L'éditorial signé par le président de Lactalis a le mérite de donner un certain éclairage sur la stratégie du numéro un laitier français, traditionnellement très discret sur le sujet. L'Eleveur Laitier s'est procuré ce document qui n'était pas destiné à une large diffusion. Emmanuel Besnier ne mâche pas ses mots et dénonce « une politique agricole démagogique, menée de concert par une administration déphasée et un syndicalisme sclérosé ». Il fustige aussi la politique exclusive d'aménagement du territoire qui a empêché le développement d'élevages laitiers performants. La coopération, « qui n'a jamais rien prouvé en France sur le plan économique », est également durement attaquée. Le géant lavallois s'en prend clairement à un système de cogestion qu'il juge totalement inefficace et qui conduira la filière dans le mur s'il n'évolue pas. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois. Le porte-parole du groupe, Luc Morélon, insiste : « Il faut se poser des questions sur ce système de gestion, on sait depuis des années qu'il ne marche pas. »
L'État n'est pas épargné, et l'on mesure ainsi la fureur du groupe, évincé des débats autour de la reprise d'Entremont-Alliance : « Ils [NDLR : l'administration et le syndicalisme] refusent la création de leaders forts, capables de générer de la valeur ajoutée dans chacune des filières. »
Une politique qui décourage le développement des entreprises en France
Ces attaques en règle visent encore l'accord de juin 2009 sur le prix du lait : « Les considérations politiques ont imposé aux entreprises de payer un prix du lait supérieur de plus de 15 % à celui de nos principaux concurrents européens afin d'éviter toute réaction des producteurs. » Et cette volée de bois vert aboutit à une menace : « Les entreprises laitières françaises […] fermeront ou se délocaliseront, ce qui constituera autant de débouchés en moins pour les producteurs. »
On savait que la gestion très administrée à la française portait en elle le risque de casser la dynamique du développement de certains. C'est une évidence, les entreprises privées n'ont pas vocation à gérer l'aménagement du territoire. La lecture de cet édito montre qu'effectivement, pour Lactalis, la coupe est pleine.
Dans ces conditions, il n'est pas surprenant de ne trouver dans ce texte aucune phrase sur les objectifs de développement de Lactalis en France. « Le groupe dispose de nombreux atouts, mais n'est pas décidé à les gaspiller pour éviter cette lente dégradation du secteur agroalimentaire français. » En revanche, il réaffirme plus que jamais ses ambitions à l'international. Le chiffre d'affaires réalisé hors de France a triplé en dix ans pour atteindre 56 % aujourd'hui. L'objectif fixé est clair : réaliser les deux tiers de l'activité à l'international dans un futur proche.
Ces prises de position en forme de coup de gueule sont à méditer, notamment par ceux qui doutent de l'intérêt des coopératives. Lactalis, troisième groupe laitier mondial, est un fleuron de l'industrie laitière et la filière a beaucoup à perdre s'il se désolidarise de son action. Or, le ton de cet éditorial laisse penser qu'il est prêt à partir en guerre.
PASCALE LE CANN
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