
En système tout herbe dans les Hautes-Alpes, le Gaec du Val d’Azur doit constituer des stocks et conduire le troupeau en alpage de juin à septembre. Entre l’arrosage, la traite et la confection quotidienne des parcs, le travail ne manque pas.
Longer le lac de Serre-Ponçon puis traverser des gorges, bifurquer en direction du col de l’Izoard puis monter à Arvieux, à 1 600 m d’altitude. La route est belle, mais longue pour arriver jusqu’à ce village où vivent François Blanc, sa famille et ses associés. Au cœur du parc naturel régional du Queyras, il compte 365 habitants, une école et une alimentation.
L’exploitation
- À Arvieux (Hautes-Alpes) 1 600 m d’altitude, dans le parc naturel régional du Queyras
- Gaec à trois associés
- 65 vaches tarines
- 4 700 l de lait produits par vache à 34 de TP et 38 de TB
- 10 vaches aubracs
- 130 ha de SAU, dont 115 en herbe et 15 en orge de printemps
- Alpages en été
« Nous élevons 65 vaches tarines et 10 aubracs », raconte l’éleveur. Il s’est installé en 2014 en Gaec avec son père. Simon Philip est venu les rejoindre en 2019, suivi par son frère Damien, qui a remplacé le père lorsqu’il a pris sa retraite en 2020. « Nous avons 130 ha de SAU, presque tout en herbe mais cela ne suffit pas pour nourrir les animaux sous un climat à la fois montagnard et méditerranéen », explique François. La ferme se trouve sous la neige de mi-novembre à mi-avril. En été, la vallée Val d’Azur, où elle se situe, bénéficie d’un temps sec et ensoleillé du fait de son exposition au sud. La saison de pâturage est donc relativement courte dans la vallée et c’est dans les alpages surplombant le village que les vaches se nourrissent durant l’été.
De l’orge de printemps pour enrichir la ration
De fin octobre à début mai, les laitières vivent à l’intérieur et la ration se compose de foin, de farine d’orge et d’un peu d’aliment. « Autour de l’exploitation, nous disposons surtout de prairies naturelles, mais 100 ha sont labourables. Elles sont pâturées au printemps puis fauchées », précise François. Un épandage de lisier est réalisé au printemps. Les éleveurs ont investi dans une tonne à lisier équipée d’un canon, ce qui permet d’arroser les surfaces difficilement accessibles.

15 ha d’orge sont semés et récoltés par une entreprise tous les ans. Elle est autoconsommée et améliore donc l’autonomie de l’exploitation, tout en couvrant une partie des besoins en paille. De 30 à 40 tonnes doivent néanmoins être achetées. Semée fin avril, l’orge profite des pluies souvent abondantes au printemps. La moisson s’effectue mi-septembre, et le rendement atteint 40 à 50 quintaux, ce que l’éleveur juge satisfaisant. Il sème ensuite des mélanges de luzerne et dactyle pour renouveler les prairies. Les chantiers de foin débutent en juin et toute la surface est fauchée. Les éleveurs sont équipés pour la fenaison. Un investissement nécessaire du fait de l’absence de Cuma locale et de l’importance des surfaces qu’il faut récolter en peu de temps. Soucieux de la qualité des fourrages, ils les font analyser.
Pas de repousse sans arrosage
Les prairies sont arrosées en été. Il s’agit d’une tâche gourmande en main-d’œuvre. « Nous avons deux enrouleurs et des tuyaux, c’est beaucoup de manutention. » Mais ce travail est payant car, autrement, il n’y aurait pas de repousse. En automne, les prairies peuvent donc être pâturées de nouveau ou fauchées pour environ 40 % de la surface. L’eau provient du trop-plein du réseau ou des retenues collinaires, qui servent en hiver à alimenter les canons à neige de la station de ski d’Arvieux. Fin mai ou début juin, les laitières, comme les aubracs, partent dans les alpages – ils se situent derrière le village –, et ne redescendent plus à la ferme jusqu’à la fin de l’été. Ces surfaces pentues et arborées sont traversées par des ruisseaux où les vaches peuvent boire. « Les parcelles les plus proches touchent le village, mais il faut vingt minutes en voiture pour atteindre les plus éloignées. Il est donc impossible de ramener les vaches pour la traite. » Cette organisation justifie aussi le choix de la race tarine, bien adaptée à la marche en montagne.
Pour valoriser l’herbe au maximum, les éleveurs constituent des parcs pour chaque jour et chaque nuit. « On évalue le fourrage disponible et on délimite des parcelles en conséquence », explique François. Cette tâche est chronophage. Il est impossible d’installer des clôtures permanentes car ces pâtures se trouvent sur le domaine skiable et sont parcourues par des randonneurs en été. Les éleveurs préfèrent ne pas y laisser leur matériel.

