DES LACTATIONS LONGUES POUR AMÉLIORER LA LONGÉVITÉ

Benoît Portier : « L'objectif d'un veau par vache et par an est battu en brèche. L'allongement des lactations permet d'améliorer la longévité des vaches et concerne donc tous les éleveurs. »
Benoît Portier : « L'objectif d'un veau par vache et par an est battu en brèche. L'allongement des lactations permet d'améliorer la longévité des vaches et concerne donc tous les éleveurs. » (©)

Six ans d'expérimentation ont permis de montrer que l'allongement des lactations ne pose pas de problème, tant sur les plans technique qu'économique.

L'OBJECTIF D'UN VEAU PAR VACHE ET PAR AN S'EST ÉLOIGNÉ pour bien des éleveurs, notamment en raison de la baisse des performances de reproduction des troupeaux. Pour le tenir, les éleveurs doivent souvent tarir des vaches à 25 kg de lait, ce qui ne semble pas économique. Ces constats ont conduit les ingénieurs des chambres d'agriculture de Bretagne à s'interroger sur le bien-fondé de ce principe. En outre, sachant que les problèmes sanitaires surviennent surtout autour du vêlage, ils se sont demandé si l'allongement des lactations, donc la réduction du nombre de vêlages, ne conduirait pas à diminuer le nombre, et donc le coût des incidents sanitaires.

PRÉSERVER UN TAUX DE RÉFORME À 20 %

DE RÉFORME À 20 % Après six ans d'expérimentation (voir encadré ci-dessous), il apparaît clairement que les éleveurs peuvent, sans risque, jouer sur la durée de lactation de leurs vaches. Mais cette stratégie impose néanmoins d'être vigilant. « Le taux de réforme doit être maintenu à 20 % pour éviter un vieillissement trop prononcé du troupeau », précise Benoît Portier, ingénieur au pôle herbivores des chambres d'agriculture de Bretagne. En effet, pendant l'essai, le taux de réforme est tombé à 15 % dans le lot des vaches réalisant des lactations de dix-huit mois sur les trois premières années, contre 30 % chez celles qui étaient à douze mois. Mais le vieillissement des animaux a entraîné une recrudescence de réformes à la fin de l'essai. Le taux s'établit à 26 % sur les trois dernières années. En cause, des difficultés de reproduction, une élévation des taux cellulaires et des problèmes de pattes. Là se trouve la limite d'une réduction du taux de réforme. Certes, il permet d'améliorer la longévité des animaux, ce qui est bénéfique. La différence d'âge moyen est de huit mois entre les deux lots sur la période de l'essai. Elles ont en moyenne un an de plus à la réforme. Mais au bout d'un moment, les problèmes se multiplient si toutes les vaches vieillissent en même temps. Et le renouvellement peut alors devenir délicat. En termes de performances laitières, l'allongement des lactations entraîne une perte de lait de 510 kg/vache/an. Mais le TP moyen s'améliore de 0,9, à 32,7. La baisse de production concerne davantage les multipares car la persistance de lactation est meilleure chez les primipares (voir courbe). 5 % des vaches ont été taries prématurément en raison d'une baisse de production trop prononcée. Cette perte de lait est sans doute accentuée par la saison de vêlage. Au cours de l'essai, les vaches en lactation longues ont vêlé deux fois au printemps quand les autres démarraient toutes leurs lactations en automne. L'impact de cette perte de productivité reste limité. Il nécessite la présence de 3,7 % de vaches supplémentaires pour produire le quota.

LA FERTILITÉ SE MAINTIENT

L'allongement des lactations entraîne une hausse modérée des comptages cellulaires. La proportion de vaches saines au tarissement passe de 59 à 53 %. Mais les mammites cliniques sont moins fréquentes. En revanche, les boiteries ont été plus nombreuses dans le lot des lactations longues. Un phénomène qui reste à expliquer. « C'est peut-être lié au vieillissement du troupeau, précise Benoît Portier. Ou encore, au fait que ces vaches bénéficient d'un temps de repos plus court. En outre, les taries qui doivent vêler à l'automne passent l'été en pâture chaque année quand celles qui vêlent au printemps sont taries en bâtiment. »

Les performances de reproduction sont comparables dans les deux lots avec 85 % des vaches fécondées en trois mois. Sur ce plan, les premières années de l'essai avaient montré de meilleurs résultats dans le lot des lactations longues. Mais le vieillissement des vaches a inversé la tendance en fin d'essai. L'infertilité a justifié six réformes sur onze dans la dernière année sur le lot faisant des lactations de dix-huit mois. Il est vrai qu'avec des vêlages groupés, la tolérance est forcément faible.

