Des pistes pour réduire le coût d’engraissement des vaches de réforme

Vaches Limousines et Julien Fortin
Julien Fortin, responsable de la ferme expérimentale bio de Thorigné-d’Anjou : « Pour arriver à un poids de carcasse similaire, les vaches qui avaient deux fois moins de céréales ont été engraissées seulement dix jours de plus, et ça on ne s’y attendait pas. » (©Antoine Humeau)

Il est possible, sous certaines conditions, de réduire la durée d’engraissement des vaches de réforme et de diminuer de moitié la quantité de concentrés distribués sans dégradation des performances. La ferme expérimentale de Thorigné-d’Anjou (Maine-et-Loire) l’a démontré. Même qualité de viande, meilleures marges.

On savait qu’il était possible d’engraisser des vaches allaitantes avec des rations autonomes, simples et performantes. La ferme expérimentale bio de Thorigné-d'Anjou (Maine-et-Loire) l’avait déjà démontré. Sa dernière expérimentation montre cette fois qu’il est possible de réduire la durée de la finition tout en augmentant la performance économique.

Réduire de 30 jours la durée d’engraissement

Faire durer la période d’engraissement coûte plus cher à l’éleveur que cela ne lui rapporte, pour les vaches de plus de six ans, même avec une ration économe. Les travaux ont démontré que le gain moyen quotidien (GMQ) plafonne, après 105 jours. La perte s’élève à 71 centimes d’euros par jour et par vache sur les trente derniers jours de la phase d’engraissement.

Le constat est édifiant, mais après tout, « si en dépit de ce coût supérieur pour l’éleveur cela permet d’obtenir une viande de meilleure qualité, cela peut s’intégrer dans une stratégie globale de filière », défend Julien Fortin, responsable de la ferme expérimentale. Mais encore faut-il que ce soit le cas. C’est ce qu’a cherché à savoir l’équipe de Thorigné, et elle a démontré qu’il n’y avait pas de différence.

Pas de différence sur la qualité de la viande

Pour cela, deux lots ont été constitués : des vaches engraissées jusqu’à 111 jours et d’autres engraissées jusqu’à 142 jours. Si le lot engraissé plus longtemps a un poids de carcasse supérieur (22kg d’écart) et une conformation un peu meilleure, il n’y a en revanche pas de différence sur la note d’état. Quant à la qualité organoleptique de la viande, le jury d’experts du laboratoire de Villers-Bocage (Calvados) est formel : aucune différence sur les six critères analysés, que ce soit sur la couleur, l’odeur, la jutosité, la flaveur, la tendreté ou la persistance aromatique.

Alors à quoi bon engraisser ses vaches plus longtemps si c’est plus cher et que la viande n’est pas meilleure ? « Un éleveur qui s’inquiète parce que sa vache n’est pas complètement finie, on peut le rassurer, la viande sera quand-même qualitative », résume Julien Fortin.

Deux fois moins de concentré, mêmes performances

Quel est l’impact de la part de concentrés sur les performances en engraissement ? C’est aussi ce qu’ont voulu savoir les ingénieurs de la ferme expérimentale. Jusque-là, il était établi qu’il fallait 800 kg de céréales pour finir une vache. Problème : « Cela impacte le coût de la ration et c’est hyper critiquable d’un point de vue éthique, social et environnemental », glisse Julien Fortin. Avec autant de céréales, on peut en faire, des baguettes de pain ! « Il est préférable que les bovins transforment plutôt de l’herbe pour fabriquer de la viande », juge l’ingénieur agro.

Un groupe de vaches a donc été engraissé avec une ration de 6 kg/jour de céréales par animal, l’autre avec une ration deux fois moindre (3kg).

Pour arriver à un poids de carcasse similaire, la durée d’engraissement varie de seulement dix jours entre les deux lots, la différence de GMQ est assez faible. « Ça on ne s’y attendait pas, on pensait que l’écart de durée serait plutôt d’une trentaine de jours, car on a toujours appris que la densité énergétique de la ration est corrélée à la performance zootechnique, commente Julien Fortin. C’est un super résultat. » Les vaches qui ont deux fois moins de céréales dans leur ration compensent en mangeant plus d’herbe. 

La différence de coût alimentaire sur la phase de finition entre les deux lots est assez significative : les vaches nourries avec 6 kg de céréales ont coûté 20 % plus cher, 424 € contre 351 €. La marge sur coût alimentaire est de + 44 € pour le lot à 3 kg.

« Malgré les dix jours d’engraissement en plus, on a tout intérêt à réduire la part de concentrés dans les rations, à condition d’avoir un fourrage de qualité, synthétise le responsable de la ferme. Et le truc complètement fou, c’est que le lot à 3 kg a été bridé d’un point de vue zootechnique et malgré cela, il est plus rentable ».

En système conventionnel, les différences de marges seraient « probablement amplifiées parce que les intrants coûtent plus cher, l’énergie, la céréale, l’azote, … », suggère Julien Fortin.

Élever des bœufs

La ferme expérimentale propose d’aller encore un peu plus loin pour diminuer encore les coûts : faire des bœufs. L’équipe de Thorigné-d’Anjou vient de faire tomber un premier préjugé : la viande de bœuf n’est pas de qualité inférieure à celle des femelles. La qualité organoleptique de jeunes vaches finies et de bœufs de 30 à 32 mois (finis également), élevés dans les mêmes conditions, a été analysée par le laboratoire de Villers-Bocage.

Les résultats sont sans appel : qu’il s’agisse de jutosité, persistance aromatique, flaveur ou couleur, il n’y a aucune différence. La viande de bœuf serait toutefois légèrement plus tendre que celle des femelles. « Donc, concrètement, la viande est légèrement en faveur du bœuf », résume Julien Fortin.

Et puis surtout, élever des bœufs est plus rentable. L’efficience alimentaire, c’est-à-dire la quantité de croissance par UF ingéré, est meilleure chez les mâles castrés. La marge sur coût alimentaire est 40,% supérieure, 2,53,€/kg contre 1,85,€ pour les femelles.  

En résumé, la marge est supérieure pour l’éleveur, la qualité de la viande est identique, « ces éléments peuvent encourager les éleveurs à faire des bœufs et la filière peut s’engager dans cette voie si elle parvient à faire tomber les préjugés ».

À l’échelle d’un élevage, garder tous ses mâles plutôt que les vendre en broutards pour qu’ils soient engraissés en Italie entraînerait un chargement à l’hectare trop élevé. La stratégie consisterait alors à réduire le nombre de vêlages. Moins de vaches, mais des animaux gardés jusqu’à la fin.

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