Filière bio Comment compenser la baisse du prix du lait biologique ?
La filière lait bio est engorgée, et les éleveurs sont à la peine. Comment augmenter son produit lait sans augmenter le litrage ? Optimiser, la qualité, augmenter les taux ou plus largement revoir le système en changeant de race, en groupant les vêlages ou en passant en monotraite : Nadège Godfroy de Seenorest livre ses conseils pour compenser en partie cette baisse de prix.
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La conjoncture actuelle du prix du lait bio a entrainé pour beaucoup d’éleveurs une baisse significative du prix de vente, quand ce n’est pas un déclassement total de la collecte vers la filière conventionnelle. Cette baisse des prix est structurelle et risque de perdurer le temps que la demande rattrape l’offre.
« Avant toute chose, il est indispensable de calculer sa marge sur coût alimentaire, qui permet de prendre en compte à la fois les produits et les charges, car chaque situation est différente », relève Nadège Godfroy, consultant agroenvironnement chez Seenorest. « Pour améliorer cette marge, trois possibilités : augmenter les produits, réduire les charges, ou jouer sur les deux leviers. »
Livrer un lait de la meilleure qualité possible
Quand on parle qualité du lait, on pense en premier lieu aux critères « cellules ». Effectivement, entre les extrêmes, +/- 14 €/1 000 l peuvent être attendus. Mais la qualité passe également par les butyriques (+/- 8 €/1 000 l) et les germes (+/- 45 €/1 000 l). Les bonnes pratiques de traite, la gestion du sanitaire et la réforme des incurables restent donc la base.
Chercher toujours plus de taux
Nerf de la guerre, les taux (TB et TP) sont les principales variables qui expliquent les différences de prix payés entre deux éleveurs d’une même laiterie. En moyenne, la plus-value est de + 2,96 € par point de TB (au-delà de 38 g/l) et + 5,39 € par point de TP (au-delà de 32 g/l).
Un levier simple pour augmenter son TB ?
Assurer une bonne stabilité ruminale. La ration doit être distribuée à volonté, avec du sel et de l’eau (attention à la quantité d’eau mais également à sa qualité). En effet, si un de ces trois critères n’est pas respecté, les vaches n’exprimeront pas le TB attendu, voire risqueront la sub-acidose. Pour une même ration, ce sont quelques points supplémentaires à aller chercher en TB.
Augmenter le TB passe également par le choix des aliments (quand on a le choix…). Les aliments riches en sucres, comme le maïs ensilage ou la betterave fourragère, sont propices à une augmentation du TB. Le sorgho fourrager, encore anecdotique en bio, peut également être une plante intéressante. À l’inverse, les régimes basés sur de l’ensilage d’herbe entrainent souvent une baisse du TB. La réflexion peut se mener à l’échelle de l’assolement de l’exploitation ou à l’échelle territoriale.
Certaines laiteries mettent un accent supplémentaire sur les taux protéiques, avec de belles plus-values à aller chercher (jusqu’à + 5 €/g pour certaines). Une nouvelle fois, l’équilibre des rations est la clé pour optimiser le TP. Il arrive encore trop souvent que les rations bio manquent d’énergie. En effet, ces systèmes basés sur l’herbe sont riches en protéines, et qui dit protéines, dit besoin d’énergie pour les équilibrer. S’assurer de la couverture des besoins en énergie est indispensable pour exprimer au mieux le TP et aller ainsi chercher quelques points supplémentaires en TP.
Produire du lait de printemps
Chaque laiterie gère différemment la saisonnalité de production. Pour certaines, la linéarité est un élément majeur, avec des prix du lait qui varient fortement d’une saison à une autre, notamment en filière bio où la production suit la courbe de pousse de l’herbe. Si votre laiterie applique chaque année une décote sur le lait de printemps (avril/mail/juin), vous pouvez vous poser la question de répartir différemment les vêlages afin de tirer profit des périodes où le prix est traditionnellement plus élevé. Les conséquences à l’échelle du système sont importantes et méritent de prendre le temps pour les appréhender dans leur globalité : besoins fourragers, répartition du travail, optimisation des places dans les bâtiments, santé des veaux…
Passer en monotraite ?
Certains éleveurs bio poussent encore plus loin la réflexion sur l’optimisation des taux. Quand le prix du lait n’est plus assez élevé, faut-il à tout prix chercher à produire sa référence ? Pour ceux chez qui cette référence n’est pas une finalité, une réflexion autour de la monotraite peut s’envisager.
La ferme expérimentale de Trévarez travaille depuis des années sur les impacts technico-économiques de la monotraite. Ils ont mesuré une baisse de 24 % de la production laitière, mais en parallèle une augmentation des taux (+ 2 g de TB et + 1,4 g de TP).
Attention cependant à bien chiffrer l’impact économique d’un tel changement à l’échelle de l’exploitation. En effet, en partant sur les résultats techniques observés à Trévarez, pour un troupeau qui produirait 400 000 litres de lait en situation initiale, l’impact économique lié à la perte de volume et à l’augmentation des taux varierait de - 34 000 € (prix de base : 400 €/1 000 l) à - 40 000 € (prix de base : 470 €/1 000 l). L’intérêt de ce levier est qu’il est réversible et permet de revenir rapidement au système initial lorsque les prix du lait remonteront, mais vérifiez bien que ça passe côté comptable.
Changer de race ?
Un autre levier, plus radical, concerne le changement de race. Certains éleveurs partent sur des croisements, voire sur des Jersiaises pure race, afin de produire le maximum de taux.
C’est une piste qui peut être creusée, mais qui s’appréhende sur du long terme : souhaitez-vous élever autant d’animaux qu’avant, quitte à réduire le litrage livré, ou avez-vous les moyens de nourrir et de loger plus d’animaux afin de maintenir votre référence ? Le bilan économique sera forcément différent entre ces deux options.
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