L'EFFICACITÉ DIGESTIVE DE LA VACHE HAUTE PRODUCTRICE N'EST PAS CELLE QUE L'ON CROIT

Avec des ingestions importantes de rations riches en concentrés, la perte d'efficacité pourrait atteindre 3 UFL/j par rapport à l'énergie brute ingérée.© CHRISTIAN WATIER
Avec des ingestions importantes de rations riches en concentrés, la perte d'efficacité pourrait atteindre 3 UFL/j par rapport à l'énergie brute ingérée.© CHRISTIAN WATIER (©)

La haute productrice a une faible efficacité digestive. En cause : son niveau d'ingestion élevé qui se traduit par un transit plus rapide et une moindre digestibilité de la matière organique. Jouent aussi les interactions liées aux quantités de concentrés ingérées.

EQUILIBRE ET CONCENTRATION DES RATIONS, proportion de concentrés, fibrosité… Les principales composantes de l'efficacité alimentaire des vaches laitières sont connues. Ce que les récents travaux de la recherche nous apprennent de nouveau, c'est que le système digestif des vaches hautes productrices a une efficacité « catastrophique », comme l'a expliqué Daniel Sauvant de l'AgroParisTech-Inra, lors de la dernière journée annuelle VLHP de l'Aftaa (Association française des techniciens de l'alimentation animale).

Certes, l'efficacité métabolique de la ration s'élève quand le niveau de production laitière s'accroît (plus de lait produit par rapport aux besoins d'entretien constants), mais l'efficacité digestive de chaque vache a tendance à diminuer malgré tout. Deux raisons essentielles à cela. D'une part, plus l'ingestion Certes, l'efficacité métabolique de la ration s'élève quand le niveau de production laitière s'accroît (plus de lait produit par rapport aux besoins d'entretien constants), mais l'efficacité digestive de chaque vache a tendance à diminuer malgré tout. Deux raisons essentielles à cela. D'une part, plus l'inges variations observées : de 10 à 30 kg de MS/VL/j pour la même ration), plus le transit est rapide et moins la digestibilité de la matière organique (DMO) est bonne. La DMO de la même ration peut ainsi passer de presque 75 % pour 8 à 10 kg de MS ingérés à moins de 65 % pour 28 kg de MS. Autre élément d'explication donné par l'enseignant-chercheur : plus la proportion de concentrés est forte, plus il y a d'interactions digestives (plus de concentrés de type cellulose, elle-même moins bien digérée). Et surtout plus d'interactions « ingestives » (plus de concentrés et, en conséquence, moins de MS ingérée au total), d'autant plus que les fourrages sont de moindre qualité

DES « PETITES PANSES » PLUS SENSIBLES À L'ACIDOSE RUMINALE

Au final, les effets cumulés de la concentration des rations et de leur forte proportion en concentrés conduisent à des « vaches avec de petites panses ». Daniel Sauvant relève une forte corrélation entre l'augmentation du niveau de production des animaux et la diminution du volume ruminal. Ces « animaux à petites panses » ingèrent plus vite et mastiquent moins. La tendance est là : pour 10 kg de lait supplémentaires, l'index de mastication (ou IF, index de fibrosité) perd 16 min/kg de MS ingérée. Résultat : les animaux sont plus sensibles à l'acidose ruminale, qui déprime encore la digestibilité de la ration et fait chuter le TB. La principale conséquence de cette baisse d'efficacité digestive est que « le bilan énergétique des VHP est beaucoup plus influencé par la teneur en énergie digestible de la ration (% de DMO) qu'au niveau de la production laitière ». D'après Daniel Sauvant, « avec des ingestions importantes de rations riches en concentrés, la perte d'efficacité pourrait atteindre 3 UFL par jour par rapport à l'énergie brute ingérée ». Cela expliquerait que certaines rations très digestibles, mais moyennement concentrées (0,85 à 0,9 UF/kg de MS), soient plus efficaces que des rations à forte densité énergétique (0,95 à 1 UF) où chaque kilo de concentré supplémentaire distribué ne fait progresser la production que de façon marginale (1 kg de MSI en plus pour seulement 1,1 kg de lait supplémentaire) avec un coût économique à la clé. Les premières, plus ingérées et mieux digérées, éviteraient une forte mobilisation des graisses de réserve, donc moins de cétoses et une meilleure reproduction… à quantité de lait égale.

