ANALYSER LA COMPOSITION FINE DU LAIT GRÂCE AU SPECTRE

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Le programme de recherche PhénoFinlait a pour objectif de mesurer les acides gras et les protéines dans le lait, puis de modifier leur composition en agissant sur l'alimentation et la sélection.

CERTAINS LABORATOIRES DES CONTRÔLES LAITIERS ET INTERPROFESSIONNELS utilisent la spectrométrie moyen infrarouge pour analyser le lait. Jusqu'ici, ils se limitaient à la lecture d'une partie du spectre pour déterminer la teneur en TB, TP, cellules et urée du lait. Ces analyseurs sont capables d'en dire beaucoup plus sur le lait, en particulier analyser sa composition fine. Face aux attaques que subissent les produits laitiers et notamment leur richesse en certains acides gras, la filière laitière* a lancé un programme de recherche nommé Phéno-Finlait. « Il a pour objectif de connaître la composition en acides gras et en protéines du lait produit en France, déclare Philippe Brunschwig, de l'Institut de l'élevage, puis de produire des références afin d'apporter une méthode aux éleveurs pour maîtriser ces composants fins en agissant sur l'alimentation et la génétique. »

Débuté en 2008, ce programme doit prendre fin l'année prochaine. Aujourd'hui, les équations de prévision des acides gras à partir du spectre sont validées. En revanche, seuls ceux présents en grande quantité sont déterminés avec précision. C'est le cas des acides gras saturés ou mono-insaturés. Les polyinsaturés peuvent aussi l'être mais de façon moins précise.

Rappelons que le lait contient environ 70 % d'acides gras saturés. « Leur consommation excessive peut entraîner des maladies cardio-vasculaires et des cancers. Mais certains d'entre eux, comme l'acide myristique ou l'acide palmitique, participent à une régulation des fonctions cellulaires. » Les acides gras poly-insaturés ont, quant à eux, des effets bénéfiques. Ils représentent environ 5 % des acides gras du lait. À terme, l'objectif serait d'augmenter cette dernière catégorie. « Mais sans faire progresser la teneur en oméga 6. Ils ne sont pas néfastes pour la santé mais se trouvent en excès dans l'alimentation humaine, comparé aux oméga 3. L'idéal serait de tendre vers unrapport quotidien de 1 pour 5 » Des premiers résultats viennent d'être publiés. Ils portent sur seulement une partie de la vaste enquête menée sur le terrain (voir infographie). Les rations à base de maïs ensilage favorisent les acides gras saturés, tandis que l'herbe a tendance à favoriser les insaturés. Le stade de lactation joue aussi un rôle. Du fait de la mobilisation des réserves corporelles, la teneur en acides gras poly-insaturés est élevée en début de lactation, puis diminue progressivement. Celle en acides gras saturés suit une courbe inverse. « Ces éléments confirment les données existantes dans la bibliographie. Ils nous confortent dans le choix d'une méthode à grande échelle pour chercher beaucoup de variabilité de situations. »

LA GÉNÉTIQUE, UN LEVIER IMPORTANT À ACTIONNER

Le travail de recherche se poursuit en évaluant différents régimes alimentaires : des rations à base de maïs avec plus ou moins d'herbe pâturée ou conservée, celles à base de foin avec plus de concentrés. « Nous souhaitons aussi tester l'incidence de la distribution de tourteaux de colza au lieu de soja, ou l'impact de l'apport de graines de lin, de luzerne… À terme, nous voulons pouvoir conseiller à un éleveur, qui souhaiterait modifier le profil en acides gras du lait, de changer telle pratique ou d'apporter tel ingrédient dans l'alimentation de son troupeau. »

Sur le plan génétique, les premiers travaux démontrent que les acides gras ont une héritabilité moyenne de 0,3. En clair, 30 % des différences observées entre les animaux sont liées à la génétique et 70 % à l'environnement, principalement à l'alimentation et au stade physiologique de l'animal. Ce chiffre est du même ordre que l'héritabilité de la production laitière. « La génétique peut être un levier important pour modifier le profil du lait en acides gras », déclare Mickaël Brochard, de l'Institut de l'élevage.

Des résultats sur les corrélations génétiques ont également été présentés. Ils sont assez conformes à ce qui a déjà été publié dans d'autres études. Ils révèlent que les liens sont importants (positifs ou négatifs) entre la production laitière, le TP et le TB d'une part, et les différents acides gras ou groupes d'acides gras d'autre part. On note aussi de fortes interactions entre les différents acides gras (ou groupes) entre eux. Ceci peut être un handicap car la sélection en faveur ou défaveur de tel ou tel acide gras (ou groupe) devra tenir compte de l'ensemble des corrélations. « En revanche, elles peuvent être un atout dans la mesure où elles permettent de prévoir les acides gras difficiles à doser (c'est le cas de certains polyinsaturés) grâce à des acides gras corrélés plus facilement dosés ». Le génome de 8 000 vaches est en train d'être décrypté à partir de leur analyse de sang. À terme, il sera possible de connaître quels sont les QTL (zones du génome) influençant ces composants fins du lait. « La filière devra ensuite débattre pour définir les objectifs en terme de profil en acides gras et ainsi orienter la sélection sur ces nouveaux critères. »

Pour les protéines, le travail de recherche en cours est moins avancé. La méthode de référence d'analyse de ces composants n'existe pas. Séparer la quinzaine de protéines présentes dans le lait (caséines, lactoglobulines, lactoférine…) semble délicat. On ne sait pas encore si les spectres moyen infrarouge permettront de prévoir ces composants. Affaire à suivre.

*Le Cniel, l'Inra, l'Institut de l'élevage, l'UNCEIA, Capgenes, Actilait, FCEL, le CNBL et Labogena.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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