
Dans la Meuse, un essai d’ensilage de betteraves au printemps dernier a permis de valoriser des excédents de récolte et de prolonger la distribution d’un aliment très énergétique sans incidence sur la qualité du lait.
De retour dans la Meuse pour évoquer à nouveau le sujet de la betterave fourragère. Dans ce département, le choix d’éleveurs membres de l’ULM (Union laitière de la Meuse) de réimplanter cette culture dans leur assolement répond à deux enjeux : d’une part, sécuriser la production d’UFL/ha dans un contexte d’aléas climatiques à répétition pour les rendements du maïs ensilage et, d’autre part, répondre au cahier des charges de la collecte AOP brie de Meaux qui prévoit, pour les éleveurs ne disposant pas de 20 ares de pâture par vache, d’intégrer dans la ration au moins 2 kg MS de betteraves ou de pulpe. Après avoir intégré la betterave plante entière dans la ration des laitières, plusieurs éleveurs ont testé, au printemps 2022, l’ensilage des racines.
Un mélange à ensiler entre 30 % et 35 % de MS
Ce choix s’inscrit dans le contexte de la très bonne récolte 2021 : 20,1 t de MS par hectare de moyenne à 1,20 UFL par kilo de MS. Mais, comme la plante entière ne se conserve pas au-delà de quelques mois, fin mars, plusieurs éleveurs se sont retrouvés avec un surplus de récolte à valoriser.
Lionel Vivenot, le conseiller de l’ULM, propose alors de tester l’ensilage de racines préalablement nettoyées et hachées. « Avant la mise en silo, les pulpes de betteraves fraîches ont été mélangées à d’autres ingrédients, maïs grain broyé, ensilage de maïs épi ou pulpes de betteraves déshydratées, explique le conseiller. Il s’agit d’obtenir un mélange de 30 à 35 % de MS afin de minimiser les fermentations alcooliques, les pertes par les jus et de conserver les sucres. » Le conseil est ensuite de laisser fermenter l’ensilage pendant trois semaines avant de l’ouvrir en prenant soin de ne pas débâcher une trop grande longueur de silo pour éviter l’oxydation. « Il faut des silos de largeur et de hauteur modestes – de 4 à 6 mètres de large pour 1,20 mètre de haut, par exemple –, afin d’assurer un avancement de 10 à 15 cm par jour, soit 1 mètre par semaine pour limiter les problèmes de conservation et d’oxydation des betteraves. »

Le sucre propice à une bonne conservation
À Resson, à l’EARL de la Croix Castel, Philippe Collin a opté pour un chantier d’ensilage dans un silo couloir (voir photos). Producteur pour la filière brie de Meaux, il cultive les betteraves sur 4 à 5 ha, pour un troupeau de 70 vaches produisant 600 000 litres de lait. Les racines sont stockées à l’abri et chargées entières dans le bol mélangeur à raison de 2 kg de MS/vache/jour. « C’est une plante exigeante, notamment pour assurer une bonne préparation du sol en terrain lourd, souligne l’éleveur. Mais elle est très complémentaire de la luzerne pour sécuriser les stocks et l’amélioration de la santé et du TB payent la culture. » À l’automne 2021, l’éleveur obtient un rendement de 61 t/ha et se retrouve fin mars avec un excédent de 80 tonnes. Le chantier d’ensilage est assuré à l’aide d’un prestataire belge venu avec une machine gros débit conçue pour épierrer, laver, et hacher les 80 tonnes de betteraves avec un coût de 1 335 €. Pour la conception du silo, Philippe a d’abord étalé une couche d’enrubanné très sec afin d’absorber les jus, puis une couche de maïs ensilage et enfin la pulpe de betteraves fraîchement hachées sur 80 cm d’épaisseur.
