« J'AI EU DU MAL À CALER MON SYSTÈME EN BIO »

Alain et Marie Régeard se font accompagner par Robert Flohic, conseiller BCEL Ouest. Cet appui est déterminant pour bien gérer un changement de modèle.© P.L.C.
Alain et Marie Régeard se font accompagner par Robert Flohic, conseiller BCEL Ouest. Cet appui est déterminant pour bien gérer un changement de modèle.© P.L.C. (©)

Alain Régeard s'est lancé en 2009 dans la conversion bio. Avec une saison fourragère défavorable, un prix du lait en baisse et des difficultés pour maîtriser son nouveau système, il a vécu des années très compliquées.

L'ÉLEVAGE BIO EST TRÈS DÉPENDANT DE LA MÉTÉO et cela crée une fragilité que je n'ai pas bien vécue, faute de m'y être préparé », raconte Alain Régeard. Éleveur à Caulnes (Côtes-d'Armor), il s'est lancé en 2009. Si la crise a pesé dans son choix, c'est surtout l'envie d'arrêter les produits phytosanitaires qui l'a convaincu de changer de modèle. « J'étais malade quand je traitais », explique-t-il.

Lorsqu'il a franchi le pas, il s'est senti un peu isolé. Aucun de ses voisins ne travaillait en bio. Et ses conseillers n'étaient pas formés pour accompagner cette évolution. Il s'est aperçu qu'il n'est pas facile d'assumer sa différence avec les autres.

Installé en 1986, Alain avait construit un système plutôt intensif. Il produisait 250 000 litres de lait sur 45 ha, avec 35 vaches holsteins à 8 500 l. L'assolement comprenait 13 ha de maïs et de l'herbe. Souhaitant garder un niveau de production laitière assez élevé, Alain a conservé 10 ha de maïs, ce qui impliquait des achats importants de correcteur azoté à 950 €/t en bio. La ration était à base de maïs, foin et ensilage d'herbe en hiver.

« JE MANQUAIS DE COMPÉTENCES POUR LE MODÈLE BIO »

« J'ai passé mon Bac en 1980 et à l'époque, l'enseignement agricole était tourné vers la performance technique. Je n'avais pas les compétences pour mettre en place un système économe bio. » Le coût alimentaire a augmenté à 100 €/1 000 l et la production totale a baissé à 220 000 l. La production par vache est tombée à 6 000 l, un niveau inférieur aux objectifs. En outre, le prix du lait bio a fléchi, ce qu'Alain n'avait pas vraiment envisagé. Il misait sur 420 €/1 000 l, mais n'a perçu que 380 € en 2012.

Il s'était aussi engagé dans une MAE bio (mesure agro-environnementale) qui lui permettait de toucher 6 000-7 000 €/an pendant cinq ans, mais cela ne suffisait pas à compenser la perte sur les ventes et les surcoûts. « Les deux années de conversion sont compliquées car les achats se font en bio, mais le lait reste payé au prix conventionnel », précise Alain. Même si Biolait versait une prime de conversion de 30 €/1 000 l, cela ne suffisait pas.

De plus, avec un bâtiment ancien et une aire paillée, le troupeau a toujours eu des taux leucocytaires élevés. Les pénalités représentaient en moyenne 9 €/1 000 l. Cela s'est aggravé. Alain ne voulait pas investir sur ce poste alors que le troupeau y passe peu de temps.

En 2011, la sécheresse a pénalisé la production de fourrages. Les fourrages bio étaient rares à la vente. « J'ai un peu paniqué. Je ne voyais pas comment je pourrais nourrir les vaches l'hiver suivant, faute de stocks suffisants. » Alain s'est rendu compte que cette sensibilité accrue à la météo le stressait. Il sentait que la maîtrise de son système lui échappait. « Ces difficultés m'ont conduit à la dépression », raconte l'éleveur.

À cette époque, Marie, sa femme, qui travaillait dans une pâtisserie industrielle a décidé de démissionner. « J'étais inquiète de le savoir seul sur la ferme avec ses soucis », se souvient-elle. Une décision qui a soulagé Alain.

En 2012, BCEL Ouest lui a proposé de travailler avec un conseiller spécialisé en bio, Robert Flohic. Cela lui a permis d'acquérir les repères qui lui manquaient pour construire un système cohérent.

