Chez ces gens-là...

Complètement déconnectés des réalités quotidiennes des producteurs de lait, les politiques ambitieux, les professionnels du syndicalisme chasseurs d'indemnités, les techniciens embourgeoisés, les experts à géométrie variable multiplient les messages apaisants, encourageants, porteurs d'espoir. Chez ces gens-là, Monsieur, on ne fait pas face.

Non, Monsieur, on joue à cache-cache…

En politique, avec le résultat des Européennes, l'imposture s'intensifie. Victoire pour les uns, défaite pour d'autres. En regardant les chiffres de plus près, Barnier n'a rassemblé qu'à peine 7 % des inscrits, Verts et PS 4 % chacun. Les gagnants ne sont-ils pas ces sans-grade qui ont volontairement tourné le dos à ce scrutin de dupes ? Les états majors politiques les ignorent car, chez ces gens-là, on ne régresse pas. Non, on positive.

Côté FNSEA, on donne l'impression de chercher à faire diversion pour masquer le piètre résultat d'une négociation sur le prix du lait qui ne passe pas dans les campagnes. Et d'inventer un nouveau jeu : le blocage des centrales d'achats. Ça ne sert à rien mais ça occupe le gogo. On amuse la galerie. On raconte des blagues. Tous les moyens sont bons pour ne pas vous perdre et tenter de vous faire oublier la triste réalité de votre quotidien au cul des vaches. Car chez ces gens-là, Monsieur, on ne vous prend pas au sérieux. Non, on gère.

Et puis, il y a ces prédicateurs d'un monde meilleur. Ceux qui affirment après de très longues années d'études, que votre avenir se trouve bel et bien devant vous. Que le monde agricole est riche d'une formidable capacité d'adaptation. Traduisez : il en restera bien quelques-uns qui ne vont pas se casser la gueule. Avec cynisme, ces illusionnistes s'adressent toujours aux futurs survivants mais ne font jamais état des morts. Chez ces gens-là, Monsieur, on n'a pas d'état d'âme. Non, on se justifie.

Et puis il y a les autres, ceux dont le fonds de commerce est le conseil. Une idée enrichissante le conseil, surtout pour eux. Performance, gestion, génétique, fertilisation, alimentation… la liste s'agrandit aussi vite que votre revenu diminue. Chez ces gens-là Monsieur, on ne se trompe pas. Non, l'erreur, c'est vous.

Et puis il y a les pires, les bons élèves. On en a fait des snipers, des rapaces, des voraces. Ils se moquent de la politique, ne sont pas syndiqués, n'ont nullement besoin de conseils car ils ont tout compris des orientations de la Commission européenne et des incohérences de la FNSEA. Premiers pour les mises aux normes avec des subventions élevées, taux faible et coût de construction modéré. Les manifs, c'est pas leur truc. Pas le temps, ils bétonnent, creusent des fosses, posent des tapis, se robotisent… Ces agrimanagers nécrophages, ces Rambo ruraux aspirent à des jours meilleurs par élimination. Mais chez ces gens-là, Monsieur, on ne vit pas. Non, on mange son voisin.

Et il reste celui qui voit se profiler la fin de carrière. En 1983, il avait 400 000 l de quota et on le montrait du doigt, le désignant comme un nanti. Aujourd'hui, on le montre toujours du doigt tant son quota est rikiki. Il pensait partir fier du travail bien fait, transmettre son amour des vaches à des jeunes respectueux des animaux et fiers d'un beau métier. Il ne laissera qu'un amas de ferraille, des tonnes de béton, une génétique qui partira à la casse parce que peut-être que la période sera conjoncturellement défavorable à la production. Il sait que derrière lui, il laissera des veaux condamnés à crever faute de soins parce qu'ils valent moins cher qu'une bouteille d'antibiotique. Chez ces gens-là, Monsieur, on ne pense plus, non, on pleure.