Avec la bioélectronique, le troupeau est suivi à la loupe

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Bioélectronique des fourrages
Bioélectronique des fourrages : au niveau du silo, le pH objectif est inférieur à 4 et la température du front d'attaque ne doit pas dépasser 20 °C. (© J.Pezon)

Les experts Seenovia ont travaillé sur la validation ou l’intérêt d’un ensemble de mesures pour affiner le conseil. Des outils que les éleveurs peuvent aussi s’approprier sur le terrain.

Le concept de bioélectronique est une approche complémentaire de suivi du troupeau qui vise à déterminer l’état de vitalité (ou de maladie) des animaux par la qualité biologique des aliments. Elle repose sur des analyses physico-chimiques de solutions aqueuses : urine, bouses, lait, sang, jus de rumen et fourrages. « La valeur ajoutée de cette approche est d’objectiver par des mesures certains aspects zootechniques essentiels, comme l’accès non limitant à l’abreuvement et à la ration, le confort ou encore l’équilibre de la ration. Elle permet également de vérifier l’impact d’une action correctrice sur le métabolisme des animaux, explique Germain Néré, consultant nutrition chez Seenovia. Sa mise en œuvre sur le terrain demande une bonne organisation, une certaine technicité et une maîtrise de l’utilisation de plusieurs appareils spécifiques. »

réfractomètre
Bioélectronique du lait : la mesure du colostrum avec le réfractomètre est un moyen d'évaluer les bonnes pratiques de rationnement au tarissement. (© J.Pezon)

Le pH-mètre, un outil au quotidien

Ces équipements font partie de la boîte à outils des conseillers, que les éleveurs peuvent aussi s’approprier. « Pour un prix d’achat de l’ordre de 100 €, le pH-mètre est sans doute l’outil le plus intéressant, à condition de l’étalonner régulièrement, souligne le consultant. Les bandelettes de papier pH offrent des repères utiles, mais l’interprétation des couleurs est moins précise. »

Le pH traduit le taux d’acidité ou d’alcalinité d’une solution aqueuse. La mesure d’une eau d’abreuvement très acide peut ainsi expliquer un déséquilibre du rumen. La mesure du pH peut aussi servir à évaluer le bon dosage du peroxyde dans l’eau de lavage du robot de traite : un pH supérieur à 4,5 étant révélateur d’un manque de peroxyde. Le pH des bouses est un indicateur pertinent pour confirmer un défaut de valorisation de la ration : l’optimum se situe entre 6,5 et 6,8. Une valeur inférieure peut être mise en lien avec l’acidose ruminale. À l’inverse, un pH supérieur doit orienter les investigations vers une ration trop concentrée en azote total et/ou by-pass, un léger déficit d’énergie ou un excès de fibres peu dégradables.

Bioélectronique des urines : incontournable pour les prépa vêlages

La bioélectronique des urines est un outil incontournable pour le suivi des vaches taries en phase de préparation au vêlage, dans le cadre d’une stratégie d’acidification forte. Pour rappel, il s’agit d’un moyen de prévention efficace de l’hypocalcémie post-partum, par addiction de chlorures et de sulfates dans l’alimentation. Le recueil d’échantillon d’urine peut se faire sur miction spontanée ou provoquée (il suffit pour cela de gratter avec les doigts le dessous de la vulve de la vache).

lecteur de bioeléctronique Optium Xceed
Bioélectronique du sang : la mesure des corps cétoniques et de la glycémie avec le lecteur Optium Xceed, est un pratique que peut s’approprier l’éleveur dans le cadre du suivi de reproduction. (© J.Pezon)

La couleur est un premier indicateur : elle doit être jaune, claire et limpide. Une couleur foncée indique un défaut d’hydratation (ou une pathologie). La mesure du pH permet ensuite d’ajuster finement les apports de calcium et de sels anioniques. L’objectif : une valeur de 5,5 à 6, soit une Baca négative d’environ - 120 mEq pendant vingt-cinq jours précédant le vêlage. « Une ration à Baca négative doit s’accompagner d’une complémentation en calcium comprise entre 150 à 180 g/vache/jour, soit 1,2 à 1,5 % de calcium/kg de MSI. » Si le pH est inférieur à 5,5, il y a un risque de décalcification qui appelle à réduire les apports de chlorures et inversement lorsque le pH est supérieur à 6. Une pratique de préparation au vêlage plus classique, c’est-à-dire une acidification partielle avec un apport de 50 à 100 g de chlorure, correspond à un pH objectif de 6,5 à 7,5 (Baca entre - 50 et + 50 mEq), associé à une complémentation calcique de l’ordre de 50 g/VL/j. Pour les vaches en lactation, les repères sont différents : le bon équilibre digestif correspond à un pH de 7,8 à 8,3. En deçà, c’est le signe d’un dysfonctionnement rénal ou d’une Baca de la ration trop basse ; au-delà, d’un excès d’azote by-pass, d’urée (alcalose), ou de potassium.

