
En conjoncture favorable, pour moins payer d'impôts et de MSA, les dispositifs de déduction du revenu sont largement utilisés. La dégradation actuelle des résultats peut être « l'occasion » de les régulariser. Allonger l'exercice comptable est une autre piste.
PARLER D'OPTIMISATION SOCIALE ET FISCALE ALORS QUE LES REVENUS 2015-2016 SONT FORTEMENT DÉGRADÉS (lire p.10) peut paraître déplacé et loin des soucis financiers actuels. Pourtant, elle reste d'actualité. « Les fluctuations de marchés ont un impact désormais sur le secteur laitier et vont continuer dans les années à venir. Cela conduit à une grande variabilité des revenus. Il faut en tenir compte et mettre en place un pilotage adapté », affirme François Pilet, directeur technique social et fiscal de Cogedis. Lui préfère parler de régulation fiscale et sociale. « Des outils de régulation existent. Il faut les utiliser de façon cohérente dans une stratégie établie pour plusieurs années. » En ayant à l'esprit qu'il faut tenir compte des seuils d'application des prélèvements. « Il n'y a pas moins de cotisations sociales lorsque le revenu net descend sous les 5 000€, rappelle-t-il. Inutile donc d'actionner des leviers pour descendre en dessous. »
FISCALITÉ : RÉINTRODUIRE DANS LE REVENU LES DÉDUCTIONS RÉALISÉES
Deux leviers bien connus des éleveurs pour diminuer leurs impôts sont la déduction pour investissement et la dotation pour aléas. Pour l'une et l'autre, il faut choisir le bon moment de réintégration au revenu, c'est-à-dire sans générer des prélèvements fiscaux ou sociaux supplémentaires.
Déduction pour investissement
C'est un mécanisme largement utilisé. Un producteur peut décider de déduire de son revenu un montant plafonné aujourd'hui à 27 000 € (voir les conditions dans le paragraphe en début de page suivante), à condition de le réaffecter au cours d'une période de six ans au maximum. Ce retour est imposable (sauf dans certains cas). Avant 2012, cette réintégration se pratiquait en vue de l'acquisition d'un matériel ou d'une augmentation de stocks d'animaux ou de produits.
Depuis 2013, la déduction pour investissement (DPI) est réservée aux variations de stocks et à l'achat de parts sociales de coopératives. « Dans les deux cas, faute d'augmentation de stocks ou d'achat de matériel, il est possible de procéder à une réintégration volontaire anticipée », constate François Pilet. La réglementation fiscale autorise à les réaffecter si le revenu est inférieur d'au moins 40 % à la moyenne des trois derniers exercices. C'est la situation des éleveurs pour leur exercice 2015-2016 et probablement pour 2016-2017. » Dit autrement, sans investissement en 2016 et 2017, il faut « profiter » de la mauvaise conjoncture pour mettre fin aux DPI antérieures à 2012 qui sont encore dans les tuyaux et gérer les nouvelles si on ne prévoit pas de variation de stocks.
Déduction pour aléas
Ce dispositif est l'amorce d'une politique assurantielle. La déduction pour aléas (DPA) existe depuis plusieurs années mais l'assouplissement des conditions de son utilisation en 2013, renforcé en décembre dernier, la rend véritablement opérationnelle depuis deux ans. L'aléa est de trois ordres : climatique ou économique ou un sinistre (incendie ou dommage). La déduction pour aléas a donc toute sa pertinence dans le contexte de crise actuel. « Cette mesure réclame de la trésorerie à sa mise en oeuvre. L'éleveur est obligé d'ouvrir un compte bancaire spécial DPA pour y verser au moins la moitié du montant déduit du revenu. » L'épargne est bloquée durant sept ans maximum. L'éleveur peut la débloquer sans pénalité sur la réintégration si, dans son exercice comptable, la valeur ajoutée dégagée (produits - marge brute globale) baisse de 10 % ou de 15 % par rapport à la moyenne des exercices précédents pris en référence. « Cette mesure a un double intérêt. D'une part, elle permet de réinjecter de l'argent dans une trésorerie très tendue. C'est son principal objectif. D'autre part,ce retour imposable ne gênera pas les prélèvements fiscaux et sociaux puisque la mesure intervient dans un résultat dégradé. »
Le législateur a tout de même prévu un plafond à cette réintégration sans pénalité : elle est limitée au montant de la baisse de valeur ajoutée. Au-delà, elle est majorée d'un intérêt de retard.
Enveloppe plafonnée pour les deux déductions fiscales
Pour éviter des déductions trop élevées, le législateur a également prévu une enveloppe unique DPI + DPA. Elle est plafonnée à 27 000 € par exercice comptable en exploitation individuelle. Pour les Gaec et les EARL, cette limite est fixée par associé exploitant dans la limite de quatre associés.
EXERCICE COMPTABLE : UN OUTIL ORIGINAL : ALLONGER SA DURÉE
Les déductions pour investissements et aléas mais aussi les amortissements sont des outils classiques de régulation pluriannuelle du revenu. Plus original est l'allongement ou le raccourcissement de la durée de l'exercice comptable. « La loi offre cet espace de liberté. Il s'agit d'en faire bon usage en ne changeant pas tous les ans la date de clôture », insiste François Pilet. Si cette piste est retenue, il faut veiller naturellement à ce qu'il y ait une clôture tous les ans. « S'il y en a deux, ce n'est pas gênant. Les résultats d'exercice sont additionnés pour présentation à l'administration fiscale. »
Pour Cogedis, la chute du prix du lait incite à le rallonger cette année. Au mieux, les mois de résultats économiques supplémentaires n'ont pas d'impact sur le revenu 2016. Mais bien souvent, il est abaissé, réduisant ainsi l'assiette pour le calcul des charges fiscales et sociales. « L'allongement crée une réserve de revenu minorépour les prochaines années. En effet, lorsque les marchés et le prix du lait reviendront dans le vert, l'éleveur pourra cette fois raccourcir l'exercice et de nouveau constituer une base moins soumise aux prélèvements », explique François Pilet. Allonger ou raccourcir un exercice ne se fait pas par simple décision. En société, si la date de clôture est indiquée dans les statuts, une décision écrite est nécessaire avant sa prise d'effet. Elle doit être publiée sous un délai d'un mois avant le changement dans le registre du commerce et des sociétés. Il faut donc anticiper.
CHARGES SOCIALES : NE PAS OUBLIER LE PLAN DE SOUTIEN À L'ÉLEVAGE
L'an passé, les éleveurs avec un revenu inférieur à 4 248 € ont pu solliciter le PSE pour un allégement de leurs cotisations et contributions sociales.
Si le calcul se faisait jusque-là sur une moyenne triennale, ils ont eu la possibilité de demander son interruption pour un calcul sur une assiette annuelle.
De quoi permettre une meilleure prise en compte de la dégradation du revenu. Sur la même base, cette mesure est reconduite cette année pour les appels à cotisations 2016. Il faut pour cela remplir un formulaire téléchargeable sur le site de sa Mutualité sociale agricole et le lui renvoyer avant le 30 septembre. Au terme de cette dérogation, l'assiette triennale sera de nouveau applicable dès 2017 à partir des exercices 2015, 2016 et 2017.
CLAIRE HUE
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