
La grande majorité des producteurs a signé un contrat avec son industriel. Encore protégés par les quotas, certains n'ont pas franchi le pas. Comment abordent-ils l'après-2015 ? Enquête.
VOILÀ PLUS D'UN AN QUE LA CONTRACTUALISATION entre producteurs et industriels privés est en place. Les éleveurs se départagent désormais entre ceux qui ont signé le contrat proposé par l'entreprise et ceux qui ne l'ont pas signé. Il est certain que les premiers rassemblent la majorité des producteurs.
Néanmoins, les différencier de cette manière est trop simpliste. On peut décliner les signataires en trois profils. Soit ils sont adhérents à l'organisation de producteurs (OP) agréée ou en cours d'agrément liée à leur entreprise. Soit ils sont adhérents aux OP de bassins agréées France Milk Board Normandie, grand Ouest ou Sud-Ouest, d'émanation Apli. Soit, enfin, ils n'adhèrent à aucune OP. Difficile aujourd'hui d'évaluer le nombre de producteurs dans chacune de ces configurations. Fin août, on comptait 23 OP agréées pour 7000 producteurs, mais des dossiers d'agrément continuent d'être déposés. Parmi elles, les trois France Milk Board totalisent « environ 850 producteurs ». Pour peser davantage, elles viennent d'annoncer leur souhait de se fédérer en une association d'OP. Dans ce but, elles vont déposer une demande de reconnaissance en AOP.
Contractualisés ou non contractualisés, c'est de cette diversité de situations que dépend aujourd'hui l'accès aux rallonges de quotas et aux primes spécifiques de laiterie. Avec un constat rassurant : ceux qui sont sans contrat continuent d'être collectés.
SE PRÉPARER À L'APRÈS-QUOTAS
Une partie d'entre eux prévoyant d'arrêter le lait ne voit pas l'intérêt de s'engager. Qu'est-ce qui incite les autres à maintenir cette position envers et contre tout ? Les « sans contrat » que L'Éleveur laitier a interviewés critiquent l'absence de garantie d'un prix du lait minimum et des clauses déséquilibrées au détriment des producteurs. La plupart estime que la gestion des volumes lui échappe. Ceux qui défendent une régulation à l'échelle de la région, voire plus, ne se retrouvent pas dans le schéma mis en place, à savoir des discussions entre l'entreprise et ses livreurs. Tous sont conscients que le véritable enjeu est leur entrée dans l'après-quotas, le 1er avril 2015. S'ils ont la chance d'être implantés dans une zone laitière dynamique, certains n'hésitent pas à contacter les industriels qui mènent une politique plus conforme à leurs objectifs.
FRANCE MILK BOARD FAIT SON ENTRÉE
Logiquement, on retrouve dans les « sans contrat » des Aplistes qui ont adhéré à la France Milk Board de leur région. Leur regard se tourne aujourd'hui vers les responsables qui débutent les discussions avec les entreprises. Ils ont dans leur tiroir un socle national de dispositions générales qu'ils souhaitent décliner en un contrat unique par bassin. « Nous allons d'abord travailler à construire une convention de fonctionnement avec chaque laiterie, indique Denis Jehannin, président de FMB grand Ouest. Nous laissons de côté pour l'instant la question des contrats car certains de nos adhérents en ont déjà signé un. » Pour les FMB, c'est l'heure de vérité. Quel accueil leur réserveront les industriels ? Les considéreront-ils comme de véritables interlocuteurs aux côtés des OP composées uniquement de leurs fournisseurs, ou leur accorderont-ils au mieux une écoute polie pour ne pas froisser les OP déjà en place ? « Nous verrions d'un mauvais oeil la naissance d'une relation parallèle à la nôtre, reconnaît ce président d'OP entreprise. Les avancées que nous négocions doivent bénéficier à nos membres avec, en ligne de mire, la gestion des volumes après 2015, en lien avec l'entreprise. » Son OP a défini une convention de fonctionnement avec le transformateur tandis que les adhérents ont signé un contrat individuel. Avec ce type de montage, le succès de l'OP dépendra de sa capacité à négocier des avantages au profit des adhérents, en particulier un accès à des volumes supplémentaires ces prochaines années (voir aussi analyse p. 20). L'autre montage rencontré repose sur un contrat-cadre négocié et un contrat d'application que signe l'éleveur. Il incite davantage les producteurs à adhérer à l'OP. Le dispositif de Lactalis ou de Danone Basse-Normandie repose sur le premier. Celui de Bongrain, de Danone Haute-Normandie ou Nord, ou encore de Novandie sur le second.