Tassé et bâché sans conservateur, le silo sandwich est ainsi composé de 3 tonnes d’enrubanné + 40 tonnes de maïs ensilage + 80 t de betteraves, soit un volume de 140 m3 (880 kg/m3). « J’ai ouvert ce silo très dense après quinze jours et j’ai pu distribuer l’aliment tout l’été. Du fait de sa teneur en sucre, c’est un produit qui se conserve bien, je n’ai pas constaté de pertes. S’il a tendance à noircir et à sentir un peu l’alcool, il est très appétent. Il s’agit donc d’une bonne option, selon les années, pour valoriser des surplus. Néanmoins, le chantier est assez lourd, avec une machine qui a consommé pas moins de 14 m3 d’eau. »

Une journée de travail pour trois ou quatre personnes
À Richecourt, au Gaec de l’Ouest, Alexandre Couchot n’est pas en collecte AOP, mais il a opté lui aussi cette année pour un silo couloir. Ici, la betterave fourragère remplace une partie du maïs dans la ration des 290 laitières. Elle est cultivée sur 7 ha, avec des rendements qui oscillent entre 45 et 65 t/ha dans des terres argilo-calcaires superficielles. Malheureusement, cet automne, d’importants dégâts de cervidés ont fait chuter la récolte à 30 tonnes. Au mois de janvier, les betteraves passées à la déterreuse puis hachées grossièrement à la mélangeuse ont été associées à 55 % de maïs ensilage et du conservateur dans un silo de 2 mètres de haut et 5,5 de long fermé pendant quinze jours. « C’est une première expérience concluante. Je distribue cet aliment depuis trois mois sans impact sur les butyriques. Mais c’est aussi un gros chantier : une petite journée de travail à trois ou quatre personnes pour 200 t de betteraves. »
Avec 25 ha consacrés au maïs épi, Alexandre projette dès cette année de refaire un silo à la récolte. « Je pense recouvrir un silo rempli à mi-hauteur de maïs épi, avec de la betterave nettoyée et hachée. Un silo qui est ouvert d’avril jusqu’à la récolte suivante, pour maintenir un apport de 5 à 6 kg bruts de betterave toute l’année, une source d’énergie sans amidon avec des effets positifs sur la santé du troupeau. »
Compte tenu d’un rendement de 30 tonnes ou 6,5 t de MS/ha, le coût total de la betterave ensilée s’élève à 369 €/t de MS (mécanisation de la culture, charges opérationnelles, récolte et chantier d’ensilage, main-d’œuvre comprise). Il passe à 185 € pour un rendement de 60 t/ha. À titre de comparaison, les coûts de production moyens (rendu silo) dans la Meuse sont de 130 €/t de MS pour le maïs ensilage, ou 200 € pour l’ensilage de maïs épi.
Absence de pathogènes et de butyriques dans le lait livré
Parmi les retours d’expérience, d’autres modalités ont été mises en œuvre : des betteraves lavées et hachées, ensilées dans un silo couloir mélangées à du maïs épis et de la pulpe de betterave déshydratée ; la mise en silo boudin d’un mélange de 50 % de betteraves déterrées et hachées, avec 50 % de maïs ensilage ; un chantier de betteraves lavées et hachées (70 %), mélangées à de la farine de maïs grain (30 %) et ensilées en boudin.
Ces ensilages ont fait l’objet d’analyses des pathogènes et des butyriques, aspects sensibles pour la collecte en brie de Meaux. « En matière de pathogènes, nous constatons l’absence de listéria et de salmonelle dans le fourrage, indique Lionel Vivenot. On trouve quelques fois des staphylocoques et Escherichia coli, mais toujours en dessous des seuils. Et, surtout, il n’y a pas de pathogènes détectés dans le lait livré par les élevages utilisateurs et les analyses de spores butyriques dans le lait sont toujours restées inférieures à 800 spores. » La prise d’échantillons s’avérant difficile en raison du hachage et d’une répartition hétérogène, il n’y a pas d’analyses alimentaires de ces mélanges.
L’Europe cède sa place à l’Amérique du Sud sur le marché des broutards au Maghreb
Au Gaec Heurtin, l’ensilage de maïs 2025 déçoit avec seulement 9 t/ha
John Deere, Claas, made in France… À Innov-Agri, il pleut aussi des nouveautés
Maïs fourrage : « Un silo mal tassé monte rapidement à 15 % de freinte »
Le marché du lait Spot s’agite avec la rentrée
« Pas d’agriculture sans rentabilité ! », rappelle la FNSEA
Facturation électronique : ce qui va changer pour vous dès 2026
Quelle évolution du prix des terres 2024 en Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
La « loi Duplomb » est officiellement promulguée
L’Iddri suggère de briser « l’ambivalence » des chambres d’agriculture en matière de transition agroécologique