En période de crise, toute idée qui vise à mieux coller le prix de base au mix-produits de l'entreprise est à prendre. Celle initiée en Basse-Normandie dans la filière des fromages sous AOP en est une. L'an passé, la fromagerie Gillot (Orne), leader de Camembert de Normandie (1 800 t sur 5 500 t), et l'Organisation de producteurs Gillot ont signé un contrat-cadre qui déconnecte une partie du prix de base des cotations internationales. « Les producteurs en AOP ne sont pas concernés par l'export. Le camembert de Normandie rayonne en France », dit Benoît Duval, président de l'OP.
Jusqu'en 2015, comme tous les producteurs bas-normands, la centaine de livreurs percevait un prix de base issu des indicateurs Cniel, auquel était ajoutée une prime relative au cahier des charges de Camembert de Normandie (voir p. 10). La prime perdure (un maximum de 50 €/1 000 l) mais depuis le 1er janvier 2015, 50 % de la formule de calcul reposent sur une valorisation AOP moyenne négociée à 340 €/1 000 l, fixés pour quatre ans. « Cela correspond à notre collecte qui est pour moitié transformée en AOP », indique Kévin Bouvry, le responsable des appros lait. Gillot collecte 51 millions de litres, dont 37 Ml potentiellement en AOP.
Un prix de base prévu à 315 € en 2016
Les 50 % autres de la formule utilisent les indicateurs de marché du Cniel. À un détail près, qui a son importance dans le contexte actuel : « L'OP et Gillot se sont accordées sur un prix plancher de 290 €/1 000 l en moyenne sur l'année. Il est activé en 2016, souligne Benoît Duval. L'effort sur les 340 € de l'entreprise se trouverait sinon dilué par l'effondrement du prix conventionnel. Un prix de base annuel sous les 300 € ne serait pas représentatif du travail des producteurs dont le cahier des charges n'est pas compatible avec la course aux volumes. » En période de crise, les adhérents de l'OP ont ainsi l'assurance d'un prix de base moyen à 315 €, « en fait, le prix de base conventionnel perçu en moyenne sur dix ans. »
Payer les efforts de maîtrise des volumes
Les producteurs qui se voient aujourd'hui empêchés par leur laiterie de produire plus, pour essayer de maintenir leur chiffre d'affaires, peuvent avoir une autre lecture de l'initiative de la laiterie Gillot : la rémunération de leurs efforts pour ajuster la collecte aux besoins de l'entreprise, limitant ainsi les excédents mal valorisés. « Nous avons ajusté les livraisons de lait AOP à nos besoins ces deux dernières années, confirme Kévin Bouvry. Ce système est aussi la contrepartie d'une maîtrise des volumes. »
Son concurrent Graindorge (Calvados), qui fait face à 20 % d'excédents en 2015, reprend la méthode mais l'adapte à sa situation. Le contrat-cadre signé le 14 mars avec l'OP définit trois classes de volumes : « AOP » (68 % en 2015), « non-AOP » (10 %) et «excédents ». Un pourcentage des volumes est défini mensuellement pour chacune. Sur la première est appliqué un prix fixe de 340 € en 2016, sur la deuxième 290 € et sur la dernière, les cotations beurre-poudre du Cniel.
CLAIRE HUE
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