
À l'évidence, Michel Roche, secrétaire général du SIGF (syndicat regroupant les fabricants d'emmental français) ne partage pas ce point de vue. Témoin : les réponses aux questions qu'appelle le droit de réponse que FrieslandCampina Cheese France nous a demandé de publier.
Le groupe Casino est-il ou non en cause quand il refuse de débaptiser ses tranchettes d'emmental MDD puisque, selon vous, ce produit ne respecte pas la définition de l'emmental figurant dans le décret fromages (les blocs pèsent 15 kg et font 9 cm de hauteur au lieu des seuils de 60 kg et 13 cm exigés) ? Ou est-ce l'importateur FrieslandCampina Cheese France ?
Michel Roche : La responsabilité juridique et pénale d'un produit sous marque de distribution incombe au distributeur qui est un professionnel responsable et informé. Il ne doit donc pas accepter de donner à un produit sous sa marque un nom qu'il saurait pertinemment ne pas pouvoir s'appliquer. Dans ce domaine, la jurisprudence est constante : le premier metteur en marché d'une MDD est le distributeur. Il est donc clair que si une MDD (Casino, Monoprix, Belle France…) met sur le marché français un produit qui ne respecte pas la dénomination emmental prévue au décret du 27 avril 2007, c'est seulement le distributeur qui est responsable au regard du droit français. Le fait que le distributeur soit une société de droit français ne fait que renforcer sa responsabilité.
En présence d'une marque de fabricant, la responsabilité du distributeur est moins engagée car il ne rédige pas un cahier des charges pour son fournisseur.
FrieslandCampina Cheese France, société importatrice implantée dans l'Hexagone, peut-elle se soustraire au décret fromages ?
M.R. : En Europe (UE), en l'absence d'harmonisation (pas de définition européenne), c'est la réglementation du pays de commercialisation qui s'applique et en l'absence de règles spécifiques dans ce pays, la réglementation du pays de fabrication peut être invoquée. C'est le double principe de reconnaissance mutuelle et de libre-circulation qui s'applique. Si les opérateurs économiques oeuvrent avec l'UE à l'harmonisation des règles, c'est bien pour faciliter les échanges dans le grand marché. Mais peu de produits laitiers ont une définition européenne, comme c'est le cas pour le beurre.
Des fromagers français sont gênés pour exporter leurs produits vers des pays de l'UE qui ont des dispositions réglementaires différentes de celles de la France. La jurisprudence emmental est claire. Dans une affaire jugée par le tribunal de Saint-Omer, un pré-emballeur français a été condamné en raison du non-respect du décret fromages. Cette société importait un « faux » emmental néo-zélandais. Dans ce cas, le jugement n'a même pas fait référence à la norme Codex sur l'emmental.
FrieslandCampina peut-il se soustraire à la norme du « Codex » (blocs d'un minimum de 40 kg) pour l'emmental qu'il exporte en France ?
M.R. : À supposer qu'on invoque, pour justifier la légalité du produit, la réglementation néerlandaise, force est de constater qu'elle n'est pas très précise en matière d'emmental et qu'elle ne fait que dire que les Pays- Bas s'engagent à respecter les normes du Codex.
Signalons que la jurisprudence européenne fait rarement appel au Codex. Dans l'affaire Guimont (emmental sans croûte), la Cour de justice européenne (CJCE) a surtout argumenté sur le fait qu'une réglementation d'un État membre (l'Allemagne) permettait la fabrication d'emmental sans croûte. Si elle était sollicitée pour trancher dans cette affaire, la CJCE aurait du mal à trouver dans la réglementation néerlandaise une disposition permettant la fabrication d'un emmental en blocs de 15 kg. Quand bien même les Pays-Bas avanceraient que dans leur droit fondamental « ce qui n'est pas interdit est autorisé », et invoqueraient donc les dérogations possibles à la norme Codex, celle-ci est suffisamment précise (dans son texte officiel en anglais) pour spécifier que la dérogation ne peut être valable que sur le sol néerlandais. Si les Pays-Bas voulaient l'étendre à l'UE, ils bafoueraient la norme Codex qu'ils invoquent.
Depuis le 1er janvier 1989, tout projet de réglementation technique d'un État membre doit être communiqué à Bruxelles et aux autres États membres. L'objectif est d'éviter trop de distorsion entre les réglementations nationales. Jamais Bruxelles n'a eu à connaître une modification du décret royal néerlandais d'octobre 1994. Quand la France a fait part de son projet de décret fromages, en 2006, elle n'a reçu aucune remarque ni des Pays- Bas ni de la Commission (qui en a fait sur d'autres sujets) sur la définition de l'emmental. L'absence de réaction peut s'interpréter comme une reconnaissance de la réglementation.
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