Le sursemis de plantain peine à convaincre

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La restitution des travaux des CA de Lorraine a suscité l’intérêt des éleveurs lorrains pour une plante réputée plus résistante aux conditions sèches.
La restitution des travaux des CA de Lorraine a suscité l’intérêt des éleveurs lorrains pour une plante réputée plus résistante aux conditions sèches. (© A.Boulanger)

Les essais de sursemis de plantain fourrager en prairies naturelles suivis par les chambres d’agriculture de Lorraine se révèlent peu pérennes et sans réels effets sur la productivité estivale.

Les chambres d’agriculture de Lorraine ont mis en place, depuis l’automne 2019, des essais de sursemis de plantain fourrager chez des éleveurs de la région. Ces essais en conditions réelles s’inscrivent dans le cadre du programme européen Super G dédié à l’optimisation des prairies permanentes.

« La volonté de réaliser un suivi de cette espèce répond à la demande d’éleveurs d’avoir des retours d’expérience sur ses performances dans nos conditions pédoclimatiques, explique Amélie Boulanger, conseillère fourrages à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Un essai de chicorée avait été envisagé. Mais cette dernière a été abandonnée en raison d’un cycle de pousse très rapide (de 18 à 20 jours entre chaque exploitation) qui ne s’accorde pas avec celui des graminées pour qu’elle soit bien valorisée. »

Après une bonne levée, le plantain a peu à peu disparu

La variété Ceres Tonic a été sursemée en fin d’été 2019, dans des prairies permanentes dégradées (% de sol nu élevé), à raison de 5 kg/ha : « Une dose considérable puisque les recommandations sont de 1,5 kg au maximum, mais nous avons voulu sécuriser la levée dans des sols superficiels et souvent caillouteux. » L’idée était de regarnir ces surfaces en herbe sans trop de travail et ainsi renforcer leur productivité en saison estivale avec une espèce à racine pivotante capable de mieux résister au sec que les graminées, tout en tolérant des conditions plus humides. Cette fourragère offre également une bonne souplesse d’exploitation (elle reste digestible et appétente après floraison), elle est riche en tanins, minéraux et oligo-éléments. Mais, en l’absence d’équation Inrae, les valeurs alimentaires annoncées sont à prendre avec des pincettes : de 14 jusqu’à 22 % de MAT et 0,98 UFL au pâturage.

Pour sa troisième année d'implantation à Chenicourt (Meurthe-et-Moselle) le plantain comble quelques trous et apporte un effet vert à la prairie, mais la biomasse produite est très limitée. ( © A.Boulanger)

Suivant le sursemis, des relevés floristiques ont été réalisés pendant trois ans, avec dénombrement des pieds de plantain, observation de la proportion de sols nus et prélèvement pour analyses en 2022. « Une bonne levée a d’abord été observée sur l’ensemble des parcelles. Mais, le nombre de pieds est resté limité et a diminué au fur et à mesure du temps pour devenir quasiment nul dès l’été 2021 », analyse la conseillère.

Un problème de concurrence après la levée

En comparaison d’une parcelle témoin dite « sans plantain », il apparaît que le pourcentage de sol nu est toujours resté inférieur dans les parcelles sursemées. Mais la densité (pieds de plantain/m²) deviendra rapidement nulle. Sauf chez Valentin Maire, éleveur allaitant à Chenicourt (Meurthe-et-Moselle), où la plante s’est le mieux comportée dans des coteaux argilo-calcaires (voir graphique) : en été 2022, on a dénombré encore 12 pieds/m². « Il faut préciser que l’essai a été réalisé dans une parcelle où quelques pieds de plantain sont déjà naturellement présents, souligne l’éleveur. Mais, malgré le sursemis, la présence du plantain dans la prairie est trop limitée pour en améliorer la productivité en été ou y voir un effet sur le troupeau. » Pourtant, le semis de 5 kg par ha a été effectué dans un paddock de 50 ares avec le semoir spécialisé Vredo et dans de bonnes conditions – c’est-à-dire fin septembre, juste avant le retour des pluies, dans une prairie bien rasée limitant les effets de la concurrence, suivi d’un passage rapide du troupeau pour nettoyer le paddock et rappuyer la graine. « Le semis a bien levé, mais la prairie a aussi profité des conditions météo pour redémarrer rapidement ce qui a certainement étouffé un peu la jeune plantule. » Résultat : la production de la prairie n’est pas supérieure à la parcelle témoin, sauf lors de l’été 2021, plus humide.

Un gain alimentaire non significatif

La proportion de plantain étant limitée et la composition floristique de la parcelle évolutive au fil des saisons, les retours d’analyses alimentaires légèrement supérieures en été pour la parcelle « avec plantain » ne peuvent être imputés à cette seule espèce : 0,68 UFL et 13,8 % de MAT contre 0,65 UFL et 15,2 % de MAT pour la parcelle « sans plantain » en été 2020 ; 0,76 UFL et 13,7 % de MAT contre 0,73 UFL et 11,5 % de MAT en été 2021. « Il n’y a pas de gain de biomasse significatif avec le sursemis de plantain après trois ans de suivi, analyse Amélie Boulanger. Il apporte un effet vert à la prairie en été mais sans grand intérêt technique. En raison d’une implantation difficile ayant restreint le nombre de pieds, sa présence reste limitée et son apport sur la valeur alimentaire non significatif. Dans d’autres essais d’incorporation dans des prairies temporaires, il a aussi eu du mal à persister sous l’effet de la concurrence avec les espèces très productives. On peut d’ailleurs noter que le fort développement du trèfle blanc en 2022, à la suite d’une année 2021 très favorable, a eu plus d’impact sur la valeur alimentaire de la prairie. Ces essais vont dans le sens d’un sursemis de trèfle à petites doses régulières tous les trois ans. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

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