« LA CRISE LAITIÈRE A REMIS EN CAUSE NOTRE APPROCHE »

Vincent et Guy près des logettes dans la stabulation. La construction de la stabulation à logettes raclée modulable avait été soigneusement préparée. Salarié du groupement d'employeurs local après son BTS, Vincent travaillait sur l'exploitation à quart de temps depuis fin 2003. Il était aussi présent les week-ends.
Vincent et Guy près des logettes dans la stabulation. La construction de la stabulation à logettes raclée modulable avait été soigneusement préparée. Salarié du groupement d'employeurs local après son BTS, Vincent travaillait sur l'exploitation à quart de temps depuis fin 2003. Il était aussi présent les week-ends. (©)

Une adaptation technique importante et une attribution de quota supplémentaire ont permis au Gaec Les Dagonnots de résister à la conjoncture difficile de 2009.

INSTALLÉS EN BRESSE DE SAÔNE-ET-LOIRE, LES ASSOCIÉS DU GAEC familial Les Dagonnots s'apprêtent à agrandir le bâtiment construit en 2007. Les gros travaux nécessaires aux vingt-quatre logettes supplémentaires ont déjà été réalisés. Dès le départ, en effet, la fosse à lisier avait été dimensionnée pour 80 vaches et six mois de stockage, et le couloir d'exercice raclé prolongé à l'extérieur sur 19 m. Dans la salle de traite en épi à 60 degrés de plain-pied, la maçonnerie avait été réalisée pour deux postes supplémentaires (douze au final). Chiffré à 300 € par mois sur quinze ans, le coût de l'extension se rajoute aux 1 700 € d'annuités déjà en cours. « Alors que la stabulation était prévue pour produire au mieux 400 000 l de lait, nous sommes passés à 550 000 l », expliquent les éleveurs de Bosjean.

Rien pourtant ne laissait présager une évolution aussi rapide. Il y a trois ans, quand Vincent s'est installé en reprenant 55 ha (15 ha de Scop, le reste en prairies naturelles) avec 80 000 l de quota et quinze droits à « prime vache allaitante »*, Danone annonçait au mieux des attributions de 30 000 l. À l'époque, les techniciens en bâtiment mettaient en garde contre des surdimensionnements coûteux. Opter pour une stabulation de 52 logettes avec 56 places au cornadis semblait raisonnable pour une référence de 346 000 l (les 266 000 l de Guy et les 80 000 l de Vincent). C'était sans compter la restructuration beaucoup plus rapide que prévue de la filière laitière départementale et régionale. « De 559 livreurs à 244 000 l de moyenne en 2006, le département est passé à 389 livreurs à 357 000 l en 2010, souligne Laurent Lefèvre, de la chambre d'agriculture de Saône-et-Loire. La mise en place du découplage, le potentiel céréalier de la Bresse du Nord, le choix des Acal Pro pour financer les cessations laitières et la conjoncture laitière morose ont considérablement accéléré les mutations. »

Mis en service au mois d'octobre 2007, le bâtiment neuf a été rempli immédiatement. « Dès le premier hiver, avec 50 vaches et 370 000 l de lait produits, nous avons dépassé le prévisionnel, explique Guy. Avec les attributions successives octroyées entre 2007 et 2009 (85 500 l) et les achats de quota (38 550 l), nous avons rapidement saturé notre bâtiment. En aire paillée, jamais nous n'aurions pu tourner avec un tel sureffectif. En logettes, même avec une bonne douzaine de vaches supplémentaires, il y a toujours une place disponible, sauf en fin de nuit. »

À l'exception de sept vaches achetées, l'augmentation de production a été réalisée par croît interne. Depuis 2005-2006, les éleveurs avaient conservé 25 à 30 génisses par an. De leur côté, les 35 laitières hébergées jusqu'alors en étable entravée, avec une alimentation maïs-herbe (pâture, enrubannage, foin), étaient prêtes à produire. À leur entrée en stabulation, elles affichaient un bon 7 500 kg.

