« GRÂCE À MA FORMATION, JE TIENS MOI-MÊME MES COMPTES »

© A.B.
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Au-delà de l'économie réalisée, tenir soi-même sa comptabilité permet de mieux connaître ses chiffres et d'être plus acteur de la gestion de son exploitation.

ALORS QUE DE NOMBREUX AGRICULTEURS SE CONTENTENT de ranger leurs factures dans un classeur et de remettre ce dernier à leur comptable, Henri Monnet, producteur de lait à comté AOP dans le massif du Bugey a choisi de tenir sa comptabilité lui-même. « Dès mon installation en 1988, j'ai adhéré à l'Afocg de l'Ain, l'Association de formation collective à la gestion, explique l'agriculteur titulaire d'un BTS PA (productions animales). Au sein d'un petit groupe, j'ai appris à enregistrer mes factures à partir de mes relevés bancaires, à clôturer mes comptes et à les analyser. Au début, je tenais ma comptabilité sur papier. Aujourd'hui, avec l'ordinateur, c'est beaucoup plus simple. » Le logiciel Istea(1) que l'exploitation a acquis pour 360 € hors taxes, permet à Henri de travailler chez lui en toute autonomie, et limite beaucoup d'erreurs de saisie.

Faire sa comptabilité soi-même suppose de libérer du temps, mais c'est aussi l'occasion de s'approprier ses chiffres. « Quand le comptable apporte les résultats, aussi bon soit il, c'est plus difficile, estime l'éleveur qui gère seul son exploitation. Enregistrer soi-même permet une relecture de ses factures. On ne retient pas que le prix du produit, mais on s'interroge sur la façon dont on l'a acheté et utilisé. Peut-être aurions-nous pu être un peu plus exigeants en demandant une remise au vendeur ? »

« NOUS PARTAGEONS NOS RÉFLEXIONS »

La demi-journée passée à clôturer les comptes avec l'animateur-formateur de l'Afocg constitue toujours un moment précieux. « Il sert non seulement à se tenir au courant des évolutions en matière comptable ou fiscale, mais permet de discuter de la façon dont les investissements ont été réalisés, de l'opportunité de tel ou tel type d'amortissement (linéaire ou dégressif), du niveau des provisions, des meilleures stratégies fiscales (Defi, etc.). »

À l'Afocg, faire soi-même sa comptabilité, c'est aussi bénéficier des échanges avec les adhérents. Année après année, une confiance s'instaure entre les agriculteurs au sein des groupes. Il est alors possible d'aller plus loin en participant aux formations gratuites organisées tout au long de l'année(2) ou en partageant une réflexion.

« UNE DISCUSSION A CONFORTÉ MON PROJET DE BÂTIMENT »

En 1992, alors qu'Henri réfléchissait à la construction d'une stabulation, plusieurs agriculteurs se sont ainsi déplacés sur son exploitation. « Nous avons parlé de technique mais aussi du plan de financement. La discussion a conforté mon projet : construire un bâtiment fonctionnel pour 30 vaches. »

À l'époque, l'agriculteur voulait sortir les 25 laitières de l'ancienne étable où elles étaient à l'attache, développer le cheptel et améliorer ses conditions de travail. « J'aurais pu prévoir de monter jusqu'à 50 vaches, mais mon objectif n'était pas d'avoir un gros troupeau. Je voulais une exploitation viable et vivable. » Même à l'Afocg, où les adhérents échangent plus volontiers qu'ailleurs leurs chiffres, la participation à un tel groupe de projet n'a rien d'automatique. « Cela requiert d'avoir confiance en soi et de faire confiance aux autres. »

Depuis 2013, un groupe de lait de montagne a été constitué au sein de l'association. Il permet à Henri Monnet d'analyser ses résultats en les comparant à ceux d'exploitations d'une même zone (voir tableau ci-contre). « Les commentaires des autres aident à mieux comprendre les écarts. Cela permet de rester en état de veille, et d'aller plus loin que le discours "c'est la faute à la crise ou au commercial". De l'économie, on passe à la technique et à l'échange de pratiques. On se pique des idées. On s'interroge : cela vaut-il le coup d'investir dans un Dal ? »

Les résultats de l'exploitation d'Henri se situent dans la moyenne du groupe de montagne. Dans les écarts importants observés entre les exploitations, la nature et la date des investissements constituent un élément déterminant. Ces dernières années, chez Henri Monnet, du matériel a été renouvelé (tracteur, chargeur, faucheuse, round baller) et des aménagements ont été réalisés sur le bâtiment. En 2012 en particulier, la stabulation a été agrandie pour loger les génisses et avoir tous les animaux sous le même toit. « J'aurais dû faire ces travaux plus tôt, car ils ont réduit la pénibilité et le temps de travail. Mais tant qu'il y avait la main-d'oeuvre des parents, je n'étais pas pressé d'investir. Je préférais y aller doucement par étapes. Ce n'est pas parce que le prix du lait à comté est meilleur qu'on peut tout se permettre. Il faut toujours se poser la question : en a-t-on vraiment besoin ? » L'éleveur s'est interrogé dernièrement sur l'opportunité d'un séchage en grange. « C'est une technique séduisante pour faire un foin de meilleure qualité et mieux valoriser l'herbe. Mais est ce valable pour 30 vaches et 220 000 l de lait livré ? En brassant les chiffres que j'avais en tête, en discutant avec des agriculteurs équipés, j'en ai conclu que non. Économiquement faire du foin de moins bonne qualité en balles rondes est plus intéressant.Quitte à accepter à certains moments que les vaches qui produisent entre 6 500 et 7 000 l de lait par an baissent en lait ou donner un peu plus de concentré. Je ne cherche pas forcément à faire mon quota à tout prix », précise Henri Monnet.

« ENTRE ADHÉRENTS, IL N'Y A PAS DE TABOUS CONCERNANT L'ARGENT »

Le revenu fiscal annuel de l'exploitation (20 000 €) et le niveau de prélèvement mensuel (1 500 €) sont considérés comme satisfaisants. « Avec mon épouse qui travaille à l'extérieur comme assistante sociale, cela nous suffit, commente Henri Monnet. La maison est bientôt finie de payer. Nous n'avons pas de besoins financiers exceptionnels. Nous sommes contents de partir quelques jours en février et à la Toussaint en faisant appel au service de remplacement ou à un voisin. Sur les trois enfants, l'un travaille depuis 2013, le second est à l'université, le troisième va y rentrer. Nous disposons d'une capacité d'autofinancement suffisant pour renouveler le matériel régulièrement. »

Parler avec d'autres de ses choix financiers a aidé Henri Monnet à mieux gérer son exploitation. « J'ai trouvé à l'Afocg des interlocuteurs disponibles et bienveillants, note-t-il. Dans notre association, la plupart des adhérents sont prêts à échanger et à poser leurs chiffres en confiance. On n'a pas peur de dire où et comment on place son argent pour valoriser sa trésorerie. C'est le seul endroit où l'on peut parler de son exploitation de manière financière. À la coopérative fromagère ou à la Cuma, on discute surtout de modèles de tracteur et de performances laitières. On se plaint que l'on paie trop de MSA. Dans notre milieu, il y a encore beaucoup de tabous sur l'argent. »

ANNE BRÉHIER

(1) Pour la maintenance annuelle du logiciel mis au point par l'Enita de Bordeaux, il faut compter 100 €.(2) Dix-huit propositions dans le catalogue 2013-2014 sur des thèmes aussi bien techniques, comptables, fiscales que ressources humaines.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

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