« À 4 trayeurs, la communication est la clé de notre organisation »

L'éleveur et ses salariées
Steven Derrien et ses salariées : Valérie, Floor et Julie qui alternent à la traite. (©Cécile Julien)

À la tête d’un troupeau de 150 laitières, Steven Derrien a misé sur le salariat au départ en retraite de ses parents. Être 4 à se relayer pour traire demande une bonne organisation et une communication efficace.

Éleveur à Scaer (29), Steven Derrien s’est installé avec ses parents en 2011. Il y a 3 ans, son père a pris sa retraite, puis il y a 1 an, sa mère. « Aucun membre de ma famille ne souhaitait s’installer et je n’ai jamais eu envie de m’associer avec un tiers. Au fur et à mesure de l’augmentation du litrage et du départ en retraite de mes parents, j’ai préféré embaucher des salariés. »

Si le remplacement d’un associé par un salarié peut sembler simple sur le papier, cela se complique avec les spécificités du travail en élevage laitier : une astreinte 7 jours sur 7 et une grande amplitude horaire. « Le besoin est surtout de 7h à 10h30 puis de 16 à 18h30. En milieu de journée, il y a moins à faire, détaille Steven Derrien. Pour organiser le travail, je me suis inspiré de l’organisation de ma conjointe qui travaille en Ehpad, car les contraintes sont proches : tôt le matin, le soir, les week-ends d’astreinte. » L’éleveur a établi un budget temps de toutes les missions à effectuer :

- Celles, comme l’alimentation, le paillage et les cultures, sont gérées par Matthieu, arrivé il y a 3 ans, sur des horaires de journée.

- C’est plus compliqué pour la traite, « ça demande 2 personnes, reconnaît Steven Derrien. Face à l’amplitude horaire avec une grande pause en milieu de journée, j’ai préféré embaucher plus de salariés sur des temps partiels ».

Valérie a été embauchée il y a 8 ans, Floor est arrivée il y a 2 ans et Julie a rejoint l’équipe il y a un an après avoir fait un stage de reconversion sur l’exploitation. Valérie et Julie travaillent 76 h par mois, Floor 119 h, alors qu’un temps plein représente 152 h. Chacune est d’astreinte 1 week sur 2.

À part le week-end, personne n’assure la traite du matin ET celle du soir.

Un planning est organisé à l’année avec la répartition des traites et des week-ends. « On a une vision sur le long terme, c’est plus facile pour s’organiser, apprécient Floor, Valérie et Julie. On a une journée libre par semaine pour compenser les week-ends. Travailler le matin ou le soir laisse aussi du temps de disponible pour sa vie personnelle. » L’organisation hebdomadaire a été construite autour de l’alternance des trayeurs. À part pendant le week-end, il n’y a pratiquement jamais une personne qui assure la traite matin et soir. « Ne traire qu’une fois par jour, ça limite la fatigue, les douleurs musculaires, remarque l’équipe. Les journées à deux traites, on sent la différence ».

Clarifier les tâches

« Quand on travaille en équipe, il faut que les choses soient carrées, que chacun sache ce qu’il a à faire », estime Steven Derrien. L’éleveur a organisé son élevage pour limiter la pénibilité et gagner en efficacité. Ainsi, le logement des animaux est pensé sur le principe de la marche en avant. « Les petits veaux sont installés à côté de la laiterie. Au fur et à mesure qu’ils grandissent, ils vont avancer dans le bâtiment, sans qu’il y ait de croisement entre catégories d’âge, détaille Valérie. Il y a un intérêt sanitaire mais aussi d’organisation, avec des déplacements plus simples à gérer. » Dans le même souci d’efficacité et d’informations identiques pour tous, les protocoles de soin ont été mis par écrit, sur des fiches plastifiées, rangées à côté de l’armoire à pharmacie.

Tableau de consignes en élevage
Dans la nurserie, les consignes d’alimentation des veaux sont affichées. En plus, sur le taxi-lait, il y a un rappel pour les quantités de lait. (© Cécile Julien)
On est tous là le vendredi donc on fait le point autour d’un café.

Chaque vendredi, seule matinée où toute l’équipe est présente, sont réalisés un certain nombre de protocoles, comme les tarissements, les vaccinations, le nettoyage des cases à veaux. « Comme c’est le seul moment où toute l’équipe est présente, on en profite pour partager un moment d’échanges autour d’un café », relate l’éleveur.

Faciliter la transmission des consignes

Si Steven Derrien et son équipe échangent des informations sur un groupe WhatsApp, ils privilégient l’écrit, avec des tableaux positionnés aux endroits stratégiques. C’est d’autant plus crucial que le travail est assuré par des binômes qui changent à chaque traite. Pour Julie qui débute « il y a un côté rassurant d’avoir un maximum de choses écrites ».

Dans la salle de pause, le calendrier est à la vue de tous avec les rendez-vous et les tâches qui viennent s’ajouter aux missions régulières. Sur le taxi-lait, les quantités à distribuer par veau sont affichées. Elles sont rappelées dans la nurserie avec les doses d’aliments.

Traire à plusieurs, qui plus est avec des binômes qui changent, demande une transmission des informations infaillible. Il est impératif que les consignes soient claires et accessibles à tous. « Transmettre les infos, ça fait partie du boulot », souligne Valérie. Les vaches à spécificité portent un bracelet de couleur rouge pour celles à mettre au pot, bleu pour celles qui n’ont que 3 quartiers et vert pour les lentes à traire. Un grand tableau dans la laiterie, un autre dans la fosse de traite viennent rappeler toutes les informations clés.

Tableau de consignes en salle de traite
Dans la salle de traite, un tableau rappelle les informations clés, pour que les trayeurs les aient sous les yeux. Il complète bien celui positionné dans la laiterie. (© Cécile Julien)

L’organisation du travail a aussi pour but d’en limiter la pénibilité. Par exemple, le taxi-lait évite d’avoir à porter des seaux. Dans la salle de traite 2x24, simple équipement, ont été installées des griffes ADF avec trempage et désinfection automatiques ce qui divise par 2 le nombre de gestes à effectuer à chaque vache.

Un travail bien organisé, des consignes clairement transmises, du matériel qui limite la pénibilité sont autant d’atouts pour fidéliser les salariés.

Une grande variabilité du temps de travail

« L’organisation du travail est en tête de liste des attentes des éleveurs », analyse Aubin Lebrun, référent économie systèmes chez Innoval. Les enquêtes que mène régulièrement Innoval auprès de ses adhérents ont montré une très grande variabilité du temps de travail en élevage laitier. Si la charge moyenne se situe autour de 60 h/semaine, 10 % des éleveurs travaillent moins de 50 h mais 25 % plus de 70 h.

70 % du temps de travail est lié à l’astreinte. Dans les exploitations avec robot, elle représente 1 900 h/UMO lait, soit 28 h/VL/an pour un effectif moyen de 60 à 70 VL/UMO. Dans les exploitations avec salle de traite, l’astreinte monte à 2 300 h/UMO lait, soit 40 h/VL/an pour un effectif de 50 à 55 VL/UMO (source Innoval).

Nous avons remarqué un seuil à 1h30 de traite, au-delà duquel il y a souvent un effet ras le bol.

Beaucoup d’éleveurs voudraient travailler moins à production équivalente ou produire plus à temps équivalent. « Pour gagner en efficacité, il faut prendre le temps de réfléchir à son organisation, aux différentes tâches, à les quantifier en temps et en pénibilité, conseille Aubin Lebrun. À partir de ses attentes, il sera possible d’envisager différentes stratégies : simplification, délégation, embauche, robotisation ».

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