
Cédric Le Masles relève depuis trois ans un triple challenge : modifier son système fourrager, « normandiser » vite son troupeau et réorganiser la ferme sur laquelle il s'est installé hors cadre familial.
S'INSTALLER HORS CADRE FAMILIAL et modifier d'emblée le système de production, c'est le pari osé de Cédric Le Masles. En octobre 2007, il a repris une exploitation de 42 ha et 220 000 l de lait, complétée par une rallonge de 76 000 l, dont 70 000 l de rallonge JA. D'entrée, il choisit de remplacer complètement les 45 prim'holsteins à 5 500 l/VL par un troupeau 100 % normand. Ce n'est pas tout. Le jeune installé veut aussi revoir le système fourrager de laitières essentiellement basé sur le maïs-ensilage. Son projet : évoluer vers davantage d'herbe jugée plus économe. En 2007-2008, l'assolement comprend 16 ha de maïs, 2,5 ha de blé à ensiler et 28,5 ha de prairies. Enrichie de 8,5 ha l'année suivante, la surface en maïs se maintient mais celle en céréales est passée à 9,5 ha « Près de 12 ha de prairies ont été renouvelés : 6,5 ha en ray-grass anglais + trèfle blanc et 1,5 ha de fétuque élevée + trèfle violet destinés au pâturage des vaches, 4,7 ha en ray-grass d'Italie + trèfle violet pour l'ensilage et l'enrubannage », détaille Cédric.
Les stocks de maïs-ensilage importants lui permettent, en 2009-2010, de réduire de 6 ha la surface en maïs au profit de 1,3 ha de ray-grass d'Italie + trèfle violet supplémentaires et 1,3 ha de féverole, conservée broyée dans un silo tunnel. Ce correcteur azoté « maison » est distribué depuis le 1er octobre aux veaux jusqu'au sevrage et aux laitières à raison d'1 kg par vache. « Si l'expérience réussit, la surface en féverole sera étendue à 4 ha au printemps prochain. Mon objectif est de bâtir un système alimentaire économe, autonome en protéines et productif. Cela suppose en particulier de livrer le maximum de lait à l'herbe pâturée de février à octobre, grâce à des prairies temporaires productives. » Les parcelles portantes autorisent une mise à l'herbe dès la fin janvier ou le début février, et sont réactives aux pluies d'automne. Avec la contrepartie des « petites terres » : une grande sensibilité à la sécheresse. C'est ce qui s'est produit cet été : Cédric a été obligé de revenir à un affouragement hivernal.
Si l'éleveur a choisi dès son installation de revoir l'assolement, il reconnaît que cet investissement a pesé sur les comptes 2008-2009. L'implantation des prairies a coûté 1 550 € de semences sur un total de 4 350 €. Et surtout, la décision de chauler une vingtaine d'hectares pour remonter le pH des terres acides et favoriser le trèfle dans les prairies a gonflé le poste « engrais et amendements » de 3 000 € pour une dépense totale de 12 900 €. « C'était une erreur. J'aurais dû entreprendre cet effort sur plusieurs années. »
UNE « NORMANDISATION » FINANCÉE PAR LA FLAMBÉE DES PRIX 2008
La « normandisation » du troupeau prim'holstein fait également partie de son projet d'installation. « Mon expérience d'inséminateur durant cinq ans avant mon installation m'a permis d'apprécier le prix du lait élevé et la plus-value bouchère que propose la race normande, grâce à ses taux et sa mixité », argumente-t-il. Il n'imaginait que cette « normandisation » s'effectuerait si rapidement. « Le prix du lait, élevé en 2008, a provoqué une hausse de celui des vaches en lait et des génisses amouillantes prim'holsteins, cequi m'a incité à accélérer le rythme de mon projet. En juin 2008, j'ai vendu les trois quarts du troupeau prim'holstein pour un prix moyen de 1 250 € par vache. En contrepartie, j'ai acheté vingt-trois normandes, dont une majorité de fraîches vêlées à un prix moyen de 1 400 €. » La vente de deux lots de dix à quinze génisses amouillantes contribue également à l'autofinancement de l'opération. « Le cédant pratiquait des vêlages à trois ans. À mon arrivée, j'ai lancé les vêlages à deux ans, ce qui a permis l'arrivée de deux lots de génisses amouillantes en 2008. Au final, j'ai vendu plus d'animaux que je n'en ai achetés pour un autofinancement quasi complet. » Cédric estime avoir injecté 5 000 € de fonds propres.
Le jeune éleveur ne regrette pas la « normandisation ». Elle a permis de hisser les taux à 42 g/kg de TB et un peu plus de 34 g/kg de TP en 2008-2009 et 2009-2010, contre 35,4 g/kg de TB et 29,8 g/kg de TP en novembre 2007, premier mois de contrôle laitier après son installation. « Avec un prix du lait de 346 €/1 000 l de septembre 2009 à septembre 2010, j'estime avoir dégagé une recette supplémentaire de 8 000 €, incidence matière grasse comprise. » Il s'appuie sur une simulation effectuée par l'organisme de sélection normand (voir encadré ci-contre). L'année comptable 2009-2010 enregistre un prix du lait un peu en deçà (330,38 €/1 000 l), le poids de la crise du lait étant plus marqué sur cet exercice.
Reste à décider quelle place réserver aux cultures dans l'assolement. « Il compte aujourd'hui 10 à 12 ha de céréales. Faut-il réduire cette surfacepour une conduite moins intensive, c'est-à-dire un abaissement du niveau d'étable et un peu plus de prairies, ou la maintenir pour profiter de la hausse du prix des céréales lorsqu'elle se présente ? » Cédric n'a pas encore tranché. Il apprécie la bouffée d'oxygène que lui apporte la récolte de blé cette année. Il a déjà perçu 140 à 150 €/t, selon ses acheteurs, pour un rendement moyen 2010 de 85 q/ha, contre 100 €/t pour une récolte de 80 q l'an passé. De quoi soulager une trésorerie lourdement handicapée par les annuités d'installation, l'autofinancement de travaux d'aménagement et des charges opérationnelles élevées en 2008-2009.
« UNE INSTALLATION PAS DE TOUT REPOS »
« Si elle est motivante, une installation hors cadre familial n'est pas de tout repos, confie le jeune éleveur. La méconnaissance de l'exploitation, combinée au souci de réaliser tout son quota, amène à des erreurs, des dépenses et des problèmes imprévus. » Ainsi, l'an passé, la pose de cornadis sur plusieurs mois l'oblige à distribuer, au champ, une ration complète aux vaches. Par simplification du travail, il ne différencie pas les débuts et fins de lactation, alors que le troupeau vêle toute l'année. La crainte de ne pas livrer tout son quota le pousse aussi à trop apporter de concentrés. Conséquences : les dépenses en aliments ont grimpé à 27 000 €. Cédric se remet en cause. L'hiver dernier, il décide de passer en ration semi-complète par la distribution des concentrés au seau. Il diminue également de moitié le correcteur azoté. L'effet est immédiat. En décembre 2009, la quantité de concentré s'élève à 119 g/kg de lait produit contre 247 g en janvier 2009.
Après trois ans de travail acharné pour mettre son exploitation en ordre de marche, Cédric espère de meilleurs résultats techniques et économiques pour faire face correctement à ses engagements financiers et se rémunérer.
CLAIRE HUE
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