
En un an, le prix de la tonne de soja a gagné plus de 100 € pour dépasser le seuil historique de 400 €. Aujourd'hui, les opérateurs attendent une baisse éventuelle, l'oeil rivé sur les cotations. Pour les éleveurs, il n'y a pas d'urgence à acheter.
LA FLAMBÉE DU PRIX DU TOURTEAU DE SOJA va-telle continuer ? À voir l'évolution des cotations depuis un an, il y a de quoi s'interroger. Car l'impact sur les trésoreries comme sur les coûts de production est loin d'être négligeable. Avec un prix du lait qui tend à baisser, les éleveurs ont intérêt à réduire le montant de la facture du soja pour l'hiver prochain. Ce qui ne semble pas gagné si les prix continuent de passer allègrement la barre des 400 €/t.
Les besoins sont souvent plus limités en été, ou alors les éleveurs sont déjà approvisionnés. La question est de savoir s'il vaut mieux acheter aujourd'hui pour l'hiver prochain ou attendre l'automne avec l'espoir que les prix baissent. « Il est très difficile de faire des prévisions de prix à moyen terme », précise Stéphane Saillé, chef de produit nutrition à BCEL-Ouest. Mais selon lui, le marché devrait rester tendu, avec des prix plutôt élevés, c'est-à-dire voisins de 400 €/t.
Car les stocks sont serrés et la demande soutenue de la Chine, qui pèse sur les cours depuis plusieurs mois, devrait se maintenir. En 2011-1012, la Chine a acheté 55,5 millions de tonnes de soja, soit le quart de la production mondiale. C'est deux fois plus qu'il y a quatre ans. Cette demande en protéines s'explique par le développement économique du pays et l'évolution des modes de consommation. Pour produire la viande ou les produits laitiers recherchés par la population, la Chine importe les matières premières qu'elle ne peut pas produire faute d'une surface suffisante.
On retrouve cette même hausse de la demande en protéines dans d'autres pays émergents, notamment au Brésil ou en Inde. Même si elle peut fluctuer temporairement, elle restera structurellement élevée dans les prochaines années. Le ralentissement de croissance économique observé actuellement en Asie n'affecte vraiment pas cette demande.
Des facteurs conjoncturels viennent s'ajouter à la tension : la sécheresse en Amérique du Sud et du Nord, mais aussi la concurrence sur les surfaces avec les cultures énergétiques. Et les spéculateurs, attirés par les bénéfices potentiels, peuvent également accentuer les mouvements.
À PLUS DE 400 €/T, LE PRIX EST PROCHE DU PLAFOND
Néanmoins, Stéphane Saillé pense que les tarifs actuels sont proches du plafond. « Sauf en cas de catastrophe aux États- Unis, entraînant une chute de la production, la poursuite de la flambée est peu probable. » Il constate que les opérateurs sont attentistes. Ils ne se couvrent pas pour les prochains mois, comme s'ils misaient sur une détente. Tous surveillent de près les informations sur la future récolte américaine. Attendue en octobre, elle sera déterminante pour l'évolution des prix à l'automne. D'ici là, les cotations devraient rester assez stables. La plupart des éleveurs comme les fabricants d'aliments sont encore couverts par des contrats antérieurs à des prix plus raisonnables. Les acheteurs restent peu actifs et ils proposent peu de contrats. Selon ODA (Offre et demande agricoles), ceux-ci se situent à 410 €/t au départ de Montoir (Loire-Atlantique) pour une livraison entre novembre 2012 et mai 2013. Cela correspond à un prix livré sur un élevage breton autour de 440 € pour un camion de 25 t.
Néanmoins, ceux qui ont de gros besoins peuvent avoir intérêt à se couvrir partiellement pour l'hiver prochain.
« Il faut surveiller les marchés afin d'être réactifs. Des sites internet comme ODA (www. oda-agri.fr) ou La France Agricole (www.lafranceagricole.fr) donnent des chiffres et des analyses quotidiennes », conseille Stéphane Saillé. Il faut suivre aussi l'évolution de la parité euro/dollar, car le soja se paie en billets verts.
Un éleveur qui achèterait aujourd'hui l'équivalent de 15 à 20 % de ses besoins au prix de 410 €, ne perdrait pas grand-chose si la cotation chutait de 30 € d'ici à l'automne. Mais avec un risque limité de forte hausse d'ici à la fin de l'année, il n'y a pas d'urgence à acheter.
LES CONTRATS PROTÈGENT DES FLUCTUATIONS
Pour la suite, l'achat sous contrat de six mois présente l'avantage de se mettre à l'abri des fluctuations. Cette pratique permet aussi à l'éleveur de savoir où il se situe pour plusieurs mois sur un poste important du coût de production. Mais cela suppose de disposer d'un bon niveau de trésorerie. Car l'unité d'achat est le camion de 25 t (10 500 € pour un tarif à 420 €/t).
En revanche, compte tenu de la difficulté à prévoir les évolutions des marchés, Stéphane Saillé déconseille les contrats à douze mois. L'autre solution pour se protéger contre des variations de prix de cette ampleur réside dans la recherche de produits de substitution. Les fabricants d'aliments proposent des correcteurs azotés incorporant des sources d'azote moins chères, telle l'urée, qui conviennent en complément de l'ensilage de maïs. Ce produit est nettement moins adapté pour les rations à base d'herbe. Le tourteau de colza offre une autre piste, même si sa cotation suit celle du soja. Il est passé de 190 €/t en février à 270 €/t en juin.
Dans l'immédiat, les éleveurs doivent surtout éviter de gaspiller le soja. Ce qui suppose de bien équilibrer la ration en énergie et protéines afin de tirer le meilleur profit de ce qui est acheté. « Plus que jamais, cette année, il faut profiter des protéines produites sur l'exploitation, dans l'herbe notamment », insiste Stéphane Saillé. À plus long terme, l'autonomie en protéines est une question de fond qui se pose à l'échelle de l'exploitation comme des filières. Car, même s'il connaîtra encore des fluctuations, le marché restera tendu.
PASCALE LE CANN
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