Entre intérêt et méfiance

Paris, 22 fév 2015 (AFP) - L'enseigne à bas coûts Lidl s'affiche cette année au salon de l'agriculture, avec la promesse du "Made in France" dans ses rayons. Un choc culturel, mais le monde agricole prévient qu'il veillera à la tenue des engagements du discounter allemand.

Du métro à ses couleurs au stand de 250 mètres carrés, organisé comme une « place de village » au cœur du hall des bovins, le plus populaire, l'enseigne est omniprésente, distribuant des sacs à son nom dans les allées. « On développe une centrale d'achats " Made in France ". Quel meilleur endroit que le Salon pour le faire savoir ? », demande Michel Biero, directeur des achats France de l'enseigne. Le jour de l'ouverture, il circule entre les étals du stand - boucherie, primeur, fromager - laissant le public goûter à profusion les tomates, carrés de fromage, tranches de saucisse et palets bretons : une opération séduction - dont le budget est tu.

« J'espère qu'ils sont en phase avec la réalité de leurs actes et qu'ils tiendront leurs engagements », commente Xavier Beulin, président de la puissante FNSEA, premier syndicat agricole, qui s'avoue « un peu surpris par l'ampleur » du battage. « De ce que j'entends, la négociation (avec les producteurs) est dure». " Hard-discounter " allemand, Lidl a entamé sa conversion en 2012 et retape depuis ses 1.500 magasins français, jouant sur les volumes pour tenir les prix.  Symboliquement, le siège français a été déplacé de Strasbourg (trop près de l'Allemagne) à Paris pour crédibiliser la démarche « Saveurs de nos régions ».

« Nous nous engageons à ne proposer que du "Made in France" chaque fois que ce sera possible », martèle Michel Biero. « Quand je propose des cerises turques en Bretagne, c'est que la production du Lot était insuffisante », jure-t-il. Son acheteur s'avance avec des fraises gariguettes de Marmande : « les toutes premières ». Les tomates-cerise ? « Saint-Pol de Léon, Bretagne ». Les pommes de terre ? « Du Nord ». Même le kiwi vient du Lot-et-Garonne.

C'est à Lidl « d'expliquer d'où viennent ses produits »

Benoit Bateman, installé près d'Hazebrouck (Nord), travaille depuis 20 ans avec Lidl et fournit près de 25.000 tonnes de pommes de terre. « Il y a 10 ans, ils étaient surtout préoccupés par les prix. Aujourd'hui, c'est le goût et la présentation. Même si on fait des efforts (financiers) lors des promotions. Pour nous, c'est un tremplin, qui nous garantit la maîtrise de la production, de l'emblavement à la commercialisation », confie-t-il. L'enseigne est parvenue à près de 70 % d'approvisionnements français. « Nous ne sommes pas le méchant distributeur, mais un partenaire à part entière », lance M. Biero, rappelant qu'il ouvre le marché européen à ses fournisseurs.

Pour la viande, Jean-Pierre Fleury, président de la fédération nationale bovine (FNB), lui a donné « jusqu'à fin février » pour acheter 100 % français: « aujourd'hui ils sont à 75 %... ils se sont engagés. Et on vérifiera. » Méfiant car échaudé, la patron des éleveurs rappelle la promesse de l'enseigne américaine de restauration rapide McDonald's, qui avait provoqué un autre choc dans les campagnes en arrivant sur le marché français au début années 2000. « MacDo avait promis du 100 % français: aujourd'hui, on est à 50 % », souligne-t-il. Cependant, chez Lidl, Jean-Pierre Fleury a relevé « du charolais à 21 jours de maturation, les autres sont maximum à 48 heures ». En l'accueillant sur le salon, son président, Jean-Luc Poulain, a jugé que c'était à Lidl « d'expliquer d'où viennent ses produits ». Et qu'à cette condition, l'enseigne avait sa place, comme ses concurrents de la grande distribution, qui jouent la carte « terroir » et se battent à coup de nappes à carreaux dans leurs publicités.

Mais les producteurs ne cessent de dénoncer la concurrence du cochon allemand et des fruits espagnols et les insupportables pressions sur les prix. « Je ne lâcherai pas un centime », prévient Thierry Belin, qui fournit depuis six ans 300 tonnes de saucisses de Morteau et Montbéliard à Lidl, des appellations de Franche-Comté rigoureusement contrôlées. « Ils ont une vraie culture du produit. On parle goût et volumes avant de parler prix. D'autres ne demandent même pas à goûter. Mais j'ai un reproche : Lidl ne s'engage jamais plus d'un an ». Et chaque année, il renégocie la boule au ventre : « 10% de chiffre d'affaires (en moins), c'est 30 personnes dehors » dans sa PME de 150 salariés dans le Doubs. Aussi, Lidl ne pèse jamais plus de 6 à 7 % de son activité.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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