Faut-il élever toutes ses génisses pour en vendre ?

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Génisse
En dix ans, sur la partie ouest concerte par Innoval, le taux de génisses sevrées est passé de 40 % à 29 %. (© P. Le Cann)

Longtemps jugé peu rentable, l’élevage de génisses pourrait regagner de l’intérêt car les prix actuels de vente sont porteurs. Calculer le coût de production de ses animaux est essentiel pour évaluer cette option.

On observe deux grandes stratégies en élevage concernant le nombre de génisses à élever. La première consiste à en conserver le strict minimum pour répondre à l’objectif de taux de renouvellement, en prenant cependant une marge de sécurité pour faire face à d’éventuels accidents. Ainsi, on limite les besoins fourragers et on optimise le temps de travail. La seconde stratégie consiste à élever plus de génisses pour en vendre prêtes à vêler ou en début de lactation. Cette option assure une marge de sécurité en cas d’aléas sanitaire, donne de la souplesse dans la sélection des génisses et permet plus facilement d’augmenter la production de lait. Néanmoins, elle a ses limites : temps de travail, besoin fourrager, places en bâtiments, etc.

Entre 1 550 € et 1 700 € pour des génisses gestantes

De manière générale, jusqu’en 2021, le coût de production des génisses (hors main-d’œuvre exploitant) dépassait systématiquement le prix potentiel de vente. Élever toutes ses génisses était donc plutôt déconseillé. Ce message, largement diffusé, a conduit une partie des éleveurs à conserver moins de génisses. Sur la partie ouest de la zone Innoval (départements 22, 29 et 56), le taux de génisses sevrées (nombre de génisses sevrées par an/nombre moyen de vaches) est passé de 40 % à moins de 29 % en dix ans. Mais depuis plusieurs mois, le marché tendu des génisses fait grimper les prix de vente. Sur 2022 et début 2023 dans le Grand Ouest, le prix des génisses confirmées gestantes (à partir de 4 mois, vaccinées FCO), oscille entre 1 550 €-1 700 € à l’export. Pour des primipares fraîches vêlées, les prix vont de 1 800 € à 2000 € pour des bons potentiels. Ces niveaux attractifs s’expliquent en partie par un marché tendu avec peu de disponibilités.

L’AVIS DE L’EXPERT : « Une stratégie qui risque de pousser les vaches à la réforme »

Actuellement, le marché des génisses amouillantes et des vaches en lactation est plutôt porteur. Pour les élevages ayant un coût de production des génisses maîtrisé, la vente des femelles excédentaires par rapport au besoin de renouvellement peut être intéressante économiquement. Toutefois, il faut garder en tête que les génisses sevrées aujourd’hui seront vendues d’ici deux ans. Si les prix de ventes retombent au niveau observé il y a encore 18 mois (entre 1 100 et 1 300 €), le coût de production de la génisse sera largement supérieur et la vente représentera une perte de revenu importante. Il ne faut pas que la rémunération du temps de travail de l’éleveur soit la variable d’ajustement.

Dans de nombreuses situations, la stratégie d’élevage de toutes les génisses entraînera une hausse du taux de renouvellement. Un taux de primipares élevé dans le troupeau pénalisera la production journalière du troupeau (volume et taux). Si l’élevage des génisses n’est pas géré comme un atelier à part entière, certaines d’entre elles intégreront le troupeau et pousseront des multipares vers une sortie prématurée, ce qui n’est pas l’objectif et entraînera une augmentation du coût de renouvellement.

Enfin, élever des génisses supplémentaires implique d’avoir suffisamment de places en bâtiment et de stocks fourragers. Il faut près de 6 t de MS de fourrage sur la durée d’élevage totale d’une génisse vêlant à 27 mois. La marge par hectare dégagée par l’atelier de vente de génisses est à comparer aux marges des ateliers lait et cultures de ventes.

LA CONCLUSION DE L’EXPERT : « Les fondamentaux restent les mêmes »

Il est essentiel de connaître son coût d’élevage avant de s’engager vers une stratégie de vente de génisses amouillantes. Les conditions de réussite restent les mêmes : avoir une conduite économe (âge au vêlage réduit, faible coût alimentaire), des prix de ventes élevés (marché porteur, bon potentiel génétique) et disposer d’un système de production adapté en termes de production de fourrage, de places en bâtiment et de main-d’œuvre. Le principal risque est d’accroître le taux de réforme et de dégrader l’efficacité économique de l’atelier lait. En considérant également les aspects environnementaux (empreinte carbone) il est encore préconisé d’élever uniquement le nombre de génisses nécessaires au besoin de renouvellement et de limiter la proportion d’animaux improductifs. Il est possible d’optimiser cette stratégie en maximisant le taux de croisement viande et en accélérant l’amélioration du niveau génétique grâce aux technologies combinées de génotypage et sexage.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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