« J'AI SUBSTITUÉ LA LUZERNE ET LE MAÏS ÉPI À L'ENSILAGE DE MAÏS »

PHOTOS © JÉRÔME PEZON
PHOTOS © JÉRÔME PEZON (©)

Dans un contexte agronomique favorable à sa mise en culture, la luzerne, complétée par du maïs épi broyé et ensilé, s'avère plus économe mais aussi plus gourmande en surface que la ration composée exclusivement de maïs ensilage.

SOUCIEUX DE RÉDUIRE UN COÛT ALIMENTAIRE supérieur à la moyenne des groupes Écolait internes à la coopérative laitière ULM, Sylvain et Lucien Philippe ont fait le choix d'une évolution radicale de leur mode de rationnement : l'abandon de l'ensilage maïs en tant que constituant unique de la ration de base, au profit de la luzerne ensilée. C'est en 2008 que les frères sement 17 ha de luzerne. « Cette option a été rendue possible par le remembrement qui a abouti au regroupement de 86 ha à proximité de la ferme, explique Sylvain. Cette situation permettait d'envisager plus sereinement l'organisation de la récolte répartie en quatre coupes qui, en été, peuvent s'intercaler avec la moisson. ».

Autre avantage structurel déterminant, des terres argilocalcaires adaptées, comme en témoignent les rendements de 10 t de matière sèche par hectare (MS/ha). La luzerne est semée mi-août, derrière céréales, à une dose de 20 kg/ ha de semences inoculées et associées à un antilimace. Le semis est roulé et la parcelle désherbée en sortie d'hiver la première année. Tous les ans, 180 unités de potasse sont apportées en sortie d'hiver. Pour optimiser la valeur du fourrage, la fauche a lieu au stade début bourgeonnement. Les éleveurs ne suivent pas la recommandation qui consiste à réaliser chaque année une coupe au stade pleine fl oraison, pour permettre à la luzerne de reconstituer ses réserves au niveau de son système racinaire. Par conséquent, elle n'est implantée que pour trois ans. « Nous avons constaté une forte baisse de rendement la quatrième saison à cause du salissement. »

La présence en Cuma d'une faucheuse conditionneuse combinée et d'une andaineuse, qui autorisent une largeur de travail de 9 m et surtout un débit de 8 ha/heure, allège considérablement le poids du chantier d'ensilage. La première coupe est réalisée début mai, dès l'apparition d'une fenêtre climatique de trois jours de beau temps : après la fauche, le fourrage ressuie 24 heures au sol avant d'être andainé et récolté par l'automotrice de l'ETA le troisième jour. « L'objectif est d'ensiler entre 35 et 40 % de MS. En période estivale, il faut être vigilant car la luzerne sèche très vite. Les deuxième et troisième coupes se concentrent donc sur deux jours, après un temps de repousse de six à sept semaines. »

« LE DÉFICIT D'ÉNERGIE EST CORRIGÉ PAR LE MAÏS ÉPI »

Les conditions climatiques à la récolte sont à l'origine de valeurs d'ensilage irrégulières : ainsi, le printemps humide 2012 n'a pas permis de récolter au-delà de 27 % de MS, tandis que la troisième coupe révèle 60 % à l'analyse. « Nous appliquons systématiquement un conservateur bio et n'observons pas de problème de conservation. Mais la variabilité du fourrage impose de réaliser une analyse pour caler sa ration avec précision. » Les analyses de l'exploitation révèlent des valeurs de 0,75 à 0,80 UFL pour 18 % de MAT en moyenne (15 à 25 %). Au regard de ces résultats, maintenir les performances laitières avec la luzerne implique de renforcer la densité énergétique de la ration. L'ensilage de maïs épi broyé répond à cet enjeu : c'est un aliment énergétique (1,08 UFL, 61 g de PDIN et 98 g de PDIE), récolté à 35 % d'humidité avec une ensileuse munie d'un bec cueilleur.

