comté et livrés à la coopérative de Laviron-Surmont. 4 060 l de lait par hectare, le potentiel d'intensification est élevé pour le secteur, mais les Buchillot sont tout sauf obnubilés par la productivité laitière. Ils ont leur approche du métier, une vision précise de ce qu'ils veulent ou pas. C'est à travers deux autres filtres qu'ils raisonnent leur installation : leur besoin d'EBE et le temps de travail. Le premier, pour être capables de prélever au moins 36 000 €/an et assumer le poids des annuités avec une marge de sécurité. Le second, pour consacrer le temps nécessaire à leurs enfants.

UN ATOUT MAÎTRE : LA SÉCURITÉ FOURRAGÈRE

« Nous voulions un troupeau d'une quarantaine de laitières, pas plus. Nous nous définissons plus comme des paysans que des producteurs de lait. » Pas question non plus de se lancer dans un investissement financièrement déraisonnable à leur âge. Pas question enfin de suivre un modèle intensif à la vache ou à la surface. Cela pour des questions environnementales dans un milieu très sensible à toute dérive, le massif jurassien avec son sous-sol karstique. S'y cache aussi la volonté d'être peu dépendants de la volatilité du cours des intrants. Le Gaec des Prés Dessus ne sera donc pas une bonne adresse pour les fabricants d'aliments.

Pour mener à bien leur projet de vie professionnelle et familiale, Marie-Aude et Olivier jouissent d'une double chance. Avec une AOC comté valorisant le lait à plus de 450 €/1 000 l de moyenne, pas besoin de traire 80 vaches pour vivre. Les 82 ha d'herbe sont aussi un don du ciel pour la sécurité fourragère, dans un secteur où les campagnols jouent, de façon cyclique, des mauvais tours aux récoltes.

Les premières simulations de Matthieu Cassez, conseiller d'entreprise à la chambre d'agriculture du Doubs, montrent que le projet est viable avec 200 000 à 220 000 l de lait produits de façon extensive. Les deux premiers exercices du Gaec créé en novembre 2011 ne le démentiront pas. L'EBE y dépasse les 50 000 € d'objectif minimum. En 2013, ce sont 71 000 € que l'exploitation a sortis pour 198 000 l de lait produits par 36 vaches à 5 480 l de moyenne économique. Point fort du système, la priorité au lait produit par les fourrages avec seulement 995 kg de concentrés par VL (182 g/l) pour atteindre un potentiel contrôlé à 6 200 l en 2013... « 6 500 l cet hiver sans rien changer aux quantités d'aliments distribuées », explique Marie-Aude. Pas de frais d'engrais non plus : « La seule fertilisation que nous achetons, c'est notre paille, à raison de 4 à 5 kg/VL/j pendant la période de stabulation. » En 2013 comme en 2012, les 82 ha ont reçu l'équivalent de 15/7 et 18 unités de N/P/K sous forme organique (fumier et purin). « A commencé à s'y ajouter un apport de chaux sous forme de sable de carrière, à raison de 7 t/ha pour cinq ans. C'est une solution très économique », ajoute Olivier. Peu sollicité sur le plan zootechnique, le troupeau affiche enfin un niveau de frais vétérinaire très bien maîtrisé (14 €/1 000 l). « Le pilotage des animaux avec la méthode Obsalim du GIE zone verte n'y est pas non plus étranger », note Marie-Aude Buchillot.

Plutôt que 220 000 l, les Buchillot se seraient bien contentés de 180 000 l. Mais c'était sans compter sur l'impact financier de la modernisation et la mise aux normes indispensable des bâtiments, au-delà du coût de reprise, du renouvellement du matériel acquis en bout de course et des premiers aménagements d'urgence. Marie-Aude et Olivier Buchillot ont mis beaucoup de leurs économies dans ce projet. Sur les 250 000 € de reprise (cheptel, matériel, 3 ha autour du corps de ferme incluant la partie habitation), seulement 130 000 € ont été financés par un prêt JA. S'y sont ajoutés 150 000 € investis sur deux ans pour rendre l'ancienne entravée plus fonctionnelle, le temps de se caler (installation d'une laiterie, d'un pipe-line, d'attaches canadiennes...), pour rallonger le bâtiment de stockage (qui accueille aussi les taries et les élèves). Mais également pour racheter une chaîne de fenaison complète et deux tracteurs d'occasion pour éviter les pannes à répétition. Comme celles de la première saison de foin, galère, pendant laquelle la solidarité des voisins a été salutaire.

UN INVESTISSEMENT PRÉVU DE 300 000 €

Après ces deux années de calage, une nouvelle phase a débuté : l'étable entravée va être réaménagée et prolongée de 25 m pour accueillir 46 vaches laitières. Dans les 12,50 m de large imposés, elles seront disposées cul à cul, avec devant elles un couloir d'alimentation et séparées par un couloir de 3 m raclé au valet de ferme. Le fumier repris au godet sera mis en tas. Avec la mise aux normes (fosse de 150 m3, fumière couverte), la réfection de l'ancienne grange (plancher pour y rouler au tracteur et stocker des balles rondes), et la nouvelle installation de traite d'occasion (pipe-line, huit faisceaux de traite avec décrochage, rail Easyline...), ce sont 300 000 € qui seront investis (dont 84 000 € d'aides) financés par un prêt sur quinze ans. Marie-Aude et Olivier Buchillot sont sereins. L'EBE devrait monter en puissance quand les 220 000 l produits seront atteints. L'objectif des 400 € d'EBE/1 000 l est aussi, d'après leur conseiller, à portée de main avec leur système extensif.

JEAN-MICHEL VOCORET

Le prolongement de l'entravée prévue pour 46 vaches va s'opérer dans la partie gauche du corps de ferme. Une partie du foin sera stockée au-dessus de l'étable, le reste dans le bâtiment de stockage (à gauche).

Pendant deux ans, les laitières ont été menées dans une entravée rendue plus fonctionnelle par l'installation d'une laiterie, d'un pipe-line et d'attaches canadiennes pour libérer aisément les animaux. Convaincus qu'il n'y a rien de mieux pour le confort animal, les Buchillot ont décidé de réaménager et prolonger cette entravée de 25 m.

PHOTOS © J.-M.V.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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