Le projet Systali, prochain système de modélisation et d'unités pour l'alimentation des ruminants (sortie annoncée en 2013), devrait prendre en compte cette perte de digestibilité chez les VHP et proposer les corrections adéquates sur le calcul de ration. Les Finlandais proposent déjà une correction allant dans ce sens.

Qu'en retenir dès à présent dans la pratique ? Distribuez des fourrages de qualité, récoltés précocement, de très haute digestibilité (raisonnez santé et productivité des sols, amendements, choix des semences, fertilisation, conduite des cultures, récolte, conservation, distribution, choix des complémentations…) pour des vaches productives et rentables (moins d'achats d'intrants, meilleure longévité…). Voilà ce que disent à ce sujet les producteurs de lait québécois : « Quand on a trop de fourrages (entendez “du fourrage tardif en quantité”), il faut acheter plus de moulée (“plus de concentrés”) pour faire moins de lait (plus cher à produire) au final. »

PLUS DE LAIT PAR ANIMAL POUR MOINS D'ÉMISSIONS DE MÉTHANE

L'efficacité digestive joue aussi sur la production de méthane (CH4) par les vaches hautes productrices. La part des pertes sous forme de CH4 par rapport à l'énergie brute ingérée est très variable : de 2 % à plus de 12 % (en moyenne 7 %). Mais Daniel Sauvant rappelle que la quantité de CH4 produite par les vaches laitières dépend avant tout de la façon d'exprimer les résultats : les hautes productrices sont indéniablement les moins émettrices de CH4… par rapport à la quantité de lait produite : 80 g de CH4/kg de lait pour une vache peu productive et moins de 20 g pour une vache à 30 kg par jour. En effet, le niveau « basal » minimum de production de CH4 par chaque animal est alors dilué dans la production. Si les ruminants éructent beaucoup de méthane, ils ne digèrent pas la totalité de leur ration. Là encore, priorité aux fourrages très digestibles qui, déjà, limitent le méthane produit ultérieurement par la décomposition de la matière organique non digérée contenue dans les bouses. Pour limiter les quantités de CH4 émises par la digestion ruminale des aliments, il est intéressant de privilégier la flore ruminale qui dégrade les amidons (flore « amylolytique ») pour obtenir une plus grande quantité de propionate (C3) (rations maïs + concentrés) relativement à la production d'acétate (C2 : acide gras volatil toujours le plus abondant, produit surtout par la digestion de la cellulose… des rations à base d'herbe).

En conclusion, les niveaux d'ingestion élevés de rations à forte proportion de concentrés limitent fortement la production de méthane… au kilo de lait produit. L'intensification animale augmente également l'efficacité globale des troupeaux par la dilution des besoins d'entretien, mais altère les capacités digestives individuelles En conclusion, les niveaux d'ingestion élevés de rations à forte proportion de concentrés limitent fortement la production de méthane… au kilo de lait produit. L'intensification animale augmente également l'efficacité globale des troupeaux par la dilution des besoins d'entretien, mais altère les capacités digestives individuelles des VHP. À ce sujet, il est intéressant, mais peut-être préoccupant, de constater que la progression de l'« effet troupeau », obtenu à partir du calcul des index (50 à 70 l de lait par an de 1960 aux années 1990), s'est inversée depuis une vingtaine d'années. Les vaches « perdraient » entre 10 et 40 kg de lait par an (l'effet troupeau devient négatif), alors que leur potentiel génétique progresse encore, plus ou moins régulièrement, de 20 à 30 kg de lait depuis 1960. Si on considère leur « potentiel reproductif » (baisse constante des résultats de reproduction), « il n'y a plus de place pour le doute », remarque Daniel Sauvant. Le nouveau système d'évaluation des aliments des ruminants (Systali) devrait, selon lui, « mieux coller à l'intensif et aussi, à l'inverse, à l'extensif… sans changer grand-chose entre deux (niveau de production de 8 000 à 10 000 kg/ par vache laitière et par an), ce qui correspond effectivement à la plupart des situations rencontrées dans la pratique ».

YVES DEBEAUVAIS, VÉTÉRINAIRE POUR VACHES LAITIÈRES EN HAUTE-SAVOIE.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,4 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,21 €/kg net +0,06
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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