« L'INTÉRÊT DANS LA ROTATION RESTE À MESURER »

« Grâce aux rafles, le maïs épi broyé présente l'avantage d'apporter la cellulose favorable à une bonne ingestion », souligne Francis Pizel, conseiller élevage de l'ULM. La ration complète, équilibrée à 32 kg de lait, se compose de 8,5 kg de MS d'ensilage d'épis de maïs + 9,5 kg d'ensilage de luzerne à brins courts + 2,5 kg de drêches de blé sèches + 1,5 kg de tourteaux de colza. Ainsi, calée à 0,95 UFL et entre 105 et 110 g de PDI/kg de MS, elle autorise une production de 8 360 l/VL à 33,5 de TP et 39,1 de TB. « Pour obtenir cette concentration en PDI, l'apport de concentré protéique doit être maintenu, dit l'éleveur. Dans ce cas, nous avons privilégié le rapport qualité/prix de matières premières locales. »

L'analyse des charges, réalisée par le conseiller, révèle un coût de production de l'ensilage de luzerne de 923 €/ha, soit 92 €/t de matière sèche sur la base d'un rendement de 10 t/ ha (charges opérationnelles + charges de structure affectées, main-d'oeuvre comprise). Bien que les frais d'implantation de la luzerne soient amortis sur trois ans, la fauche et l'andainage pèsent sur son coût d'exploitation. Le coût du maïs épi broyé et ensilé est de 802 €/ha, soit 89 €/t de MS en tenant compte d'un rendement moyen de 9 t/ha. « Comparativement, le coût du maïs plante entière dans les groupes Écolait est en moyenne de 90 €/t de MS, pour un rendement de 14 t de MS. Dans la pratique, jusqu'à la récolte, la conduite du maïs épi est identique. C'est la moindre quantité de matière à récolter, à transporter et à stocker qui diminue d'autant les charges. »

La connaissance des coûts fourragers permet de comparer le système luzerne-maïs épi, avec la ration 100 % maïs (tableau 1). On observe que la suppression de 4 kg/VL/j de soja explique l'économie réalisée sur le coût alimentaire. Mais la confection du stock fourrager requiert une surface supplémentaire de 8 ha prise sur la sole céréalière. « Le budget partiel confirme l'avantage du système luzerne, même avec un prix de vente des céréales élevé (tableau 2) », dit-il.

Sur le plan économique, la ration des taurillons, composée de 50 % de luzerne + 50 % de maïs épi, sans complémentation, mériterait aussi d'être mise dans la balance. En outre, d'autres avantages comparatifs sont attendus par les éleveurs. « Nous avons atteint l'objectif de maintenir le niveau de production. Seul le TB a chuté de 41 à 39, certainement à cause d'un manque de fibrosité. L'expression des chaleurs est plus marquée et les animaux en meilleur état. Enfin, si nous ne pouvons pas encore mesurer l'intérêt agronomique de la luzerne, nous avons d'ores et déjà mis en place un essai de réduction des engrais azotés sur blé. »

JÉRÔME PEZON

Francis Pizel : « Au-delà de 50 % de luzerne, il est difficile de corriger le déficit énergétique pour maintenir le niveau de production »

Dans le tableau ci-contre, La ration journalière, exprimée en kg de MS / VL/j, est multipliée par l'effectif moyen du Gaec (55 vaches), par une durée de lactation de 305 jours et par le coût unitaire de chaque aliment pour obtenir le coût total de la ration. Ce résultat, divisé par les 460 000 l de lait livrés en 2012, permet d'obtenir et de comparer le coût/1 000 l de chacun des systèmes. On notera que le prix des aliments du commerce mérite d'être réactualisé.

Source : ULM janvier 2013

Comparativement au maïs ensilage, la surface fourragère nécessaire en système luzerne pour répondre aux besoins du troupeau est supérieure de 8 ha. Cela engendre une baisse de revenu sur l'atelier de grandes cultures, compensée par la diminution du coût alimentaire, qui confirme l'intérêt économique de la ration luzerne-épis de maïs dans un contexte de polyculture élevage.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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