Soutenus par le médiateur, les producteurs appellent une dernière fois au dialogue

Soutenus par le médiateur, les producteurs appellent une dernière fois au dialogue

Les représentants des producteurs de Lactalis ont reçu les réponses du médiateur aux 15 saisines qui avaient été déposées concernant la deuxième version de contrat adressé par le groupe laitier à ses éleveurs. Confortés par l’avis du médiateur, ils lancent une pétition auprès des producteurs pour obtenir de Lactalis la reprise des négociations en vue de reconnaitre enfin les OP. Face au mutisme persistant du groupe, les présidents de groupements se présenteront au siège à Laval le lundi 19 mars pour déposer cette pétition et tenter de trouver une issue, avant d’envisager un durcissement du mouvement.

 

Frank Guéhennec, coordinateur des représentants d'OP Lactalis
Frank Guéhennec (au centre), coordonne les 9 représentants des OP Lactalis. (© Terre-net Média)

Un nouvel épisode s’est ajouté au feuilleton de la contractualisation chez Lactalis : les producteurs ont reçu, samedi 3 mars 2012, les réponses du médiateur Francis Amand aux 15 saisines que des producteurs avaient déposées pour dénoncer certaines clauses de la deuxième version du contrat Lactalis.

« L’ensemble des réponses démontrent le bien-fondé des interrogations des producteurs sur différents aspects de la proposition contractuelle de Lactalis », explique Frank Guéhennec, le coordinateur des représentants d’OP Lactalis. Et ce dernier d’en expliciter quatre concernant les clauses du contrat les plus problématiques.

Des clauses abusives

D’abord, « le médiateur considère les compléments de prix, les primes, comme partie intégrante de la rémunération des producteurs. L’entreprise ne peut donc pas décider unilatéralement de les exclure du contrat ».

Le deuxième point concerne la clause de sauvegarde qui permet, en l’absence de diffusion des indices de tendances du Cniel ou du Criel, de déterminer un prix de vente. « Dans un souci d’équilibre, le déclenchement de la clause de sauvegarde doit intervenir à l’initiative de l’une ou de l’autre des parties, explique le médiateur. Or, la clause semble ne s’appliquer qu’à l’initiative du groupe Lactalis. »

 

Contrats : la Fnpl attaque Lactalis en justice

Premier soutien aux producteurs livrant à Lactalis, la Fnpl a décidé, à l’issue de son conseil d’administration du 8 mars 2012, d’attaquer Lactalis devant les tribunaux au sujet de sa proposition contractuelle, « compte-tenu de l’attitude de l’entreprise qui s’obstine dans son refus de revenir à la table de négociation ».

Pour ce faire, la FNPL, s’appuie notamment sur les réponses du médiateur des contrats aux saisines des éleveurs. Par ailleurs, la FNPL appelle toujours les producteurs à ne pas signer la proposition de contrat Lactalis.

Autre exemple, le médiateur considère comme abusives les pénalités prévues en cas de rupture anticipée de contrat. Actuellement, le contrat Lactalis prévoit des pénalités de 30 €/1.000 litres non livrés. « Le contrat pourrait fixer un montant forfaitaire des pénalités plus avantageux pour le producteur » quand la rupture est de son fait, « tenant compte ainsi de la dépendance économique du producteur à l’égard de son unique acheteur. » De même, le montant des dommages et intérêts serait évalué sur la base du préjudice réel du producteur, quand la rupture est à l’initiative de l’entreprise.

 

Enfin, sur la cessibilité du contrat, Lactalis se donne la possibilité de céder le contrat à un tiers sans solliciter l’accord préalable du producteur, et sans préciser les conditions d’éxécution de la cession alors que cela est strictement encadré quand le cédant est le producteur. Le médiateur recommande ainsi « de lever cette indétermination qui peut être source de contentieux. »

Un contrat hors-la-loi en plusieurs points

Outre les réponses du médiateur, le contrat Lactalis serait hors-la-loi en plusieurs points, selon la juriste de la Fnpl, qui apporte son expertise aux producteurs depuis le début de leur confrontation avec le groupe mayennais.

« La Lma indique que certaines mentions doivent figurer dans le contrat. Par exemple, des plages horaires de collecte du lait doivent être inscrites. Ce n’est pas le cas dans le contrat Lactalis, explique Frank Guéhennec. De même que la fréquence de ramassage. Les compléments de prix aussi doivent être contractuels. »

Ainsi, les représentants des OP Lactalis appellent le ministre de l’Agriculture à faire appliquer la loi. Pour les contrats que certains producteurs ont signés, « Bruno Le Maire doit demander aux agents de la Dgccrf d’effectuer des contrôles pour qu’ils constatent que les contrats ne respectent pas la loi ».

Ultimatum du 31 mars : que se passera-t-il après ?

Le groupe Lactalis, dans sa lettre du 17 février 2012 adressé à ses producteurs, rappelle à ces derniers que le contrat est valable jusqu’au 31 mars 2012 et qu’il n’acceptera pas de signature après cette date.

