La France peut-elle continuer à limiter seule sa production laitière ?
Hervé Guyomard : La France n'est pas le seul État membre à ne pas faire son quota. À l'inverse, quatre pays d'Europe du Nord (Allemagne, Belgique, Danemark et Pays- Bas) ont fortement dépassé leur quota en 2008-2009 alors que notre pays s'achemine vers une nouvelle sous-réalisation de 9 % pour cette campagne. La particularité française est que la baisse de la collecte est tout autant le fruit d'une politique dite « du double zéro » (pas d'augmentation des quotas et pas d'allocations provisoires), que le résultat des comportements des producteurs. Une politique qui ne fait pas l'unanimité dans la filière car elle serait à l'origine de pertes de parts de marché à l'exportation et d'augmentations des importations. Cette politique aurait donc profité à nos concurrents européens. Dans le cadre d'un marché communautaire, il est dangereux qu'un État membre s'impose seul une régulation des volumes quand les autres ne suivent pas la même voie.
L'objectif était d'atténuer la volatilité des prix. Est-ce efficace ?
H. G. : Cela a contribué à freiner la baisse du prix du lait dans l'Hexagone. Mais cet effet stabilisateur a été affaibli par la hausse des importations en provenance d'autres États membres. La stratégie française de limiter la production n'est pas tenable dans le temps si elle est menée de façon isolée, a fortiori si d'autres pays européens encouragent les augmentations de volumes. Plus généralement, cela montre aussi que les acteurs du lait se sont trouvés fort démunis face à la crise, n'ayant d'autres solutions que le recours, au niveau européen, aux instruments traditionnels (en particulier les restitutions) et, au niveau français, à la maîtrise des volumes mais hélas sans que cette solution soit partagée par les pays voisins.
Peut-on imaginer un retour à une régulation européenne sur les volumes ?
H. G. : Cela n'est possible qu'à la condition de maintenir, voire renforcer, la protection aux frontières de l'UE. Je n'ai pas de pronostic sur l'issue des négociations à l'OMC. Mais il serait dangereux de parier sur un retour de la protection. L'Europe agricole doit se préparer à opérer dans un marché plus ouvert et aussi plus fluctuant. Par ailleurs, il n'y a pas de consensus au sein de l'UE pour une politique de maîtrise stricte des volumes. La Commission et plusieurs États membres préfèrent travailler à des solutions qui permettraient de tirer profit de la croissance de la demande mondiale des produits laitiers. Un retour à un contrôle strict de l'offre me paraît illusoire, si ce n'est dangereux dans une perspective dynamique. Il faut inventer un autre mode de régulation plus flexible que les quotas. C'est tout l'enjeu de la contractualisation.
Comment la contractualisation pourrait- elle amener de la régulation ?
H. G. : Toute la mécanique est à construire. Il faudrait commencer par renforcer, via leur « regroupement », le pouvoir de négociation des producteurs face aux transformateurs, en termes de volumes et de prix. Mais si le marché s'effondre, l'aval de la filière sera dans l'incapacité de respecter les engagements s'il n'est pas aidé. Il y a donc nécessité d'une intervention des pouvoirs publics. Celle-ci pourrait prendre deux formes : d'une part, un filet de sécurité avec des outils de dégagement des marchés en cas de crise aiguë et, d'autre part, une contribution budgétaire au financement d'assurances revenu. Une telle politique aurait pour objectif premier la stabilisation. Elle concernerait toutes les productions agricoles et ne saurait être envisagée qu'à l'échelle communautaire. Elle exige des ressources qui seraient prélevées sur les montants des DPU. Il reste à convaincre les partenaires européens du bien-fondé de cette politique. Il s'agit là d'un enjeu majeur des discussions budgétaires de l'UE pour l'après 2013 au risque, sinon, d'une forte diminution du budget agricole européen.
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