« NOUS AVONS CHOISI UN SYSTÈME AUTONOME ET ÉCONOME »

De gauche à droite, Bernard Antoine, responsable du troupeau laitier, Thomas Toussaint, apprenti en Bac pro productions animales, et Bertrand Cailly, responsable de l'exploitation.PHOTOS : © J.-M.V.
De gauche à droite, Bernard Antoine, responsable du troupeau laitier, Thomas Toussaint, apprenti en Bac pro productions animales, et Bertrand Cailly, responsable de l'exploitation.PHOTOS : © J.-M.V. (©)

L'exploitation du lycée de Nancy-Pixérécourt a abandonné le maïs ensilage et fonde, depuis trois ans, sa production laitière sur l'herbe. Ce choix atypique s'inscrit dans une stratégie globale de baisse des charges, d'autonomie et de simplification du travail.

LA MAÎTRISE DES CHARGES, PLUS QUE TOUT CRUCIALE dans un contexte de fin des quotas, est une routine à la ferme du lycée agricole de Nancy-Pixérécourt. Depuis 2005-2006, l'exploitation réoriente ses ateliers en ce sens. « Au départ, notre système était classique, intensif sur le troupeau laitier (maïs toute l'année, prim'holsteins à plus de 8 500 l/VL/an) et sur les cultures, en dépit d'un potentiel moyen », situe Bertrand Cailly, directeur de l'exploitation. Et de préciser d'entrée qu'excepté une subvention régionale pour surcoûts pédagogiques de 13 600 €/an et sa rémunération par l'État, « la ferme du lycée, comme toute autre exploitation, doit équilibrer son fonctionnement. Notre réorganisation, débutée en 2006, était nécessaire à cause d'un contexte difficile : expropriation de 50 ha de Scop en 2004, mise aux normes des bâtiments d'élevage la même année, départ d'un salarié en 2005 et surtout application de la Pac de 2006 avec les DPU et donc un montant d'aides compensatoires unique à l'hectare ».

« LES CÉRÉALES SONT DEVENUES UNE VARIABLE D'AJUSTEMENT »

L'atelier lait est d'abord passé, il y a huit ans, à une alimentation plus économe : maintien du maïs en hiver, pâturage seul en été, et recours au concentré fermier. Des changements ont été réalisés sur les autres productions (abandon du labour) dans un objectif global d'économie et d'autonomie, puis de simplification du travail.

Le lait franchit une seconde étape à l'automne 2010 : le maïs ensilage est supprimé. Le troupeau passe en tout herbe, avec une complémentation de mi-octobre à fin mars uniquement. Motifs de ce choix : la recherche d'autonomie, mais aussi le potentiel insuffisant du maïs. « Nos terres argilo-calcaires séchantes et des dégâts de sangliers limitaient nos rendements, très variables, à 8-10 t de MS/ha, décrit Bertrand Cailly. Et des surfaces détruites par les corbeaux devant chaque année être ressemés, nous ne parvenions pas à diminuer les charges à moins de 500 à 600€/ha... »

Les fourragères sont donc développées, avec 25 ha de ray-grass hybride et trèfle implantés. « Depuis, les céréales sont devenues une variable d'ajustement pour constituer des stocks fourragers suffisants ! ».

Des paddocks et des chemins d'accès stabilisés sont aménagés. Ils permettent de pâturer de fin mars à fin novembre. Une gestion fine de l'herbe (mesures à l'herbomètre à chaque coupe) et l'investissement dans du matériel de récolte performant (combiné de fauche de 6 m, andaineur double...) permettent de produire en quantité et en qualité.

« LE RENDEMENT DES PRAIRIES ÉGAL AU MAÏS »

« Le rendement global sur nos prairies, de 9 à 10 t de MS/ha, est au moins égal à celui obtenu en maïs. Mais les charges n'ont rien à voir !, démontre Bertrand Cailly. Une prairie de fauche dure trois ans, pour 150 €/ha/an de charges opérationnelles (200€/ha de semences + à peine 100€/an d'azote), et nous y obtenons 0,90 UF/kg de MS. Surtout, en choisissant des mélanges fourragers équilibrés, le coût de complémentation baisse : il s'agit essentiellementde nos céréales. Nous achetons très peu d'azote. Nous sommes très autonomes ! » Cette autonomie s'observe à l'échelle de l'exploitation : « Sur les céréales, derrière une temporaire fauchée, nous divisons l'apport d'azote par deux ; derrière une pâture, c'est par quatre ! Cette rotation a aussi éliminé les problèmes de désherbage sur nos cultures en non-labour. »