ASSURER LA RELÈVE AVEC MOINS DE VÊLAGES

L'allongement des lactations conduit à réduire le nombre de vêlages par an. Ceci nécessite d'être vigilant pour assurer le renouvellement. Le recours à la semence sexée constitue une réponse pour ceux qui craignent de manquer de femelles. L'analyse économique est favorable à l'allongement des lactations (voir tableau). Le produit lait s'améliore grâce à la hausse du prix du lait lié au TP (8 €/1 000 l) et à une meilleure saisonnalité des livraisons (5 €/1 000 l). Cette augmentation fait plus que compenser la réduction du produit viande due à de moindres ventes de veaux et de réformes (9 000 € de moins par an). La valorisation des carcasses est identique dans les deux lots, mais les vaches en lactation longue arrivent en meilleur état en fin de lactation et sont engraissées deux semaines de moins. Les charges opérationnelles diminuent également. Les vaches des deux lots reçoivent la même quantité de concentrés par lactation puisque la distribution se fait uniquement dans les premiers mois après le vêlage. Mais en moyenne annuelle, le coût alimentaire est plus faible avec des lactations longues. Avec un nombre d'animaux plus faible, les frais d'élevage diminuent aussi. Ces résultats ouvrent des pistes d'évolution pour les éleveurs qui cherchent à améliorer la longévité de leurs vaches. L'augmentation de leur durée de vie permet de réduire les besoins en renouvellement. L'allongement des lactations est aussi un outil pour adapter la production aux fluctuations du marché. En pratique, il faudra être vigilant sur l'alimentation pour éviter un engraissement excessif des vaches en lactations longues.

En vêlages étalés, les éleveurs peuvent y avoir recours au coup par coup sans préjudice économique ou sanitaire, en particulier pour les vaches qui tardent à remplir. Ils leur donnent ainsi une chance supplémentaire d'être fécondées. Allonger les lactations peut être intéressant notamment pour les primipares. Cela permet de tirer profit de leur meilleure persistance de lactation. À partir du deuxième vêlage, les vaches ne s'adaptent pas toutes de la même manière. Mieux vaut éviter cette pratique pour celles dont les membres et la mamelle sont fragiles ou encore pour les vaches à taux cellulaires élevés.

La technique est intéressante aussi pour ceux qui pratiquent le vêlage groupé en deux fois. Généralement, ils concentrent les inséminations, et donc les vêlages, sur deux périodes de trois mois. Ils bénéficient des avantages du vêlage groupé en termes d'organisation du travail. Ils peuvent alléger ponctuellement la charge de travail. Ou encore conduire les génisses en lots homogènes. Ces éleveurs peuvent sans problème décaler une vache qui n'est pas pleine d'un lot à un autre. Ils ont aussi la possibilité de viser un objectif de vêlage à deux ans. Cette pratique a un effet sur la régularité des livraisons chère aux laiteries, contrairement au groupement des vêlages sur une saison unique. Ce type de conduite a été testé à Trévarez. Il conduit à une amplitude des livraisons de 2,5 % entre les mois les plus faibles et les plus élevés. S'il est vrai que le lait d'hiver coûte plus cher à produire, il est aussi mieux payé et permet des produits viande plus élevés. Au final, l'intérêt économique comparé du lait d'hiver et de printemps se joue essentiellement sur les charges de structures.

PASCALE LE CANN

Benoît Portier : « L'objectif d'un veau par vache et par an est battu en brèche. L'allongement des lactations permet d'améliorer la longévité des vaches et concerne donc tous les éleveurs. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

Alsace Lait

« L’IA ne remplace pas notre métier, elle le facilite »

Monitoring

Tapez un ou plusieurs mots-clés...