Au sud de la Loire, le tournesol pour remplacer une partie du maïs ensilage

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Zéro irrigation. C’est l’intérêt de la culture de tournesol. Les variétés sur le marché sont sélectionnées pour une graine riche en huile. Son utilisation en ensilage nécessite un travail génétique pour développer le type fourrager, comme cela a été fait pour le maïs.
Zéro irrigation. C’est l’intérêt de la culture de tournesol. Les variétés sur le marché sont sélectionnées pour une graine riche en huile. Son utilisation en ensilage nécessite un travail génétique pour développer le type fourrager, comme cela a été fait pour le maïs. (© Agrial)

Sécheresse. Substituer une partie du maïs ensilage par l’ensilage de tournesol est une piste prometteuse, mais qui demande encore des explorations. La coopérative Agrial l’a testée chez deux adhérents.

Tous les esprits sont encore marqués par le champ de bataille fin mars à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, autour de la grande bassine en cours d’aménagement. Entre consommation agricole, industrielle et humaine, le débat sur l’eau ne fait que commencer. Les sécheresses et canicules à répétition vont devenir notre lot commun. En France, déjà sensible à cette problématique, le sud de la Loire est particulièrement concerné. Depuis 2020, Agrial mène des essais sur l’ensilage de tournesol en substitution partielle du maïs ensilage dans les rations laitières. Le tournesol n’a pas besoin d’être irrigué. « Ce n’était pas ce qui nous guidait lorsque nous avons débuté, précise Philippe Laulhé, responsable technique nutrition ruminants du groupe coopératif. Le nouveau cahier des charges de l’appellation d’origine protégée Charentes-Poitou intégrant une alimentation du troupeau sans OGM, nous voulions explorer des solutions fourragères pour une plus grande autonomie protéique des élevages laitiers. La plante récoltée entière riche en énergie nous a très vite orientés vers un remplacement partiel du maïs. » En 2020, l’itinéraire technique du tournesol non irrigué est testé dans deux exploitations laitières de Loire-Atlantique et des Deux-Sèvres au niveau d’étable identique : juste sous les 9 000 litres par vache.

Première distribution aux vaches durant l’hiver 2021-2022

En 2021, l’essai est reconduit et complété. L’ensilage de tournesol est distribué l’hiver aux deux troupeaux à raison de 3 kg de MS/vache/jour durant deux mois, avec une transition alimentaire avant et après. « Les analyses montrent une teneur élevée en matière grasse : 17 % à 19 % de la matière sèche de l’ensilage de tournesol. Il n’a donc pas été apporté plus pour ne pas dépasser les 4,5 % à 5 % de teneur en matière grasse totale de la ration fournie aux laitières, indique Philippe Laulhé. Au-delà, les fermentations ruminales sont perturbées. » L’ensilage de tournesol rentre dans une ration fourragère de 9 à 10 kg de MS de maïs ensilage et de 4 à 5 kg de MS d’ensilage d’herbe.

Attention à la chute des taux

Ne voulant pas s’arrêter en si bon chemin, un des deux éleveurs (encadré) a décidé cet hiver de poursuivre l’expérience mais en réduisant sa part à 2 kg de MS/vache dans la ration, toujours durant deux mois. « L’ensilage de tournesol testé durant l’hiver 2021-2022 est bénéfique sur la production laitière, pas sur les taux, qui chutent. L’apport de 3 kg de MS dans les deux élevages augmente le lait de 4,3 kg/vache/jour mais le TB décroche de 5,4 g/kg dans l’un et de 7,5 g/kg dans l’autre. » Idem pour le taux protéique : -3,9 g/kg et -3,2 g/kg. Le phénomène de baisse du TB est bien connu et est lié au profil des acides gras. Selon les analyses, l’acide linoléique, acide gras long poly-insaturé, compose 70 % d’entre eux. « La mamelle a la capacité d’ajouter des atomes de carbone aux acides gras à chaînes courtes. Plus elle réalise d’élongations, plus elle fabrique de la matière grasse. À l’inverse, les acides gras longs entraînent un rétrocontrôle sur l’élongation des acides gras, ce qui entraîne une plus faible synthèse et la baisse du TB », décrypte Benoit Rouillé, de l’Institut de l’élevage. Sans doute par un effet de dilution, l’augmentation de la production participe-t-elle aussi à la baisse du TB, tout comme celle du TP. D’ailleurs, cela se retrouve dans la production corrigée à 40 de TB et 33 de TP : +1 kg et +1,6 kg/vache/jour dans les deux élevages durant les deux mois de test, soit une marge sur coût alimentaire de +0,17 € et +0,23 €.