Les représentants des OP rappellent, quant à eux, que tout producteur livrant à Lactalis bénéficie d’un contrat tacite de livraison que le groupe ne peut modifier unilatéralement.

Ainsi, l’application de la menace du groupe « de supprimer certaines primes aux producteurs non-signataires constituerait une rupture abusive de la relation contractuelle existante, insiste Frank Guéhennec, le coordinateur des représentants d’OP Lactalis. De telles ruptures abusives seraient attaquées devant les tribunaux. »

Critiqué par son silence à l’approche de l’élection présidentielle, Bruno Le Maire devrait s’exprimer sur le sujet lors du prochain congrès de la Fnpl, qui se déroulera les 14 et 15 mars à Verdun.

Une pétition pour conforter les représentants dans leur démarche

Par ailleurs, confortés par les réponses du médiateur, les représentants viennent de lancer une pétition à destination de tous les producteurs Lactalis. Ces derniers sont invités à dire personnellement que la proposition du groupe est déséquilibrée et, indirectement, qu’ils soutiennent l’action des 10 représentants des OP engagée depuis septembre 2011.

L’objectif pour ces représentants est de répliquer aux affirmations du groupe, dans sa lettre du 17 février 2012, qui indique avoir reçu « un nombre significatif de signatures de contrat ».

Les représentants des OP invitent aussi les producteurs à leur confier leur contrat pendant quelques jours pour qu’ils puissent estimer plus précisément le nombre de producteurs ne l’ayant pas signé.

Selon Frank Guéhennec, les producteurs membres d’un groupement représentent aujourd’hui 3 milliards de litres de lait sur les 5 milliards de litres collectés par Lactalis. « Certains producteurs ou groupements ont décidé de faire confiance à Lactalis en signant un contrat. » Le coordinateur souhaite estimer, sur l’ensemble des 14 300 producteurs, combien soutiennent la démarche de négociation.

Les présidents de groupements à Laval le 19 mars

Lundi 19 mars 2012, les représentants des OP invitent tous les présidents de groupements de toute la France à venir devant le siège de Lactalis, à Laval en Mayenne, pour déposer les signatures.

Ils espèrent aussi pouvoir présenter à la direction du groupe une nouvelle convention de travail pour qu’elle reconnaisse enfin les OP et qu’elle accepte de négocier avec ces dernières pour le compte des producteurs. Les producteurs prêts « à résister » et à « durcir le ton s’il le faut »

« Avec les éléments juridiques dont nous disposons et la mobilisation des producteurs, nous sommes prêts à résister ! » poursuit Frank Guéhennec qui appelle inlassablement tous les producteurs à ne pas signer le contrat.

« Nous avons toujours privilégié le dialogue avec la direction du groupe. Nous, producteurs, travaillons avec Lactalis depuis des années et souhaitons poursuivre ce travail » Mais, selon le coordinateur des OP, en fonction de la réaction de Lactalis à l’issue de l’action du 19 mars, les producteurs pourraient durcir eux-mêmes le ton, ou inviter les syndicats à les soutenir plus fermement.

Dernière minute (09/03/2012) : L’apli appelle aussi à ne pas signer mais critique la Fnpl

L’Apli aussi dénonce fermement l’attitude de la direction de Lactalis au sujet de la contractualisation et appelle à ne pas signer le contrat du groupe. « Dans l’état actuel de la législation, les producteurs n’ont aucune obligation de signer l’offre contractuelle déséquilibrée de leur laiterie. Aucune proposition, de quelque laiterie que se soit n’est acceptable aujourd’hui », écrit l’Apli dans un communiqué.

Mais l’association dénonce, par ailleurs, l’attitude de la Fnpl et l’initiative des présidents de groupements de rassembler les contrats des producteurs pour compter réellement les non-signataires. Selon elle, l’idée « peut devenir sujette à question si cette action récupérée par la Fnpl devient moteur pour accélérer la création d’une grande OP verticale Lactalis. »

Et l’Apli de rappeler les producteurs à leurs souvenirs : « L’exemple Senoble, c’est l’organisation de producteurs qui a mis l’ultimatum aux producteurs, les enjoignant de signer le contrat-cadre sous peine du non versement des primes. Il faudrait bien que la Fnpl s’explique pourquoi à un endroit elle tente d’obliger par intimidation les producteurs à signer et à l’autre elle appelle au front du refus. Quelle est la logique ? »

L’Apli, qui s’oppose au schéma vertical des OP, appelle donc une nouvelle fois tous les producteurs à adhérer à l’office du lait, son OP transversale, et les invitent à adresser à leur collecteur un contrat « France milk board » avec la mention « seule base de négociation ».

« Si les entreprises persistent dans leur volonté de supprimer les primes aux non signataires, elles doivent s’attendre à des réactions fortes. Nous retournerons, s’il le faut devant les usines avec les consommateurs et organiserons des barrages filtrants », conclue l’Apli.

 

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