« J'AI MIS HUIT ANS POUR TROUVER MON EXPLOITATION »

Gilles Melin (à droite) a aujourd'hui la satisfaction de travailler avec son frère Laurent et sa mère Anne-Marie.© P.L.C.
Gilles Melin (à droite) a aujourd'hui la satisfaction de travailler avec son frère Laurent et sa mère Anne-Marie.© P.L.C. (©)

Gilles Melin a étudié huit opportunités avant de trouver enfin une exploitation adaptée à son désir d'installation. Retour sur un parcours laborieux mais formateur.

VINGT ET UN ANS, BAC PRO EN POCHE, GILLES MELIN a déjà pris la décision de s'installer. Il veut rejoindre le Gaec familial. À l'époque, ses parents et son frère produisent 560 000 l de lait et élèvent 126 vaches limousines sur 220 ha, à Canihuel (Côtes-d'Armor). « Je voulais travailler avec ma famille et développer le lait parce que c'est une production qui me semble rentable », précise Gilles Melin. Il ajoute qu'il aime les vaches et qu'il souhaite travailler pour lui-même.

Le travail ne manque pas sur le Gaec et il commence son activité comme aide familial, tout en se mettant en quête d'une exploitation à reprendre. L'aventure durera bien plus que prévu puisque ce n'est que l'an dernier, à 28 ans, qu'il a enfin concrétisé son projet.

Pourtant, la production laitière est importante dans la région et Gilles a examiné plusieurs opportunités. Il visait un élevage pas trop éloigné et à un prix correct. L'exploitation familiale étant à la limite par rapport aux normes environnementales, l'augmentation de la surface était nécessaire.

C'est par le bouche-à-oreille que Gilles a eu connaissance des disponibilités. Au début, il a effectué les démarches seul : rencontre avec les cédants, puis avec les propriétaires, demande d'autorisation d'exploiter… À sept reprises, la négociation n'a pas abouti, pour différentes raisons. « On ne s'installe qu'une fois, souligne Gilles. Je voulais mettre toutes les chances de mon côté. »

Il a renoncé à un projet parce que le prix lui semblait trop élevé. Une autre fois, en présence de deux candidats, le cédant a voulu qu'il surenchérisse, ce qu'il a refusé. Le fait qu'il rejoigne une structure déjà importante l'a également pénalisé. Un cédant mais aussi la commission des structures ont fait capoter deux projets pour ce motif. L'administration a refusé de lui accorder une autorisation d'exploiter pour une ferme de 280 000 l de lait sur 80 ha, estimant l'installation non viable. À l'époque, le PAD fixait le seuil à 240 000 l pour un JA ! Il a essuyé un deuxième refus pour une exploitation située à 20 km de celle de sa famille. L'administration a considéré que les deux sites étaient trop éloignés.

Gilles a renoncé à une autre exploitation parce que le parcellaire était réparti entre de nombreux propriétaires. La situation semblait très compliquée et le jeune éleveur n'arrivait pas à être certain qu'il pourrait disposer de toute la surface prévue. Ce problème du foncier s'est posé une deuxième fois avec un cédant en conflit avec ses propriétaires. Craignant que le bail ne soit pas poursuivi, Gilles a fait marche arrière.

PRENDRE DE L'ASSURANCE ET CERNER SES BESOINS

L'éleveur reconnaît qu'au début, il manquait d'expérience pour évaluer la reprise et pour négocier. Au fil du temps, il a pris de l'assurance. Il a mieux cerné ses besoins. Il est resté motivé, même si cette succession d'échecs l'a un peu frustré. Il a conservé son statut d'aide familial, ce qui n'était pas évident alors qu'il vivait en couple depuis 2009. La famille l'a soutenu. Confiant dans la réussite de ce projet, le Gaec a investi dans une salle de traite rotative de 28 places en 2006.

Finalement, c'est en 2011 que Gilles a mis le doigt sur le projet qui allait lui permettre d'aboutir. Une exploitation de 80 ha avec 315 000 l de lait et 2 000 m2 de bâtiments en bon état, à 3 km du Gaec. La mise aux normes était faite. Le cédant possédait aussi des poulaillers qu'il souhaitait conserver. Le premier contact a permis aux deux parties de voir que leurs attentes correspondaient bien. Le cédant a fait appel à Altéor Conseil(1) pour mener à bien l'opération. Compte tenu de la qualité du premier contact, il n'y a pas eu de recherche d'un autre candidat. Un protocole d'accord a été signé en octobre 2011. La négociation avec les propriétaires des terres a suivi et Gilles a obtenu les promesses de bail. Ce document équivaut à un bail, à condition que le nouveau locataire décroche les autorisations administratives et le financement nécessaires à la reprise. Le propriétaire qui a signé cette promesse ne peut plus changer d'avis si ces conditions sont remplies.

Mais il y avait tout de même quelques complications. Le cédant était en société et proposait à Gilles de reprendre des parts sociales. Cette solution était fiscalement intéressante pour lui, mais présentait un risque pour Gilles qui reprenait également la comptabilité. Pour des raisons techniques, la vente physique des biens au Gaec a été préférée à l'entrée dans la société. L'évaluation des deux options a été réalisée par Altéor Conseil : « Cela a pris du temps car il fallait trouver une solution dans laquelle tout le monde se retrouve », précise Pierre Brousseau, responsable des transactions.

L'ACCOMPAGNEMENT D'UN CABINET SPÉCIALISÉ

L'obtention des autorisations administratives n'a pas posé de problème. Les seuils du PAD ont été rehaussés et il n'y avait pas d'autres candidats.

Dans la perspective de la succession des parents, même si elle est lointaine, il a été décidé de placer le foncier dans un GFA (groupement foncier agricole). « C'est un moyen intéressant pour garantir le maintien de l'outil de production, même en cas de succession », précise Pierre Brousseau.

Gilles s'est installé en février 2012. « En travaillant avec Altéor, j'ai apprécié d'avoir un guide pour conduire toute la procédure de reprise et d'installation. » Il a converti ses sept ans de salaires différés en parts sociales, avec l'accord de ses parents. Ceci a permis d'alléger le coût de la reprise.

Un an après, le jeune éleveur est très satisfait. L'augmentation de la production laitière a été digérée sans problème. L'installation de traite était prévue pour un effectif proche de 200 vaches. Les génisses sont désormais élevées sur le nouveau site. La répartition des tâches entre les associés est restée la même. La conduite du troupeau également. Le pâturage a été maintenu.

« Nous cherchons maintenant à augmenter la production par vache pour réduire l'effectif et les besoins en fourrages », précise Gilles. Produire plus de lait n'est pas un objectif, compte tenu du prix. En revanche, les éleveurs s'interrogent sur l'opportunité de développer les céréales pour la vente.

PASCALE LE CANN

(1) Altéor Conseil est un cabinet spécialisé dans les transactions agricoles, depuis la mise en relation des acheteurs et vendeurs jusqu'à la vente. Créé en 2006, le cabinet travaille dans le Nord-Ouest de la France.

Gilles Melin (à droite) a aujourd'hui la satisfaction de travailler avec son frère Laurent et sa mère Anne-Marie.

© P.L.C.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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