
François Poisson et Arnaud Fossey achèvent une extension à coûts bien réfléchis pour produire 850 000 litres en 2015, et peut-être même plus.
MI-NOVEMBRE, IL NE RESTAIT PLUS qu'à fixer les tapis des logettes, à rapprocher les deux rangées de cornadis mobiles, posés en 2007, des nouveaux, et les remplacer par 16 logettes. Arnaud Fossey et François Poisson se mettent en ordre de marche pour produire 200 000 litres de plus qu'en 2012-2013. Sur leur exercice comptable septembre 2012-2013, ils ont produit 639 000 l dont 3 000 à 4 000 l consommés par les veaux (pour un quota de 623 660 l). Sur la campagne 2013-2014, avec les attributions du bassin laitier, les TSST, la hausse européenne de 1 %, leur référence monte à 654 000 l, mais ils espèrent livrer près de 730 000 l à leur coopérative Isigny-Sainte-Mère (Calvados) qui a annoncé une rallonge de quotas de 10 % dès avril. Poussée par la demande en poudre de lait infantile de ses clients chinois, Isigny a creusé cet été les fondations de deux tours de séchage pour un investissement de 50 millions d'euros (20 M€ financés par Biostime, l'un de ses clients, voir REL n° 216, p. 16). Un appel à lait de 30 Ml vers ses 500 adhérents pour l'après-quotas. Néanmoins, dès 2011, elle ne cachait pas son intention de se développer.
« Nous avons alors commencé à nous poser la question de relancer un investissement », confie Arnaud qui est aussi administrateur de la coopérative. Pas question pour autant de laisser filer les dépenses.
« D'ACCORD POUR INVESTIR MAIS RAISONNABLEMENT »
C'est d'ailleurs le fil conducteur du Gaec du Clos Roset depuis sa création, en 2007. Elle s'est traduite par la construction d'une stabulation entièrement dédiée aux vaches traites. Les vaches taries et les génisses sont logées dans les anciennes stabulations. Pour limiter son coût, les associés ont choisi un bâtiment compact de 36 m de long et 12 m de large. Les 70 logettes ont été réparties en quatre rangées, deux contre les longs-pans et deux en tête à tête avec, au milieu, un système de cornadis mobiles (2 x 16 places). La simplification du travail est l'autre axe de l'investissement »: alimentation fourragère hebdomadaire (cubes de maïs), traite robotisée (un Lely A3) et Dal pour les veaux. « Nous sommes cousins germains. Arnaud s'est installé en 2000 à la suite de ses parents. À mon installation en 2007, après le départ à la retraite des miens, nous avons regroupé les deux fermes voisines pour former un bloc de 100 ha, explique François. Comme elles n'étaient pas aux normes, nous avons construit de toutes pièces la stabulation au milieu. »
La reprise d'une ferme de 50 ha environ à quelques kilomètres de là a conforté le tout. Les bétons et le bardage en autoconstruction ont limité le coût de l'investissement à 330 000 €, fosse comprise. « Subvention PMBE de 40 000€déduite, cela représente 4 150€la place, traite et stockage compris. C'est compétitif », estime Dominique Le Provost, conseiller de gestion CER France Manche. Le Gaec a contracté des emprunts sur dix et quinze ans. En 2012-2013, l'annuité du Gaec est de 60 200 €, dont 50 000 € pour le bâtiment (plus 15 000 € hors Gaec). « Pas de quoi fragiliser cette structure qui dégage un EBE des associés autour de 150 000 €, analyse Dominique Le Provost. En 2009-2010, année de crise, il s'élevait à 138 700 €pour une efficacité économique de 41 %. »
Arnaud et François poursuivent cette logique d'investissements raisonnables et raisonnés. Ils prévoyaient un investissement total de 200 000 € pour étendre la stabulation de 24 m. Ils vont dépenser un peu plus de 150 000 €. Le choix d'un robot d'occasion Lely A3 et l'achat d'un deuxième ensemble de cornadis mobiles 2 x 13 places également d'occasion sur « Le Bon coin » abaissent la facture (page suivante). L'autoconstruction aussi. La stabulation version 2014 comportera 120 logettes pour un montant total de 143 300 €. Il faut y ajouter 10 000 € de parts sociales pour 200 000 l livrés en plus (50 €/1 000 l de parts sociales). « Cela nous génère une annuité de 14 000 € pour les dix à quinze prochaines années. En d'autres termes, il faut dégager au moins 14 000€ en plus avec le surcroît de volumes et les cultures de vente en moins. »
