Les éleveurs de l'Ouest auraient-ils pu mieux faire face à la crise laitière ?
Jean-Marie Meule : L'Europe a décidé en 2003 de libéraliser le marché laitier européen. Sept ans après, force est de constater que les producteurs laitiers de l'Ouest ne s'y sont pas préparés. Certes, la bonne tenue des marchés jusqu'en 2009, dont la flambée des cours en 2007 et 2008, ne les a pas incités à entamer les adaptations nécessaires. Aujourd'hui, la filière laitière traverse une crise de la demande. L'économie mondiale perturbée et le scandale chinois de la mélamine ont déséquilibré les marchés. Face à une telle crise, la production n'a pas les cartes en main pour redresser la situation. La seule solution est de faire le gros dos, c'est-à-dire chercher à réduire les coûts de production. Cette position est difficile à tenir par les récents investisseurs. Dommage que le plan d'aide français ne les soutienne pas assez.
Les producteurs doivent-ils suivre un modèle plus industriel ?
J.-M. M. : Dans l'Ouest, le mouvement vers des structures de 500 000 litres à 1 million de litres pour 2 à 4 UTH est inéluctable. Il doit être mené rapidement pour gagner en productivité et ne pas se laisser distancer par nos voisins européens. Cette évolution répond également aux souhaits des producteurs : une meilleure organisation pour plus de temps libre. Pourquoi ne peut-on pas débattre de ce sujet aussi sereinement que je le fais là ? L'aborder, c'est déjà bâtir un programme pour demain. Arrêtons de dire que des fermes de 3 ou 4 UTH sont la fin du modèle familial et l'entrée dans une agriculture industrielle.
Les transformateurs n'ont-ils pas, eux aussi, à se remettre en cause ?
J.-M. M. : Il est urgent que les industriels, coopératives et privés, préparent l'après-quotas. Il n'y a plus beaucoup de temps pour y réfléchir et engager des investissements. Je suis persuadé que l'Ouest développera sa production. Les éleveurs l'ont démontré en l'augmentant de 15 à 20 % en 2007-2008. Ce développement ne pourra pas être uniquement assuré par le marché intérieur européen. Il faut que les entreprises de l'Ouest se préoccupent des débouchés à l'export, porteurs à moyen et long terme. Les opérateurs qui sauront relever ce défi et capter ces nouveaux marchés attireront les producteurs.
Coopérative de collecte, Agrial a-t-elle les moyens de relever ce défi ?
J.-M. M. : Agrial est arrimé à Bongrain. Sa filière lait collecte 500 Ml pour sa filiale, la Compagnie laitière européenne (CLE). Le groupe Agrial est prêt à s'engager davantage, à condition que ce partenariat repose sur un projet industriel et commercial. Nous en avons fait le thème central de nos discussions avec notre voisine, Elle-et-Vire, en vue d'un éventuel rapprochement. Elle collecte 400 Ml pour la CLE. Le premier travail consiste à définir le projet. Il faudra ensuite déterminer qui le financera et à quelle hauteur. Nous espérons que ces discussions aboutiront en 2010. L'objectif est de proposer des débouchés supplémentaires aux adhérents qui se manifesteront après 2015.
Le marché européen offre-t-il encore des perspectives pour l'après-2015 ?
J.-M. M. : Il présente des développements prometteurs comme les ingrédients à forte valeur ajoutée. Pourtant, le secteur laitier ne pourra pas s'affranchir d'une mise en phase de la production avec les besoins de la transformation. L'Ouest n'a plus vocation à fabriquer du beurre-poudre pour absorber ses excédents. Les grilles de paiement du lait ne seront pas un outil incitatif suffisant. Les éleveurs devront s'adapter davantage. Les transformateurs devront être également plus offensifs dans leur politique d'encouragement par un effort financier au service d'une meilleure régularité de la production. La filière doit mener cette réflexion.
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