LACTALIS : PEU DE DIFFÉRENCES
Sans contrat : selon Lactalis, les « sans contrat » représentent 8 % des producteurs. « Il est plus facile aujourd'hui de quitter Lactalis car nous n'avons pas signé l'engagement de cinq ans », estime l'un d'entre eux, implanté dans une région laitière dense. Observant des arrêts d'activité laitière dans des fermes au coeur de circuits de collecte, il espère que le phénomène jouera en sa faveur. « On sent que le ressort est cassé dans certaines exploitations. Les éleveurs qui veulent se développer pourront en profiter. »
Ces producteurs vivent deux restrictions. La première : les livraisons mensuelles sont payées en trois fois contre deux pour les contractualisés. La deuxième : les OP « Lactalis » ont obtenu que l'enveloppe des pénalités soit reversée aux seuls producteurs contractualisés. En juillet, août et septembre derniers, les « sans contrat » n'ont pas eu accès aux 4 €/1 000 l relatifs aux pénalités 2012-2013.
Hormis ces deux points, peu de différences de traitement existent aujourd'hui entre les deux catégories. Et chez les signataires, il n'y a pas de différence entre les adhérents et non-adhérents d'OP. Les 14 500 livreurs de Lactalis peuvent tous disposer de la rallonge de quotas que propose le groupe (10 % en 2013-2014). Seule condition pour les « sans contrat » : donner leur accord écrit à une pénalité contractuelle de 286,60 €/1 000 l pour toute livraison au-delà de l'allocation provisoire. Dans le cas contraire, ils subiront une suspension de collecte dès le dépassement de leur quota.
DANONE : PAS D'ASSURANCE DE COLLECTE À MOYEN TERME
Sans contrat : les éleveurs interrogés qui ne rentrent pas dans la démarche contractuelle indiquent que l'engagement de Danone à les collecter est renouvelé tous les ans le 1er avril par tacite reconduction.
« Dans le cas contraire, nous recevrons un courrier nous avertissant que nous ne le serons plus dans un an », confie cet Apliste qui est aussi actionnaire de la SA Faire France. « Face au succès du lait UHT sous cette marque, l'hypothèse d'une usine où je livrerais mon lait n'est plus irréaliste », projette-t-il.
Avec contrat : en Basse-Normandie, la contractualisation s'organise autour d'un contrat individuel. La quasi-totalité des 200 producteurs l'ont signé. En revanche, une soixantaine de producteurs ne sont pas adhérents de la future organisation de producteurs. Ces derniers n'ont pas reçu le courrier de Danone leur proposant une rallonge de 5 % pour 2013-2014. De même, il n'est pas prévu d'apporter un avenant à leur contrat consécutif à la revalorisation de 5 €/1 000 l des deux dernières tranches de la prime de régularité, obtenue par l'OP.
Dans le Nord, le contrat-cadre et le contrat d'application ne sont pas encore signés. Cela n'empêche pas les 710 éleveurs adhérents de la future OP de bénéficier de la rallonge de 5 %. Les quarante non-adhérents n'en profitent pas.
BONGRAIN : UN PRÉAVIS DE 24 MOIS
Sans contrat : s'ils continuent de produire dans un an, les « Bongrain » qui ne veulent pas signer le contrat individuel ou le contrat d'application attaché au contrat-cadre n'ont pas d'autre choix que de contacter les laiteries environnantes. Selon Bongrain, cela concerne un peu plus de 2 % de ses livreurs (3,5 % si l'on compte les producteurs qui vont arrêter le lait dans les prochains mois). En décembre 2012, il leur a notifié un préavis de vingt-quatre mois. Passé ce délai, « nous cesserons d'acheter votre lait sans formalité d'aucune sorte ni obtention ou droit à réclamation d'une quelconque indemnité de part et d'autre », écrit Bongrain.
D'ici là, ces livreurs ne bénéficient pas de la mutualisation nationale des volumes orchestrée par les OP, que ce soit pour les sous-réalisations ou les dépassements. Ils n'ont donc pas accès à la rallonge de quotas de 10 % cette année et risquent de payer une pénalité « maison » en cas de dépassement.
NOVANDIE : SIGNER SEUL SERA MOINS AVANTAGEUX
Avec contrat : le groupement agréé livrant à la laiterie Novandie de Vieil-Moutier (Pas-de-Calais) revendique 90 % des 235 exploitations de la zone de collecte. L'organisation de producteurs a signé le contrat-cadre en avril et ses adhérents vont recevoir incessamment la convention individuelle d'application qui en découle. Les non-adhérents recevront une proposition de contrat individuelle. La laiterie a d'ores et déjà annoncé que les conditions de ce contrat seront « moins avantageuses », sans davantage de précisions.
Elle entend ainsi privilégier une organisation collective pour poser les bases d'un vrai rapport commercial avec un interlocuteur bien identifié.
CLAIRE HUE ET JÉRÔME PEZON
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