
Pour faire face aux aléas climatiques plus marqués et fréquents, les associés du Gaec de Brandéha, dans le Morbihan, misent sur la constitution de stocks au printemps et la meilleure valorisation du pâturage tout au long de l’année. Parmi leurs outils : deux troupeaux laitiers sur deux sites distants, et la monotraite.
C’est au début des années 2020 que le Gaec de Brandéha, à Allaire (Morbihan), décide d’ajuster sa stratégie sous l’effet de plusieurs facteurs. « Avec deux départs d’associés et l’installation de Benoît en 2022, nous nous préparions à passer de quatre à trois actifs, indique Sébastien Baron. Au même moment, nous avons eu l’opportunité de reprendre 50 hectares et le bâtiment d’une ferme voisine. Nous avons alors décidé de scinder notre troupeau laitier en deux et de réinstaller une salle de traite sur ce site où il y avait auparavant deux robots. C’était un moyen d’optimiser le pâturage et de réduire la mécanisation. »
Pour ces agriculteurs bio, conforter la surface de l’exploitation et mieux valoriser les prairies font partie des réponses aux effets du changement climatique. Membres d’un groupe d’éleveurs via la Fédération régionale des agrobiologistes de Bretagne (Frab), ils constatent collectivement l’allongement à la fois des périodes sèches et des périodes pluvieuses. « Avec la sécheresse de 2022, nous avons pris une grosse claque en maïs : notre rendement fut de 6 t de MS/ha en moyenne, contre 9 à 10 tonnes habituellement. Nous avions besoin d’atténuer les effets des aléas climatiques et de lisser davantage notre production fourragère dans le temps. Cette année-là, les prairies ont souffert elles aussi : nous avons perdu le trèfle, par exemple. Mais, quand les pluies sont revenues à l’automne, nous avons fait pâturer jusque mi-décembre et nous avons sauvé l’année.»
En monotraite, les vaches pâturent plus loin
En 2022, une trentaine de vaches déménagent donc de Brandéha à Belleville, où une salle de traite d’occasion de 2 x 7 postes est réaménagée sur la maçonnerie existante. Pour éviter d’augmenter la charge de travail, les éleveurs mettent en place la monotraite sur les deux sites : à Belleville le matin, à Brandéha le soir (2 x 5 postes). «Depuis, nous avons modifié cette organisation car les vaches traites le soir étaient plus nerveuses, précise Sébastien Baron. Deux trayeurs sont affectés à chaque site et alternent la traite du matin un jour sur deux. Cela nous laisse davantage de liberté pour organiser les après-midi. » Avec la monotraite, le volume de lait a diminué mais le chiffre d’affaires se maintient grâce aux taux élevés. En outre, la monotraite permet d’envoyer les vaches pâturer plus loin, et leurs besoins alimentaires sont réduits à « 13-14 kg de MS par jour au lieu de 15 kg », estime l’éleveur.
La mise à l’herbe des deux troupeaux laitiers se fait dès la fin janvier et les vaches restent dehors jusqu’en décembre quand les conditions le permettent. L’herbe pâturée représente 100 % de la ration entre fin mars et fin juin environ. « Il y a toujours un arrêt de pousse en été durant lequel nous apportons un complément au champ ou en bâtiment. Nous avons introduit de la fétuque élevée pour renforcer la productivité des prairies et améliorer leur résistance au piétinement et à la sécheresse. Elles restent vertes plus longtemps et leur redémarrage est meilleur à l’automne. Avec les deux troupeaux, nous valorisons mieux ces repousses d’automne par le pâturage. Nous introduisons aussi le brome sur les terres séchantes dans le but de prolonger le pâturage d’été. »
Densifier les prairies avec l’avoine
Afin d’améliorer encore le potentiel de leurs prairies, les éleveurs ont par ailleurs généralisé l’introduction de l’avoine : le mélange semé en un seul passage en octobre est composé de ray-grass anglais (8 kg/ha), fétuque élevée (8 kg/ha), trois trèfles blancs (5 kg/ha), trèfle violet (4 kg/ha) et avoine fermière (35 kg/ha). Il est adapté en fonction du potentiel des sols et de la valorisation envisagée, par exemple en ajoutant du pois (30 kg) et de la vesce (10 kg) pour une exploitation en fauche. Les objectifs sont d’occuper rapidement l’espace à l’installation pour concurrencer les adventices (la capselle bourse à pasteur a quasiment disparu) et de densifier les prairies pour augmenter leur rendement.