L'alimentation tout herbe n'aurait pas suffi aux prim'holsteins ayant un bon niveau génétique. « Des problèmes métaboliques puis de reproduction se seraient posés. Car elles auraient puisé dans leurs réserves pour combler le déficit énergétique et maintenir leur production. Les prim'holsteins sont programmées génétiquement pour cela », pointe Jérôme Larcelet, le conseiller laitier Optival qui suit l'élevage. C'est pourquoi un changement de race est en place, par croisement rotatif avec des races plus adaptées à une conduite extensive (normandes, jersiaises, montbéliardes et rouges suédoises).

« NOUS NE DÉMARRONS PLUS LE TRACTEUR »

Les génisses croisées de ce troupeau métissé sont conservées pour développer l'effectif. L'objectif est de saturer, d'ici à 2015, le bâtiment laitier réaménagé et porté à 76 logettes. « Il s'agit de faire le lait par l'effectif plus que par la production individuelle, explique Bertrand Cailly. L'herbe couvre plus de 80 % de notre production annuelle : nous ne cherchons pas le litrage via des achats extérieurs, mais visons à produire de façon économe avec nos fourrages. »

Les mâles laitiers croisés, « invendables en veaux de huit jours », sont valorisés en direct en caissettes, grâce au point de vente collectif présent sur la ferme. L'exploitation y valorise aussi du lait (5 000 l/an) et des agneaux. Cette diversification répond à la volonté « d'accroître la valeur ajoutée, afin de ne pas faire de la main-d'oeuvre à rémunérer une variable d'ajustement dans les coûts de production », pointe Bertrand Cailly.

Autre choix marqué, celui de simplifier le travail. Un objectif apparemment atteint. « Nous ne démarrons quasiment plus de tracteur durant six mois, car l'affouragement des laitières s'effectue seulement une fois par semaine. Et le système tout herbe se cale bien avec les ovins. À l'automne, en plein agnelage, les travaux des champs sont terminés, les vaches pâturent et seulement 35 sont traites ! Tout cela facilite le travail et les remplacements dans l'équipe. »

« NOTRE EBE S'EST MAINTENU »

La sélection procède aussi de ces principes. « Nous cherchons la vache à 6 000 kg, consommant peu de concentrés, flexible en production et facile à vivre. Le croisement rotatif a débuté avec des taureaux très bons sur le plan fonctionnel, mais faisant diminuer le lait. À présent, il faut à nouveau travailler la production... », réfléchit le directeur. Car, si l'efficacité économique au litre de lait est bonne, la référence n'est pas produite. L'effectif en croissance doit répondre à cet enjeu. Mais conserver vaches et génisses aboutit à des frais d'élevage en hausse et pénalise la marge Écolait 2012. « Le système n'est pas complètement finalisé », considère Bertrand Cailly.

C'est à l'échelle de l'exploitation, dont un bon tiers du produit provient de l'activité lait, qu'il tire un bilan positif de l'orientation prise il y a huit ans vers « un système plus durable sur les plans économique, social et environnemental ». « Notre EBE s'est maintenu, voire amélioré, les résultats sont plus stables entre les années et nous faisons face à nos annuités (30 000 €/an, en hausse du fait d'investissements récents) », commente-t-il. De moins de 60 000 € les deux dernières années en 100 % maïs (2004 et 2005), l'exploitation dépasse depuis trois ans les 70 000 € d'EBE (rémunération et charges sociales des deux salariés et d'un apprenti comprises). En 2012, il a atteint 95 000 €. « Les terminales et les BTS qui passent en stage sur notre exploitation y voient un système de polyculture-élevage alternatif et durable. Il n'est pas forcément du dernier cri mais flexible sur la main-d'oeuvre et rentable. Ils y découvrent que produire du lait est possible sans y passer tout son temps et en gagnant sa vie. »

CATHERINE REGNARD

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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