
Si l'augmentation de la productivité du travail constitue une piste pour améliorer le revenu, la maîtrise des charges et la cohérence du système restent centrales.
APRÈS PLUS DE TRENTE ANS DE QUOTAS, de nombreux éleveurs ont vu dans la fin de ce régime des opportunités de produire davantage avec l'espoir d'améliorer leur revenu. La clé de la rentabilité résiderait-elle dans un volume de lait élevé par unité de main-d'oeuvre ? Les chambres d'agriculture et les CERFrance Bretagne ont tenté de répondre à cette question.
Ils ont épluché les résultats économiques de 3 000 exploitations bretonnes spécialisées en lait, c'est-à-dire sans autre production animale (certaines disposaient cependant de cultures de vente, mais le produit de l'atelier lait représentait au moins 60 à 65 % du chiffre d'affaires). Les travaux concernaient l'année 2012.
LA PRODUCTIVITÉ DU TRAVAIL PÈSE SUR LE REVENU
Une première analyse a visé à répartir les exploitations en quatre classes selon le revenu par UTH (voir infographie). On constate que les revenus les plus élevés sont dégagés par des exploitations plus grandes mais comptant moins d'UTH. L'écart se monte à 43 000 €/UTH familiale entre la classe la plus faible et celle la plus élevée. Et ceux qui dégagent plus de revenu produisent davantage de lait/UTH (306 000 l contre 208 000 l). La notion de productivité du travail ressort donc comme un élément explicatif du revenu disponible.
Mais en poussant plus loin l'analyse, on s'aperçoit que la réalité est contrastée. Dans les quatre classes, la dispersion est importante sur de nombreux critères. « La moyenne n'a pas de sens. On trouve de grandes exploitations dans la classe à faible revenu et des petites dans les plus élevés », remarque Geneviève Audebet, ingénieur d'étude à CERFrance Côtes-d'Armor.
Une approche par l'efficacité économique permet d'identifier ce qui distingue les classes. Il s'avère que les différences s'expliquent par une multitude de critères (voir infographie).
La variation du prix du lait reste modeste, avec un écart limité à 5 €/1 000 l entre les revenus les plus élevés et les plus faibles. Mais les autres produits sont plus élevés là où les revenus grimpent. Cela est bien évidemment lié à l'existence d'une surface plus importante (16 ha de SAU en plus). Mais on doit y voir aussi une meilleure gestion de la surface fourragère dans le but de produire des cultures de vente. On retrouve donc le poids des conditions propres à l'exploitation, mais aussi celui des compétences de l'agriculteur.
Les charges opérationnelles sont plus faibles chez les meilleurs. On retrouve là aussi l'impact des compétences. Par ailleurs, la taille supplémentaire permet de diluer les charges de structure sur les plus grandes exploitations. « Cela est vrai jusqu'à un certain niveau, précise Mathieu Merlhe, à la chambre d'agriculture. Au-delà, il faut souvent réinvestir. »
On voit donc bien que si les exploitations produisant plus de lait/UTH dégagent de meilleurs revenus, ce critère ne l'explique pas à lui seul. L'analyse ne saurait s'arrêter à ces constats. 2012 était une année moyenne. En 2014, avec une bonne conjoncture, certains ont investi, d'autres ont constitué des réserves. La résistance des exploitations à la volatilité des prix dépend des choix opérés, et pas seulement du niveau de rentabilité.
« L'intérêt de notre étude réside dans la possibilité d'identifier des leviers pour améliorer la durabilité des exploitations dans un contexte de volatilité des prix », précise Mathieu Merlhe. D'autant plus que la gestion de la trésorerie est devenue cruciale en élevage laitier. Des éleveurs qui s'en sortaient auparavant avec des prix stables rencontrent des difficultés quand les fluctuations s'amplifient.
L'échantillon d'exploitations a été trié sur le revenu/1 000 l de lait et sur le volume/UTH. En croisant ces données (voir infographie), on voit que le revenu global dépend de ces deux critères.
Sur cette base, il est clair que l'augmentation du volume/UTH n'est pas la clé unique pour améliorer le revenu. Elle est intéressante et sans doute a priori plus simple. Lorsqu'il s'agit de saturer son outil, on peut s'attendre effectivement à une amélioration du revenu. Car les charges se trouvent diluées sur plus de volume et les produits augmentent.
LA MAÎTRISE TECHNIQUE RESTE ESSENTIELLE
Mais la hausse de revenu n'est pas automatique quand l'augmentation de volume implique des investissements qui pénalisent le revenu/1 000 l. Et l'on sait aussi qu'en cas d'agrandissement, les performances technico-économiques peuvent se dégrader avec, là aussi, un impact négatif sur le revenu.
Il existe d'autres voies pour améliorer sa rentabilité. La meilleure maîtrise du coût de production en est une. Produire des fourrages moins chers et optimiser leur valorisation pour réduire les besoins en concentrés permet de diminuer le coût alimentaire.
La réduction des charges de structure offre une autre piste, dans un pas de temps plus long. Il s'agit de réfléchir à la cohérence entre les équipements, les bâtiments et les volumes produits.
Les éleveurs qui envisagent de se développer doivent être clairs sur leurs objectifs : l'analyse du projet doit évaluer l'impact sur le revenu/UTH. Mais sans oublier de calculer la rentabilité/1 000 l. Et la réussite économique passera toujours par la maîtrise technique.
PASCALE LE CANN
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