
La famille Gillet, dans la Meuse, prévoit d'accroître sa production laitière de 486 000 à 810 000 litres dans trois ans. Une spécialisation dimensionnée en veillant à la cohérence technique et économique du futur système.
L'ANNONCE DE L'UNION LAITIÈRE DE LA MEUSE à ses adhérents de lever la contrainte des quotas (sous condition de prévisions des volumes) a boosté les ardeurs de Frédéric Gillet (31 ans). Il a depuis longtemps une idée précise du futur de l'exploitation familiale qu'il a rejointe en 2003. Alors que se profile le départ à la retraite de ses parents Françoise et Bernard, il veut y développer la production laitière et se spécialiser.
« Notre bâtiment de 3 000 m2 sera bientôt rallongé sur un côté par un appentis, avec 35 logettes supplémentaires. La salle de traite 2 x 4 postes par l'arrière passera à 2 x 8, voire 2 x 10..., décrit Frédéric Gillet. Cette opportunité de spécialisation laitière m'a immédiatement intéressé, car je suis éleveur avant tout, passionné par le lait. Mon père est en charge des cultures. Dans six ans, il partira à la retraite ainsi que ma mère. »
Restait à étudier la faisabilité technico-économique d'un accroissement de la production et aboutir à des pistes non déstabilisantes pour le Gaec. L'appui de Fanny Mésot, conseillère spécialisée en bovins lait à la chambre départementale d'agriculture de la Meuse, a permis d'affiner le projet. « Les années passées, notre référence s'est accrue par le rachat de droits à produire sans terre (TSST). Le projet nous permettra de produire 320 000 l en plus dès 2015-2016, en passant de 60 à 100 laitières, sans frais phénoménaux... »
« JE NE SUIS PAS COMPATIBLE AVEC UN ROBOT »
Objectif de spécialisation et futur départ à la retraite des parents obligent, l'arrêt des ateliers allaitant et d'engraissement de taurillons a été posé comme base. Cela permettra de libérer de la place dans le bâtiment, en stockage des effluents, ainsi que des surfaces d'herbe et maïs, au profit de laitières supplémentaires. Partant de là, les facteurs déterminant ou limitant une capacité cohérente de production ont été examinés. Et une simulation économique globale du futur système a été conduite par la conseillère (voir infographie).
Sa première proposition était de travailler avec l'existant en mobilisant 660 m2 de cases libérés par l'activité viande pour loger les laitières supplémentaires. Elle n'a pas été retenue par l'éleveur : « Cela aurait minimisé l'investissement, mais imposé de gérer le troupeau en deux lots avec plus de travail. Sans compter que les circuits alimentation et déjections se seraient croisés... » Il préférera rallonger le bâtiment, sous forme d'appentis de quelque 200 m2 avec 35 nouvelles places, à construire en vis-à-vis des 54 logettes existantes. Le troupeau pourra ainsi passer à 89 vaches traites en logettes et 11 taries toute l'année en stabulation paillée. La conduite sera plus intensive, avec étalement des vêlages pour saturer la capacité du bâtiment. Les 46 génisses élevées en trente mois seront facilement logées sur la surface restante de stabulation, où pourront même être finis des veaux mâles.
D'autre part, un projet dimensionné avec 65 vaches et un robot de traite, pour répondre au problème de main-d'oeuvre lors du départ des parents, avait été suggéré par Fanny Mésot. « Je ne suis pas compatible avec un robot !, tranche Frédéric Gillet. Je préfère voir mes vaches pour la traite, l'alimentation, etc., puis passer à d'autres tâches, plutôt que d'être potentiellement appelé à toute heure par le robot... » De plus, il souhaite maîtriser au mieux son investissement de traite. Il s'est donc mis en quête d'une salle 2 x 6 postes par l'arrière d'occasion, qu'il compte rajouter à l'actuelle, avec une part d'autoconstruction.
« NOTRE BUDGET ALIMENTATION EST STABLE »
Sur le plan fourrager, les 80 ha d'herbe permettront de couvrir les besoins des 100 vaches laitières et d'élever les génisses au foin. La conduite sera plus intensive, mais sans pour autant sortir d'un schéma où les charges sont surveillées. « Depuis 2011, notre budget alimentation est stable », se félicite l'éleveur. Les 13 ha d'herbe accessibles autour du bâtiment ne représenteront plus une vraie pâture (moins de 15 ares/VL). Pour couvrir les besoins estivaux, la ration complète à base de 14 kg de MS de maïs et 2 kg de MS d'ensilage d'herbe commencera donc plus tôt, vers le 1er juin au lieu du 1er août. 15 ha environ de maïs supplémentaires devront être implantés. Et vu les quantités de fourrage conservé nécessaires, l'enrubanné sera complètement remplacé par l'ensilage d'herbe.
1 300 m3 de silo supplémentaires seront à construire. Côté fumière, les capacités existantes suffiront aux nouveaux besoins. Il faudra juste couvrir la fosse. En revanche, il manquera 60 m3 de fosse pour les eaux de salle de traite : une poche de stockage ou un filtre à roseaux est à prévoir. Ces différents postes représenteront 65 000 € d'investissement, tandis que la rallonge de bâtiment, les logettes et la salle de traite sont estimées à 150 000 €. Financé sur dix ans par un prêt à 2,5 %, l'investissement total générera 25 300 € d'annuités supplémentaires. La hausse de l'EBE estimée (34 000 €) dans le futur système devra permettre au Gaec d'y faire face. « À partir de 2015, il y aura précisément 24 600 € d'annuités en moins !, pointe Frédéric Gillet. Nous prévoyons donc les investissements à ce moment-là. »
Dans les deux ans à venir, l'éleveur va optimiser la production du troupeau et le faire croître en interne.
« LES INVESTISSEMENTS SONT PRÉVUS POUR 2015 »
« Nous étalons désormais les vêlages pour remplir les 54 logettes toute l'année. Avec le Dac (deux stations, trois aliments), nous soutenons les productrices à plus de 25 kg de lait. L'objectif est de produire 500 000 l dans un premier temps. Pour préparer 2015-2016, nous inséminons les génisses avec de la semence sexée. Vingt le seront cette année. Nous voulons atteindre les 100 vaches en évitant les achats à l'extérieur, sources de problèmes. »
Pour financer cet accroissement de cheptel, l'éleveur compte sur la trésorerie de « la vente de toutes les vaches allaitantes pour 2015 ».
Reste la question de la main-d'oeuvre. La taille de l'exploitation ainsi spécialisée en lait nécessitera 2 UTH. Embauche ou association, Frédéric Gillet devrait, grâce à un revenu disponible prévu supérieur à la situation actuelle, trouver une solution au départ de ses parents.
CATHERINE REGNARD
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