« En bio, il faut disposer d'au moins 40 ou 50 ares de pâture accessibles par vache. Pour atteindre un bon niveau de sécurité fourragère, le chargement ne doit pas dépasser 1,3 UGB/ha », explique-t-il. L'effectif des animaux doit être calé en fonction de la surface disponible.

Mais l'exploitation d'Alain ne dispose que de 20 ha accessibles. Il en faudrait 10 de plus. Pour contrer cette difficulté, les éleveurs ont réfléchi au moyen de réduire l'effectif. Ils ont décidé de ne garder qu'une douzaine de génisses par an, soit le nombre nécessaire au renouvellement. Les souches que l'éleveur ne souhaite pas garder sont inséminées en blanc bleu belge pour améliorer la valorisation des veaux. De plus, il vise désormais un vêlage à 24 mois, toujours pour réduire le nombre d'animaux. Les veaux consomment du lait entier jusqu'à l'âge de 5 mois, ce qui assure une croissance élevée

« JE ME SUIS PERFECTIONNÉ DANS LA CONDUITE DU PÂTURAGE »

Depuis peu, Alain s'arrange avec un voisin céréalier qui a besoin de diversifier ses assolements. Il a implanté chez lui 6 ha de luzerne qui seront récoltés en foin ou en ensilage. Ceci permet de renforcer la sécurité fourragère.

Et surtout, Alain a réussi à améliorer la conduite et donc la productivité des prairies, grâce aux conseils de Robert. « J'ai implanté des mélanges de ray-grass anglais-trèfle blanc et j'ai constitué des paddocks. Je pâture au fil avant et parfois au fil arrière. Le niveau de lait peut fluctuer dans le tank, mais j'ai appris à ne plus m'en soucier », explique l'éleveur.

La ration ne comprend que de l'herbe pâturée de mi-avril à septembre. En hiver, les vaches reçoivent de l'ensilage (moitié maïs et moitié herbe) avec du foin à volonté. Les achats de soja bio sont passés de 15 à 9 t/an. Alain envisage d'acheter de la féverole et de la toaster pour remplacer le soja. « La féverole toastée coûte 400€/t contre 900 €pour le soja. En outre, le soja présente un risque en bio car le tourteau sans OGM est rare. »

Pour améliorer la rusticité du troupeau, Alain s'est lancé dans le croisement à trois voies. Il a commencé par un croisement montbéliard et a enchaîné avec de la rouge scandinave. Les premiers veaux issus du deuxième croisement commencent à naître et l'éleveur est satisfait de ces animaux. Le taux de réussite en première insémination est monté à 60 % pour les génisses. 80 % des vaches sont pleines avec une ou deux inséminations artificielles. Alain est devenu moins exigeant sur le niveau de production de ses vaches. Il sélectionne avant tout sur les taux, la résistance aux mammites et la fertilité.

Désormais, Alain passe par un circuit bio (Breizh Viande Bio) pour vendre ses vaches de réforme. Cela impose de soigner la finition, mais le prix de vente est monté de 662 à 784 €/tête.

Le problème des cellules a été résolu. Les griffes ont été changées pour de plus légères. Le niveau de vide a été réduit et Alain a décidé de désinfecter les griffes systématiquement entre chaque vache. Les incurables ont été réformées. Le niveau moyen est tombé de 400 000 à 250 000 cellules. « Nous étions à 70 000 l'hiver dernier », s'exclame Alain.

« AVEC DE MEILLEURS RÉSULTATS TECHNIQUES, LE REVENU REMONTE »

Toutes ces évolutions ont permis d'améliorer les performances économiques de l'exploitation (voir tableau). Si les charges sont plutôt en hausse, les produits ont eux aussi nettement augmenté et la rentabilité s'est améliorée. Sur la campagne 2015-2016, les améliorations se poursuivent. Le prix du lait est monté à 443 €/1 000 l grâce à une meilleure incidence de la composition (11 €, contre 2 €) et à une réduction des pénalités (2 €, au lieu de 12 €). Le coût des concentrés et minéraux est tombé de 36 €/1 000 l à 29 €. Cela a permis une hausse de la marge sur coût alimentaire de 342 à 386 €/1 000 l.

Grâce à ce redressement des résultats, Gérard vit beaucoup mieux son nouveau système de production. Le couple envisage de s'associer pour travailler ensemble sur l'exploitation. Ils réfléchissent actuellement au statut que prendra Marie. Une belle façon de rebondir !

PASCALE LE CANN

Les veaux croisés de deuxième génération démarrent bien et plaisent à l'éleveur.

© P.L.C.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

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