UN OBJECTIF DE PRODUCTION RAMENÉ DE 28 À 24 KG/VL/J

Grâce à un bâtiment immédiatement optimisé, les éleveurs ont pu diluer les charges fixes de l'atelier lait et réduire leur coût de production, alors que les prix du lait s'effondraient début 2009. Les ajustements réalisés dans la seconde partie de 2009 sur la conduite alimentaire du troupeau ont également permis de compenser la baisse de marge brute. Cohérente avec un bon prix du lait, la ration établie pour 27 à 28 kg de lait/VL/j a en effet été remise en cause par la conjoncture. Lors de leur entrée en stabulation fin 2007, les vaches étaient passées en ration semi-complète maïs-enrubannage de trèfle-ray grass. L'exploitation avait investi dans un bol mélangeur de 12 m3 (17 000 €). Avec une VL 24-40 distribuée à l'auge, les vaches répondaient bien (8 300 kg de moyenne au contrôle laitier). « Mais notre VL coûtait horriblement cher et nos céréales échangées dans le cadre d'un travail à façon n'étaient pas valorisées », notent les associés. En septembre 2009, après avoir introduit l'enrubannage de luzerne, les éleveurs ont arrêté la VL puis la complémentation individuelle. L'objectif de production par vache et par jour a été ramené à 24 kg de lait, avec 2 kg de tourteaux et 1 kg de céréales/VL/j. De 45 000 € en 2008-2009, le poste global des concentrés (vaches, tourteaux, JB) est tombé à 31 000 €.

Aujourd'hui, avec un prix du lait amélioré et une rallonge de quota de près de 57 800 l obtenue pour la campagne 2009-2010, dans le cadre de l'augmentation de la référence nationale de + 2 %, les éleveurs ont décidé de repasser de 24 à 26 kg de lait par vache et par jour. Depuis début novembre, la ration complète se compose, en MS, de 0,4 kg de paille, 0,6 kg de foin, 11 kg d'ensilage maïs, 1 kg de trèfle enrubanné, 3,4 kg de luzerne enrubanné, 1,8 kg de maïs humide, 0,6 kg de triticale, 2,7 kg de mélange tourteaux 43, 0,18 kg de minéral et 0,09 kg de sel.

ARRIVER, À TERME, À 650 000 L PRODUITS

Avec la crise, les barrières de productivité du travail ont sauté. « Avant 2007, alors que nous nous interrogions sur l'opportunité d'un regroupement d'exploitations, gérer à trois ou quatre 80 vaches nous semblait compliqué, se souvient la famille Jacquard. Aujourd'hui, alors que l'exploitation a déposé une demande d'échange de droits à “prime vache allaitante” contre des quotas supplémentaires, nous nous projetons à moyen terme avec 650 000 l » Sans aller toutefois au-delà. Avec un parcellaire défavorable (15 ha seulement autour du bâtiment dont 6 ha disponibles pour la pâture) et un pourcentage important de prairies naturelles, le foncier pourrait être limitant pour le plan d'épandage et les surfaces à ensiler.

« Par ailleurs, nous souhaitons préserver une certaine qualité de vie. Les sept heures d'astreinte quotidiennes pour une personne seule nous suffisent. L'été, il faut faire face quand il y a 25 à 30 veaux, et l'hiver, il faut assurer la charge globale de travail générée par la présence de 180 bêtes. Il y a dix ans, avec le même temps d'astreinte, nous avions deux fois moins de vaches. Le grand-père, lui, avait neuf vaches dont six traites et nourries au foin et betteraves ! »

ANNE BRÉHIER

* En 2009, reprise de 18 ha supplémentaires à 3 km avec 27 000 l de quota.** L'exploitation peut espérer récupérer entre 5 000 et 7 000 l par vache laitière, soit entre 75 000 et 105 000 l de quota supplémentaire.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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