En cas de printemps sec, l’avoine constitue un couvert qui maintient l’humidité au sol et protège la prairie, qui décolle en production après la première exploitation de l’avoine. Et, en cas d’hiver humide, l’avoine joue le rôle de pompe à eau et protège la prairie de l’asphyxie. « Nous misons beaucoup sur le premier cycle de production afin de constituer des stocks d’enrubannage et de foin avec une bonne valeur alimentaire, souligne Sébastien Baron. Au deuxième cycle, c’est plus délicat car l’avoine fane rapidement. Pour l’enrubannage, nos chantiers ne dépassent pas 15, voire 12, hectares fauchés en quatre heures au maximum. Au-delà, nous constatons une différence importante de préfanage entre les premiers et les derniers hectares fauchés : une partie de l’herbe devient trop sèche. À l’automne, nous privilégions le pâturage à l’enrubannage car ce dernier est mal consommé. »
Pousse explosive du sorgho multicoupe
Les associés du Gaec de Brandéha ont également testé en 2022 et 2023 la culture du sorgho multicoupe comme interculture estivale à pâturer ou à récolter. Sur chacun des sites laitiers, deux hectares ont été semés en deux fois (1 ha vers le 10 mai puis 1 ha vers le 20 mai). « L’objectif est de faire pâturer le sorgho au fil avant une première fois en juin, puis une seconde fois sur les repousses en juillet, détaille Sébastien Baron. Avec deux hectares semés en décalé, cela donne une douzaine de jours de pâturage pour 40 vaches. L’idéal est d’entrer dans la parcelle quand le sorgho atteint la hauteur de 50 cm. En 2023, nous avons démarré à 60 cm et il était déjà trop tard : la pousse est explosive quand il fait chaud et il y avait trop de gaspillage. Il fallait passer au taille-haie pour pouvoir poser le fil avant ! Nous avons finalement maintenu la culture jusqu’en septembre pour l’ensiler avec le maïs. »
Après cette expérience, les éleveurs ne pensent pas renouveler le sorgho en 2024. Ils souhaitent plutôt expérimenter une autre piste. « Sur chaque site laitier, nous avons deux hectares de ray-grass d’Italie implantés en 2023 après une céréale, pour le pâturage, déclare Sébastien Baron. Nous nous posons la question d’effectuer un travail superficiel du sol au DynaDrive en mai, après le deuxième pâturage de printemps, pour semer un mélange de teff grass et trèfle d’Alexandrie. L’objectif de rendement est de 5 t de MS/ha comme un sorgho, mais ce sera peut-être plus facile à exploiter en stock sur pied jusqu’en juillet. »
Du côté des aliments concentrés, les associés misent sur le mélange céréalier triticale pois récolté en grains puis aplati à destination des génisses. Il est utile notamment au moment de la baisse de concentration en énergie de l’herbe en juin juillet.
La luzerne sur les terres séchantes
Si besoin, en cas de déficit fourrager, ce mélange peut aussi être récolté en ensilage : « Cela fait partie des leviers d’adaptation », considère Sébastien Baron. La féverole est cultivée en mélange avec de l’avoine, puis les graines sont triées après récolte pour produire d’une part la semence fermière d’avoine, et d’autre part un complément protéique d’hiver pour les vaches laitières avec les graines de féverole aplaties. « Nous cultivons aussi de la luzerne sur des terres séchantes, en association avec un peu de trèfle blanc et de trèfle violet, pour récolter du foin ou de l’enrubannage, signale Sébastien Baron. Cela équilibre les rations contenant du maïs ensilage, et conforte les stocks. Une année, nous avons récolté 11 t de MS/ha de luzerne, soit un rendement supérieur au maïs. »
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