
Cinq à six fois par an, dans les grandes surfaces, Nicole Gallot, agricultrice dans la Loire, relève les prix des produits laitiers.
Alors que son mari Jean-Luc a cessé de regarder les linéaires de viande des grandes surfaces, découragé par les écarts entre les prix à la production et ceux en magasin, Nicole continue à collecter, pour le compte de la FNPL, les prix de quatre produits : le lait UHT demi-écrémé, les emmentals, râpé et préemballé, et la bûchette de chèvre.
MISSION.
« Seuls les premiers prix nous intéressent, précise l'agricultrice installée avec son mari dans la région stéphanoise (43 ha, 260 000 l de lait, 8 limousines avec engraissement). J'ai pris cette responsabilité il y a onze ans et j'essaie de la tenir, explique cette femme ouverte et carrée, très impliquée sur l'exploitation et dans la vie syndicale. Tous les deux mois environ, je me rends dans des GMS de la région, toujours les mêmes : Géant Casino et Leader Price. Avec l'entraînement, une demi-heure suffit pour saisir sur la fiche de relevé, les informations demandées : le fournisseur, le prix et la marque. » Une mission peu contraignante, mais instructive, même s'il devient de plus en plus difficile de saisir la logique dans la mise en marché des produits.
PERSÉVÉRANCE.
« Le prix d'un pack de douze yaourts est parfois inférieur à celui de seize. Idem pour le râpé, moins cher en paquet de 200 g qu'au kilo. Fin avril, dans deux enseignes du même groupe et pour une même marque, l'emmental préemballé était plus cher chez le discounter (6,65 €/ kg) qu'à l'hypermarché (6,30 €/kg). »
La productrice de lait, qui conserve dans son grenier la copie de tous ses relevés depuis 1998, déplore par ailleurs le manque de transparence. « On sait par l'examen des estampilles sanitaires que telle entreprise livre à telle enseigne, même quand certaines disent qu'elles ont été déréférencées.
Mais on ignore tout du deal passé en termes de prix et de marges. »
Début juin, face à l'effondrement du prix du lait, Nicole refusait de se laisser envahir par un sentiment d'impuissance. « Nous n'allons pas nous laisser faire. Il faut assurer nos salaires et payer les études de nos enfants. »
TOUJOURS LE SOURIRE.
Dans le contexte laitier très tendu, cette mère de trois filles et grand-mère de trois petits-enfants croit plus que jamais à l'action collective et au travail de terrain. « En mars, quand nous avons appris que du lait Candia était en promo à 0,45 €/l, alors que le prix le plus bas était de 0,59 €, nous avons fait retirer le produit bradé des rayons. L'enseigne Leclerc n'a fait aucune difficulté. Beaucoup de producteurs ne se rendent pas compte à quel prix leur lait est vendu. Or, pour discuter avec nos entreprises, il est essentiel de savoir dans quelles conditions notre produit est commercialisé. »
Pour ces raisons, Nicole poursuit sa mission de veille, comme une demi-douzaine d'agricultrices de son département. Sans se départir de son sourire derrière lequel on sent une grande détermination.
ANNE BRÉHIER
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