Mal « barré », l'homme

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Jean Ferrat chantait que la femme est son avenir. On oublie cette vérité.

Loin de la poésie, les femmes ne semblent plus guère projeter leur avenir auprès de l'homme des campagnes. Morceaux choisis d'une réalité qui n'inquiète que les intéressés mais dont les conséquences inattendues pourraient mettre à mal toutes les prévisions de nos chers experts économiques.

La rencontre

Sur internet : « Bibiche 69, ça fait trois semaines que nous tchatchons sur Maatrick.fr et je ne connais toujours pas ton job ! Éleveur ? Ah. De quoi ? De vaches ? Oh ! Bon, OK, je te laisse, à plus tard. »

En boîte : « T'es mignon, sympa, mais tu sais, je suis fille d'agriculteur, alors non merci. J'ai vu ma mère donner. J'ai envie de vivre, pas de survivre ! Bye bye. »

À la fac : « Tu veux travailler quelques années pour t'installer éleveur après ? Quelle idée ! Tu sais, si j'épouse un ingénieur, ce n'est pas pour me retrouver, trois enfants plus tard, femme de paysan ! »

La vie commune

Dès le début : « Dis, elles ne peuvent pas vêler la journée tes vaches ? On la fera quand cette grasse matinée du dimanche, comme tout le monde ? Pourquoi on ne peut pas partir en vacances avec ma soeur ? Quand on reçoit des amis le soir, tu ne crois pas que ton père pourrait s'abstenir de défoncer la porte à 6 heures en hurlant “T'as oublié tes vaches, fiston ?” » Après quelques années : « Tu disais, ma ferme, ma petite femme, l'éducation de nos enfants dans une vie saine avec de vraies valeurs. Pour les gosses, t'es bien obligé de t'y coller depuis que j'ai dû reprendre le boulot pour faire bouillir la marmite. Monsieur rembourse en attendant des jours meilleurs. Y'a pas à dire, avec toi, l'amour est dans le PRÊT ! »

Après de longues années : « Tu crois qu'on est normaux ? Boulot tout le temps, pas de loisirs, peu de repos, sauf pour faire des paperasses à n'en plus finir, tout en redoutant des contrôles débiles, pires que si on était des délinquants. Et moralement : un jour, les écolos sur le dos, le lendemain, les consommateurs, les banquiers, les fournisseurs. Tu n'as pas le sentiment qu'on nous étouffe ? C'est ça l'air vivifiant de la campagne, une nouvelle claque dans la tronche tous les matins au réveil ! »

« Et l'association avec ton frère qui devait nous permettre une qualité de vie. Tu l'as vue souvent, le dimanche à 6 heures à la traite, sa Barbie fonctionnaire ? Elle dort, elle ! Et toi, comme un con, pour ne pas laisser ton frangin tout seul, tu te lèves ! »

Après de trop longues années : « J'en ai marre. J'ai 50 ans ; l'impression de ne pas avoir vécu. Les enfants sont placés, je vais te faire ma Linda de Suza. Je prends ma valise en carton et je me tire en appart à la ville. Je n'ai pas d'amant, pas eu le temps, mais il y a urgence à ce que je m'occupe de quelqu'un. De moi ! »

Le sexe

Dès le début : « T'es tout le temps crevé, angoissé, tu ne me regardes même plus. Y'a que ton troupeau qui compte. On a plus de vie intime. Je dois faire quoi pour avoir un peu de tendresse, me mettre à poil et aller me coincer la tête dans le cornadis ? »

Après quelques années : « Je le reconnais, t'es un bon technicien, rien à redire dans le suivi de ton troupeau. Très observateur, tu ne loupes jamais une vache qui demande à se faire saillir ! Si tu pouvais aussi avoir l'oeil quand tu rentres à la maison… »

Après de très longues années : « Tu n'as que ça à faire, regarder à la télé la plastique irréprochable de Carla Bruni ? Dis-toi bien que si son petit Nicolas avait fait le même boulot que toi, elle ne serait sûrement pas allée le rejoindre pour mouler, avec ses petites mains délicates, le fromage à la louche. On peut être amoureuse mais pas folle ! »

Si seulement le ministère de l'Agriculture pouvait, dans la réflexion sur la loi de modernisation, se rapprocher de l'avis de sociologues avisés. Peut-être prendrait-il conscience que la société est allée trop loin dans ses exigences vis-à-vis de l'agriculture.

ÉRIC CROUHY

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,4 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,21 €/kg net +0,06
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Jean-Michel Diard éleveur laitier dans le Maine-et-Loire

Des sols en bonne santé, même avec des Cive

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