© Agrial - La culture se récolte avec l’ensileuse à maïs mais avec des couteaux serrés de 2 mm supplémentaires par rapport à ce qu’on ferait en maïs. Il faut être très réactif car en une semaine, la teneur en matière sèche peut gagner 10%.

2 kg de MS par vache, et non 3 kg

Dans l’élevage qui a reconduit cet hiver le test, l’abaissement à 2 kg de MS d’ensilage de tournesol confirme le phénomène, tout en lissant les amplitudes. « Comparé à la ration témoin distribuée le mois précédent, le lait progresse de +3 kg, soit un kilo de moins qu’en 2021-2022 tandis que le recul des TB et TP est limité tous deux à 3 g/kg, constate Jacques De Launay, responsable expérimentations d’Agrial. Il fait l‘hypothèse d’une moindre perturbation du rumen par une plus faible teneur en matière grasse de la ration. « En plus de sa quantité réduite de 3 kg à 2 kg de MS dans la ration, le tournesol ensilé en 2022 est beaucoup moins riche en matière grasse : 7,5 %. Grâce à nos essais, la variété (Milos) a été repérée sur ce critère et sur sa capacité à produire de la biomasse. Elle a été choisie pour ces deux raisons en 2022 et 2023. » L’éleveur renouvellera l’expérience des 2 kg de MS/vache l’hiver prochain. Dans ce but, il sème 3 ha cette année.

Le manque de recul impose la prudence

Philippe Laulhé et Jacques De Launay estiment la piste du tournesol prometteuse mais le manque de recul impose tout de même de la prudence. « Au vu des effets sur les taux et des variétés habituellement utilisées pour la graine, distribuer un tel fourrage en hiver demande un pilotage fin, en collaboration avec un nutritionniste. »

4 conseils pour cultiver et ensiler

  1. Dans les terres à moins de 12 de MS/ha de maïs. Remplacer le maïs par le tournesol est cohérent là où le potentiel de rendement du maïs est faible, c’est-à-dire inférieur à 12 t de MS/ha. « Le tournesol a le grand avantage de pouvoir se passer d’irrigation, rappelle Jacques De Launay. Les rendements obtenus entre 2020, 2021 et 2022 varient entre 5 et 10 t de MS/ha. La fourchette basse renvoie à l’été caniculaire, dans des sols moins favorables. » L’autre alternative à la substitution du maïs ensilage est le sorgho. « Mais il nécessite au moins un tour d’irrigation et son implantation est plus compliquée que le tournesol », estime Jacques De Launay.
  2. Des variétés tardives. Elles permettent d’ensiler une plante la plus verte possible pour une digestibilité maximale. Les variétés précoces produisent moins de biomasse. Côté semis, il s’intègre bien dans le calendrier du maïs. Il peut être semé juste avant. « À condition de changer les disques pour s’adapter aux graines plus petites, on peut utiliser le semoir à maïs pour une densité de 75 000 graines/ha. » Au-delà, il y a un risque de verse. « Un interrang de 75 cm présente l’avantage de recourir au binage quand les conditions climatiques le permettent. » Afin d’optimiser le rendement, l’idéal est d’utiliser un semoir de précision pour un interrang de 40 cm et 80 000 à 85 000 graines/ha.
  3. Ensilage : dans le tempo du maïs. La culture se récolte avec l’ensileuse à maïs, en veillant à serrer un peu plus les couteaux afin de trancher correctement le capitule et faciliter ainsi le tassage de l’oléagineux. « On peut les serrer de 2 millimètres supplémentaires par rapport au maïs. » L’expérience montre qu’il s’ensile juste avant le maïs, ce qui permet d’envisager un chantier sur deux jours, en commençant par le tournesol et un silo qui lui est spécialement dédié. Il faut être très réactif car le taux de matière sèche peut gagner 10 % en une semaine. Le repère de stade de récolte est un capitule noir, bien formé, et le col-de-cygne jauni. Dès que les deux à trois premières feuilles en partant de la base vieillissent, il faut récolter. Au-delà, la plante commence à se lignifier. Il est impératif d’ajouter un conservateur pour éviter l’oxydation des acides gras.
  4. Trèfle violet sous couvert. Agrial veut explorer cette piste en semant la légumineuse juste après, de manière perpendiculaire et en surface. Il faut des terres qui se ressuient bien pour éviter ou limiter les ornières en conditions humides de récolte de l’oléagineux. Sinon, la fauche du trèfle violet plusieurs semaines après à l’automne s’en trouvera compliquée. « Cela permet 10 à 12 t de MS/ha la première année et une parcelle de trèfle violet l’année suivante. »
Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
Philippe Bernhard à droite et Hervé Massot président et DG d'Alsace Lait

Alsace Lait a besoin de lait pour ses ambitions régionales

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