PLANIFIER SES LIVRAISONS DE LAIT

Jacques Lefranc (à gauche) et Jean-Paul Abiven, conseillers au BCEL Ouest.
Jacques Lefranc (à gauche) et Jean-Paul Abiven, conseillers au BCEL Ouest. (©)

Les laiteries souhaitent que les éleveurs annoncent leurs livraisons à l'avance. Une gymnastique nouvelle et complexe. Les contrôles laitiers bretons y travaillent.

SODIAAL A DONNÉ LE TON LE PREMIER, en demandant à ses adhérents d'annoncer trois mois à l'avance les livraisons mensuelles que prévoient les éleveurs. La précision attendue est assez élevée, mais il y a une prime à la clé : 5 €/1 000 l pour des livraisons correspondant aux prévisions avec une marge de 2 % ; 3 € pour une marge de 2 à 5 % et 2 € pour une précision comprise entre 5 et 10 %. Depuis, dans les contrats, on a vu fleurir des objectifs de livraison par trimestre, exprimés en pourcentage du quota. Les coopératives ne sont pas en reste et cherchent, elles aussi, à obtenir une meilleure lisibilité des livraisons dans le temps.

Avec les quotas, les éleveurs avaient pris l'habitude de prévoir leurs livraisons à l'échelle de la campagne, afin de produire toute leur référence et pas plus. Souvent, les contrôles laitiers ont élaboré des logiciels permettant de les aider.

PENSER À TOUT

Là, l'exercice se complique. Mais l'expérience acquise est utile. Responsable du marché conseil en production laitière au contrôle laitier(1), Jacques Lefranc précise que les conseillers disposent de toutes les informations pour aider les éleveurs à réaliser leurs prévisions. « Le logiciel calcule des prévisions individuelles tous les dix jours et les additionne pour arriver au volume du mois », ajoute Jean-Paul Abiven, l'un des concepteurs de cet outil. Le conseiller ajuste la prévision en fonction des données de l'éleveur. Il intègre, par exemple, une baisse de qualité des fourrages ou un effet troupeau particulier. L'outil du contrôle laitier permet aussi d'effectuer des simulations. Ainsi, par exemple, si la prévision débouche sur un dépassement de quota, peut-on modifier les dates de réforme ou prévoir la vente de quelques vaches. L'impact sur les livraisons est immédiatement évalué.

Pour élaborer des prévisions, plusieurs éléments clés sont à prendre en compte.

Effectif. Prévoir les entrées et les sorties des animaux

Ce critère, plus facile à prévoir sur une année que sur un mois, est celui qui pèse le plus lourd. L'éleveur sait généralement combien de vaches il va réformer et à quelle date. Dans le cadre d'une prévision mensuelle, il faut déterminer quelle vache va partir et à quelle date. Car le poids de chaque animal est beaucoup plus élevé sur une courte période. Il faut donc définir une véritable stratégie de réforme. Les informations sur la reproduction permettent de connaître les dates de vêlages, et donc celles d'entrées des vaches. À BCEL Ouest (1)Ce critère, plus facile à prévoir sur une année que sur un mois, est celui qui pèse le plus lourd. , environ la moitié des éleveurs font des échographies pour confirmer les gestations. Il s'agit d'une information précieuse pour prévoir la production.

Potentiel/production. Un écart lié à la ration

Le potentiel de production est bien évidemment un facteur important. Il est connu et fluctue peu d'une année sur l'autre, sauf si l'éleveur a une stratégie particulière sur ce plan. Mais la production réelle est différente de ce potentiel. Cet écart varie selon les conduites d'élevage. En système herbagé, par exemple, la production réelle sera très liée à la pousse de l'herbe. La précision de la prévision a donc toutes les chances d'être plus faible, surtout au printemps. À l'inverse, avec une ration bien calée sur des fourrages stockés dont on connaît la valeur, la production réelle sera régulièrement proche du potentiel.

Production/livraison. La différence peut être importante

L'écart moyen entre le volume produit et les livraisons s'élève à 8 % pour les élevages distribuant du lait entier. Mais les différences sont importantes d'un élevage à un autre. L'écart tombe à 4-5 % chez ceux qui donnent du lait en poudre. Il est cependant délicat de jouer sur ce poste pour l'ajustement final, car les veaux peuvent mal supporter un changement de régime. De même, un élevage très touché par les mammites aura un écart supplémentaire de 3 à 4 % entre la production et les livraisons du fait du lait jeté. Par ailleurs, si l'éleveur calcule ses prévisions sur la base du potentiel de production donné par le contrôle laitier, il ne faut pas oublier qu'il est en kilos de lait, quand les livraisons sont à prévoir en litres !

Aléas. Une marge de sécurité pour en tenir compte

La production réelle sera toujours liée à des aléas climatiques ou sanitaires. La sécheresse limitera la pousse de l'herbe et augmentera les besoins en stocks. Si les réserves sont insuffisantes ou si l'éleveur n'achète pas, la production en pâtira. Les éleveurs peuvent réduire leur sensibilité aux aléas climatiques en stockant de gros volumes de fourrages. Mais il faut trouver le juste équilibre entre la sécurité d'approvisionnement et l'excès de stocks, précise Jacques Lefranc. Les ennuis sanitaires peuvent réduire la productivité des animaux ou provoquer des réformes non prévues.

Ces aléas sont inhérents à l'élevage, et l'éleveur qui souhaite produire toute sa référence doit prendre une marge de sécurité en début de campagne afin d'en tenir compte. On peut retenir une norme de 10 % au moment où l'on fait les premières prévisions avant l'été. Dans le cadre d'une prévision mensuelle, ces aléas ont un impact plus fort et sont quasiment impossibles à intégrer.

De plus, il existe une incertitude en début de campagne sur le volume réel que l'éleveur pourra livrer car les allocations provisoires sont rarement connues avant septembre. Il faut donc se garder la possibilité de produire ces éventuels volumes supplémentaires.

À l'échelle de la campagne, l'éleveur a souvent intérêt à avoir quelques vaches en trop. Leur production sera prise en compte dans les prévisions mensuelles. Elles permettront de faire face à des aléas climatiques ou sanitaires.

Et il sera toujours temps de les vendre en début d'automne, lorsque l'éleveur aura plus de lisibilité sur la fin de campagne. À cette période, il existe souvent une demande pour des vaches en production.

Volume et MG. Gérer aussi la référence annuelle

Les prévisions mensuelles destinées à la laiterie ne peuvent pas être déconnectées de la gestion de la production à l'échelle de la campagne, du moins tant que les quotas sont en place. Dans les derniers mois, le volume à livrer dépendra de la situation de l'éleveur par rapport à sa référence (volume et MG). Généralement, le TB d'un élevage varie peu d'une année à l'autre. On ne se trompe donc pas beaucoup en basant ses calculs sur le TB laiterie de l'année précédente. Il ne faut donc pas oublier de gérer à la fois à court terme et sur un an.

PASCALE LE CANN

(1) BCEL Ouest (Bretagne conseil élevage) est issu de la fusion des contrôles laitiers des Côtes-d'Armor, du Finistère et du Morbihan

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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