« 150 000 € POUR 14 000 € D'ANNUITÉS »
La simulation ci-contre, réalisée avec CER France Manche montre que le projet est tout à fait réaliste. En situation de crise, avec un prix moyen du lait à 300 €/1 000 l pour 850 000 l, l'EBE certes se tasse, mais en diminuant de 15 000 à 20 000 € les prélèvements privés habituels, la capacité d'autofinancement prévisionnelle ou marge de sécurité reste largement positive. Avec un prix moyen à 350 €/1 000 l, la marge de sécurité double. « Nous n'avons pas besoin de produire très rapidement les 200 000 l en plus. La nouvelle annuité modérée nous permet d'augmenter au rythme que nous souhaitons. L'exploitation est capable de l'absorber », estiment-ils. Premier avantage de cette progressivité : l'accroissement du cheptel s'effectue par le renouvellement du troupeau. Le recours aux semences sexées sur génisses et la chance d'avoir un peu plus de veaux femelles que d'habitude sur vaches évitent l'achat d'animaux. « Pour la première fois cette année, nous avons même vendu des vaches en lait. » Deuxième avantage : un ajustement graduel de la conduite technique et fourragère. Troisième avantage : une désaturation du robot grâce à l'installation du deuxième. « En fait, l'accroissement de notre troupeau nous simplifie le travail. Gérer un robot qui trait continuellement 65 à 70 vaches est compliqué. »
« AVOIR UNE TRÉSORERIE SOLIDE AVANT DE LANCER UN PROJET »
Bref, Arnaud et François voient leur avenir aux couleurs du lait. La maîtrise technico-économique de leur exploitation et la souplesse de travail qu'apportent les robots, l'alimentation fourragère hebdomadaire et le Dal pour les veaux leur permettent d'envisager les prochaines années avec optimisme. Les charges opérationnelles 2012-2013 de l'atelier lait sont de 169 €/1 000 l, soit 29 €/1 000 l de moins que le groupe de comparaison CER France Manche et 13 €/1 000 l de moins que les 25 % meilleurs. Les charges de structure sont équivalentes (222 E contre 227 €/1 000 l pour le groupe). Les marges viande et cultures de vente, et les aides complètent de 213 E/1 000 l l'atelier lait (193 E pour le groupe). Au final, alors que le Gaec a des prélèvements privés supérieurs (+ 17 €), son prix d'équilibre du lait 2012-2013 s'élève à 304 € (pour un prix du lait de 352 €/1 000 l). Celui du groupe est de 340 € pour 345 €/1 000 l perçus. « La bonne santé technico-économique d'une exploitation qui souhaite lancer un projet de développement est indispensable. Mais face aux aléas des marchés laitiers et des matières premières, aujourd'hui elle n'est plus suffisante, affirme Dominique Le Provost. Il faut prévoir de la trésorerie en plus avant de l'initier. Si son bilan présente des dettes à court terme importantes, peut-être est-il préférable de repousser le projet pour consolider la trésorerie. » Avec une telle configuration, les banques sont aujourd'hui moins enclines à financer les avances en terre, les stocks et les animaux supplémentaires insuffisamment prévus. Cela ne concerne pas le Gaec du Clos Roset. CER France 50 estime qu'il faut disposer d'au moins l'équivalent de 2,6 mois de dépenses en fonds de roulement annuel. Ces 2,6 mois représentent pour le Gaec 17 000 E de trésorerie nette, calculés à partir des éléments connus de l'exercice septembre 2012-septembre 2013. Le Gaec est bien au-delà.
CLAIRE HUE
Souplesse. Les 56 nouvelles logettes montent à 120 leur nombre total. 20 vont être attribuées aux génisses au bout de l'extension, ce qui donne une réserve de production s'il était décidé de dépasser les 900 000 l. Le bâtiment peut loger jusqu'à 125 vaches en lactation, grâce à leur circulation libre entre les robots et les 58 places de cornadis mobiles. Mais cela obligerait à investir pour les génisses et les vaches taries. PHOTOS © C.H.
Avenir. À la construction du bâtiment, en 2007, les associés avaient prévu le terrain pour une éventuelle extension. C'est chose faite. S'ils optaient pour à nouveau développer très fortement l'activité laitière, il faudrait construire un bâtiment à côté. Là aussi, le terrain est prévu.
Anticipation. L'emplacement pour l'installation d'un deuxième robot a été prévu dès la construction de la stabulation.
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