La révision de la Lme attendue avec impatience

La révision de la Lme attendue avec impatience

Pour rééquilibrer les rapports de force dans les négociations commerciales entre l’amont des filières et les Gms, le Gouvernement présentera courant juin 2013 des « ajustements » à la Loi de modernisation de l'économie (Lme) dans le cadre du projet de loi sur la protection du consommateur. Mais sans contrôles ni sanctions véritablement dissuasifs, les poids lourds de la distribution pourront continuer d’imposer la loi du plus fort.

Manifestation d'agriculteurs à Albi
Ici à Albi, comme devant bon nombre d'enseigne de la distribution en France, les éleveurs dénoncent la non répercussion des hausses de charges sur les prix. (© Alexandre Renault - le Paysan tarnais)
Les mois passent et les éleveurs sont toujours confrontés à la non-répercussion de leurs charges sur les prix à la production. Au cours des trois premiers mois de 2013, le prix du lait n’aura pas augmenté et restera à des niveaux bien inférieurs au début 2012 ! Face à cette conjoncture difficile, la colère des producteurs monte ! Dans le Finistère notamment, des agriculteurs ont ciblé par deux fois la résidence secondaire du ministre de l’Agriculture, en déversant des centaines de caddies de supermarché.

Dans ce contexte, rééquilibrer les rapports de force entre d’un côté les cinq poids lourds de la distribution, et de l’autre les entreprises de transformation et, indirectement, les producteurs apparaît à la profession comme une évidence.

En fait, les producteurs sont victimes des insuffisances de la loi pour garantir des relations commerciales saines, loyales et transparentes. Car force est de constater que la Loi de modernisation de l’économie, votée en 2008, et qui, certes, a supprimé officiellement les marges-arrière, n’a jamais tenu ses promesses. Pire, la Fnsea, Coop de France et l’Ania expliquent depuis plusieurs semaines qu’elle n’est pas respectée par les enseignes de la distribution.

« La Lme est suffisamment imprécise pour que les enseignes en fasse une interprétation en leur faveur », explique-t-on ainsi chez Coop de France. Selon la Lme, les conditions générales de vente doivent constituer le socle des relations commerciales entre les enseignes et leurs fournisseurs. Ainsi, dans l’esprit de la loi, c’est le fournisseur qui doit présenter les conditions de vente de ses produits.

La loi du plus fort règne toujours

« Mais en pratique, ces conditions générales de vente se transforment souvent en conditions générales d’achat, explique Bernard Esnault, responsable production et filière à la Fnsea. Certaines entreprises sous la menace d’un déréférencement se voient contraintes de signer en blanc certaines clauses du contrat, se rapportant notamment au prix, aux volumes ou à la qualité exigée. »

Malgré l’interdiction des marges-arrière par la Lme en 2008, certaines conditions se négocient parfois en marge des conventions annuelles, explique le spécialiste. « Tout n’est pas forcément écrit sur le papier », confirme Olivier de Carné, responsable du département Industries-distribution-consommateurs de Coop de France.

Renforcement indispensable des contrôles

Et l’Ania d’enfoncer le clou, dans un communiqué du 4 mars 2013 : « refus systématiques et généralisés des tarifs des industriels, plans d'affaires totalement vidés de leur contenu, pressions psychologiques et économiques scandaleuses, aucune contrepartie aux réductions de prix … : les distributeurs, sans aucune exception, se sont montrés sans foi ni loi et encore plus agressifs que les années précédentes ».

Aussi, application ou non de la Lme, le rapport de force reste le même : face à 10.000 fournisseurs et 500.000 agriculteurs, la loi du plus fort reste à l’avantage des cinq poids lourds de la distribution.

Reste que l’application des règles de la Lme doit être assortie de contrôles suffisants et de sanctions dissuasives pour les distributeurs qui ne respectent pas les règles du jeu. Or, de ce côté-là aussi, la Lme n’est pas à la hauteur. En matière d’équilibre des relations commerciales, la Dgccrf a relevé en 2012 plus de 200 signalements de pratiques abusives, dont une bonne partie concernait le secteur agricole et agroalimentaire, et plus de 4,7 M€ d’amendes ont été prononcées au titre de contentieux civils et commerciaux, soit plus du double qu’en 2011.

Une révision sur trois points s’impose

La Lme doit donc être « ajustée » au plus vite. Cette révision sera faite via le projet de loi sur la protection du consommateur, initialement prévu mi-mars 2013 par Benoît Hamon, ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire, mais qui sera finalement débattu courant juin.

Pour la Fnsea, l’Ania et Coop de France notamment, cette révision doit porter sur au moins trois points : d’une part le projet de loi Hamon devra réaffirmer la priorité aux conditions générales de vente comme socle de la négociation commerciale, sans autre interprétation possible, d’autre part, elle devra renforcer les moyens de contrôle de la Dgccrf et alourdir les sanctions. Aussi, il s’agira de renforcer le rôle de la Commission d’examen des pratiques commerciales, organe consultatif créé en 2001 pour surveiller l’équilibre des relations entre producteurs, fournisseurs et distributeurs.

En attendant les ajustements de la Lme, la Fnpl dénonce, de son côté, l’attitude des laiteries. Celles-ci n’ont toujours pas répercuté la hausse des coûts alimentaires des producteurs de lait sur le prix du litre, alors que les cours mondiaux sont orientés à la hausse depuis plusieurs semaines.

Le syndicat, qui se réunit en Assemblée générale annuelle les 20 et 21 mars à Nantes, demande à Stéphane Le Foll la tenue d’une table-ronde entre tous les acteurs de la filière pour négocier la prise en compte, dans la loi, d’un indicateur coût de production dans la formation des prix. La mention d’un tel indicateur est bien l’objet de l’accord du 3 mai 2011, mais ce dernier n’a que le mérite d’exister : non seulement il n’a pas de valeur légale, la démarche des co-contractants n’est que volontaire, mais surtout, il ne s’applique toujours pas à la filière laitière.

La branche laitière de la Fnsea reste cependant confiante. Tous les ministres concernés – Stéphane Le Foll à l’Agriculture, Guillaume Garot à l’Agroalimentaire, Benoît Hamon à l’Economie sociale et solidaire et Pierre Moscovici à l’Economie et aux finances – sont désormais sur la même longueur d’onde pour réviser la Lme.

D’ailleurs, dans son « plan de relance exceptionnel pour l’élevage » présenté le 6 mars 2013, Stéphane Le Foll entend instaurer des mécanismes de révision des contrats lorsque la valeur de certains indicateurs définis par les parties est franchie, mais aussi une plus grande transparence afin de parvenir à un meilleur équilibre des relations commerciales ainsi que des sanctions administratives.

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