La traite s’effectue donc en alpage pendant tout l’été. Une salle de traite mobile a été acquise en 2018 pour 140 000 €. Il faut compter 180 000 € pour un équipement équivalent aujourd’hui. Elle est déplacée au tracteur une vingtaine de fois pendant la saison. « On suit l’herbe », indique François. Damien monte à 5 h 45 et rassemble les vaches dans un parc. François le rejoint vers 6 h 45 et la traite leur prend une heure avec une 2 x 6. Les vaches reçoivent du concentré et de la farine d’orge pendant la traite. « Mon père trayait aussi en extérieur. Avec d’autres éleveurs, il a tiré 8 km de tuyaux de 25 mm de diamètre pour alimenter différents points de traite en eau potable », se souvient François. La salle de traite est équipée d’une réserve d’eau, d’une pompe et d’un surpresseur. L’ensemble est alimenté par un groupe électrogène. L’installation est donc autonome pour assurer son nettoyage avec de l’eau froide et chaude, ainsi que les détergents nécessaires. Le tank à lait se trouve sur une remorque et redescend à la ferme tous les deux jours pour la collecte.
Trouver le bon équilibre avec les touristes
Les éleveurs cherchent à produire un maximum de lait en été car il est mieux valorisé. Ils livrent à la fromagerie coopérative de Château-Queyras, qui vend 40 % de ses produits dans son magasin, essentiellement à des touristes. Elle a engagé une démarche de demande d’AOP pour le bleu du Queyras. Une prime de 60 €/1 000 l est versée pour les livraisons de juin à novembre.
Les vaches vêlent en moyenne à l’âge de 36 mois pour la première fois. Les éleveurs ont essayé d’avancer cet âge mais cette pratique n’est pas adaptée à la race. « La tarine a une maturité assez tardive et nous ne les poussons pas. » Le grand-père de François avait commencé à travailler sur la génétique du troupeau et cette pratique s’est perpétuée. Le plan d’accouplement est réalisé avec Cap tarentaise. « Nous recherchons avant tout de la rusticité, une bonne aptitude à la marche et des taux », explique François. Le vétérinaire se trouve à une heure de route et facture son déplacement à 110 €. En cas d’urgence, il y a peu de chance pour qu’il arrive à temps, d’où la nécessité d’avoir des animaux résistants.
Les éleveurs inséminent eux-mêmes en race tarine pour les meilleures laitières et en limousin ou charolais pour les autres. Les vêlages se produisent toute l’année, un peu plus en mai-juin et en octobre. Certaines vaches vêlent en alpage. Les éleveurs ne veulent pas les redescendre pour ne pas créer de rupture avec le troupeau. Ils se trouvent donc confrontés à la prédation. Ils ont perdu deux veaux depuis deux ans, dont un a été reconnu victime du loup par l’Office français de la biodiversité (OFB). « L’autre présentait des blessures similaires. On a perçu 750 € pour un nouveau-né, le prix du silence », soupire François.
Les jeunes animaux restent à l’abri du loup
Ces pertes l’ont affecté car il est attaché à ses animaux. Il montre une falaise surplombant l’alpage. Elle comporte des grottes dans lesquelles les loups s’installent. Le pâturage qui les jouxte était valorisé par les génisses de moins de 1 an jusqu’en 2020, mais les éleveurs ne prennent plus ce risque. Désormais, elles restent à la ferme pendant l’été. Le loup a été vu plusieurs fois dans le village et a même menacé Damien. « On vit avec, mais il faut reconnaître que la présence de troupeaux de moutons à proximité protège un peu nos bovins. »
L’alpage fournit de l’herbe fraîche au moins jusqu’à fin juillet en année sèche, jusqu’à fin août sinon. Les vaches redescendant ensuite dans la vallée où elles pâturent sous les mélèzes. « Ces arbres ont des aiguilles caduques qui nourrissent le sol. En été, ils laissent passer la lumière mais garde la fraîcheur, ce qui permet une bonne pousse en dessous », précise François. Ces forêts sont gérées par l’ONF qui décide quand effectuer des coupes. Les vaches ne peuvent plus y aller dans les deux à trois ans qui suivent car les restes de branches sont très coupants et blessent les mamelles. Les éleveurs n’ont donc pas la maîtrise de la disponibilité de ces espaces.
D’une manière générale, le cadre de l’exploitation impose ses contraintes. « Le tourisme est très présent mais sans ça, nous ne pourrions pas valoriser le lait aussi bien. » Toutes primes incluses, il est payé en moyenne à 520 €/1 000 l. Une bonne partie de la viande est commercialisée via le GIE Alpage Queyras. L’abattoir se trouve à Guillestre, à 20 kilomètres. Il a été repris sous la forme d’une SCIC. La viande est découpée puis vendue en partie localement. L’éleveur descend à Marseille et à Toulon quatre fois par an pour effectuer des livraisons sur commande.

« Je suis serein pour l’avenir »
C’est François qui prend en charge le suivi administratif du Gaec. Cette année pour la première fois, il relève une situation saine. L’exploitation arrive en vitesse de croisière. « Nous remboursons environ 60 000 € d’annuités, dont 25 000 pour le bâtiment des laitières, construit en 2018. » Le Gaec investit sans problème de 20 000 à 30 000 € par an pour renouveler le matériel. Les trois associés prélèvent en moyenne 1 800 € net par mois ce qui les satisfait. « La charge de travail est élevée en été mais moins en hiver. Je prends le temps d’aller skier avec mes deux enfants. On se relaie avec mes associés pour ne travailler qu’un week-end sur trois et pour prendre deux semaines de vacances », poursuit François. Le bâtiment des vaches est plein mais ne sera pas agrandi. Les livraisons de lait ne peuvent donc augmenter qu’en été, quand l’espace n’est pas limité. À moyen terme, les éleveurs envisagent d’investir dans une installation de séchage en grange. L’objectif est d’améliorer encore l’autonomie en produisant un fourrage plus riche en protéine afin de réduire ou d’arrêter l’achat d’aliment. La décision n’est pas encore prise.
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