Pourquoi prônez-vous des organisations de producteurs après 2015 ?
Jacques Jaouen : Il faut se projeter dans un monde sans quota. Si on ne crée pas un nouveau cadre, chacun produira comme bon lui semble. Une situation ingérable. La surproduction conduirait à une chute des prix qui se solderait par l'élimination de certains. On ne peut pas accepter ça. Nos parents ont su se développer par l'action collective. Nous devons suivre cette voie. Et il faut y réfléchir vite pour savoir où nous allons et anticiper.
En quoi ce type d'organisation a-t-il un intérêt, alors que le syndicalisme a déjà ce rôle de défense des producteurs ?
J. J. : À la différence du syndicalisme, l'OP est une organisation économique qui représente tout le monde. En s'organisant de cette manière, les producteurs suivront plus facilement les évolutions de marchés. Car pour avoir de la visibilité sur les volumes et les prix, il faut des informations. Ensuite, la production laitière a besoin d'une stratégie, au moins à l'échelle des grands bassins. On ne va pas se contenter d'attendre que les laiteries expriment leurs besoins en lait. Les représentants des éleveurs se retrouveront au sein d'associations d'OP, que j'imagine à l'échelle des bassins de production. Là, ils pourront décider, en fonction de la situation des marchés, d'augmenter ou de réduire la production, par exemple, ou de faciliter le dégagement des excédents à l'export. Ces idées de la chambre d'agriculture du Finistère ont vocation à être débattues. Il ne s'agit pas encore d'un projet ficelé. Mais on ne peut pas attendre d'éventuelles décisions de Paris ou de Bruxelles. À nous de nous prendre en main. Et il est bien évident que nous parlons d'une organisation pour l'après 2015, et pas d'une solution aux problèmes d'aujourd'hui.
Quel est l'intérêt des laiteries à s'engager dans ce genre d'organisation ?
J. J. : Elles ont besoin de visibilité sur leur approvisionnement. Nous les avons rencontrées. Les privés préfèrent pouvoir discuter avec des représentants de leurs livreurs plutôt qu'individuellement. Les coopératives se posent des questions car elles sont déjà organisées. Mais tous ont intérêt à ce que la filière anticipe la suppression des quotas.
Si le lait est moins cher chez nos voisins, les laiteries ne seront-elles pas tentées d'acheter chez eux ?
J. J. : J'espère que ce problème sera résolu avant. Combien de temps les Allemands peuvent- ils tenir au niveau de 2009 ? La France doit montrer aujourd'hui qu'elle prépare son avenir, et qu'elle arrête de gérer les volumes pour le compte de ses voisins. Si nous affichons notre volonté de revenir dans le marché en produisant notre quota, les Allemands comprendront que 2009 n'était qu'une parenthèse. Mais il est évident que pour se préparer à l'après quotas, on a beaucoup à faire aussi pour optimiser nos modes de production.
Ne risque-t-on pas d'entrer dans une guerre entre les bassins laitiers français, ou encore de retrouver les difficultés rencontrées par les GIE de collecte en période de crise ?
J. J. : C'est justement pour ne pas se retrouver dans le contexte des GIE de collecte que nous souhaitons une OP par laiterie. Chacun conserve son droit à produire. L'OP négocie sur la base d'un volume global avec la laiterie. Tout sera défini par contrat sur une durée suffisamment longue, ce qui implique des relations étroites entre les deux. Au final, cela sécurise tout le monde. Ensuite, les bassins de production ont des caractéristiques différentes. Les représentants des AOP se retrouveront au niveau national et il faudra que leurs stratégies soient concordantes. Dans les guerres entre bassins de production, on trouve toujours plus fort que soi. Alors que si on a la volonté de travailler ensemble, on peut trouver des solutions.
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