Largement utilisé pour le colostrum, le réfractomètre sert également pour les urines. Objectif, de 5 à 8 Brix : au-delà, suspecter un défaut d’hydratation, un excès de sucre dans la ration (ou une pathologie) ; en deçà, un manque de sucre ou un excès d’hydratation. Pour rappel, concernant le colostrum, l’objectif est un minimum de 20 Brix. Des valeurs régulièrement inférieures doivent orienter vers un déséquilibre de la ration de préparation au vêlage : minéralisation, teneur en MAT insuffisante (14 %).

Qualité de l’abreuvement du troupeau

De la même manière, la mesure de la densité des urines est révélatrice de la qualité de l’abreuvement, en matière d’accessibilité, de débit ou d’appétence de l’eau. La bioélectronique du sang est une approche réservée au vétérinaire, ou à l’éleveur dans son troupeau, par exemple, dans le cadre d’un suivi de reproduction. Plusieurs mesures sont possibles : les corps cétoniques, la glycémie, le taux d’hémoglobine, d’hématocrite ou de calcium.

mesure des urines des vaches
Bioélectronique des urines : en plus du pH, la mesure de la densité des urines est révélatrice de la qualité de l’abreuvement. (© J.Pezon)

En début de lactation, le lecteur portatif de glycémie mesure le taux de BOH (ß-hydroxybutyrate) sanguin, révélateur d’acétonémie subclinique : en première semaine post-partum, le taux maximal de BOH est de 1,1 mmol/l ; en 3e semaine, de 1,4 mmol/l au maximum (tolérance plus élevée à l’approche du pic de lactation). Une teneur supérieure justifie alors une prise en charge par un apport curatif de propylène pendant deux à trois jours. Une teneur élevée en BOH associée à une situation d’hypoglycémie (glycémie < 40) oriente vers une acétonémie dite de type 1 : c’est la forme la plus fréquente, l’animal produit plus que ses apports ne lui permettent. Une teneur élevée en BOH couplée à une glycémie élevée (> 70) oriente vers une acétonémie de type 2, ou syndrome de la vache grasse, conséquence d’un surengraissement en fin de gestation.

Évaluer la vitalité de la flore du rumen au microscope

Toutes ces mesures permettent d’affiner l’expertise des données de production : évolution du lait/vache, courbes de production, TB/TP, ou profil en acide gras du lait. Elles ne dispensent pas d’un premier examen reposant d’abord sur l’œil humain : comportement, boiteries, état corporel, remplissage du rumen, pli de la peau, aliments non digérés dans les bouses, couleur des urines.

Bioélectronique des bouses : la mesure du pH est un indicateur pertinent pour confirmer un déséquilibre digestif, en complément du tamisage de bouse : l’optimum se situe entre 6,5 et 6,8. (© J.Pezon)

Pour aller plus loin dans la compréhension du profil de digestion, la bioélectronique du jus de rumen est une pratique réservée au vétérinaire. À partir d’un prélèvement avec une sonde œsophagienne, plusieurs mesures sont possibles : le pH, mais aussi la densité, corrélée à la teneur en Brix, révélatrice d’un déséquilibre entre énergie et azote. L’observation au microscope permet d’évaluer la qualité et la vitalité de la flore microbienne et en particulier la présence de protozoaires, un bon indicateur d’équilibre alimentaire. À l’aide d’un redox-mètre ou d’un bioélectronimètre, il est aussi possible de mesurer le potentiel d’oxydoréduction exprimé en millivolt. La concentration en électron du milieu traduit un état d’équilibre favorable à différents types de fermentations. « Ce type de donnée offre surtout un intérêt pédagogique pour valider les grands principes de la nutrition mais qui, prise seule, est insuffisante pour tirer des conclusions. Le redox est un indicateur plein de potentiel, mais encore difficile à intégrer au suivi en ferme en raison des difficultés d’exploiter les mesures pouvant être soumises à des pollutions électriques. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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