
Face à des troubles digestifs récurrents, la remise à plat de l’élevage des génisses a permis d’identifier l’origine du problème au moment du passage en nurserie.
Par un beau samedi soir de juillet, je me déplace pour un veau ballonné. C’est un veau de 2 mois et demi, dans un lot de 10. Son rumen est très gonflé, sans contractions, et sa respiration est difficile. En lui posant un trocard, l’éleveur m’apprend que c’est le quatrième ce mois-ci. Il a aussi eu deux veaux à diarrhée.
Précisons d’abord le contexte. Il s’agit d’un élevage en phase d’agrandissement récente, de 150 laitières qui produisent 1,6 Ml. L’exploitation est confrontée à une pénurie de main-d’œuvre, avec des salariés qui changent souvent.
Un taux de mortalité anormal après 1 mois
La mortalité est de 10 % au vêlage, de 2 % entre 2 et 30 jours et de 5 % entre 1 et 6 mois. Elle est donc assez élevée au vêlage, un poste où le manque d’employés se fait sentir. Lors du premier mois, il y a bien sûr des diarrhées, mais le résultat est bon, grâce à la mise en place d’un protocole de soins médicamenteux et à la vaccination des taries contre les diarrhées néonatales. En revanche, entre 1 et 6 mois, on s’attend normalement à une très faible mortalité.
Or, depuis quelques mois, les veaux ont des problèmes digestifs de quelques jours à quelques semaines après leur arrivée en nurserie à l’âge de 2 mois. Cela pourrait être lié à de la coccidiose, à l’accessibilité ou à la qualité de l’eau, à la composition de l’aliment, ou encore à la conduite de l’alimentation ou de l’allotement.
Un cumul de facteurs de risque
Reprenons donc depuis le début. Ici, les veaux sont séparés de leur mère lors de la traite suivant la mise-bas. Au lait maternel pendant une journée, ils basculent ensuite sur une bonne poudre de lait écrémé, avec 2 litres/repas. Jusqu’à l’âge de 15 jours, ils sont en cases individuelles, complétées par des niches. À noter que les mâles sont élevés à part, dans des niches avec courette, sans problème jusqu’à leur départ à 3 semaines.

Les petites femelles sont ensuite mises en cases collectives par lot de cinq, dans deux enclos, où elles sont allaitées au seau à tétine collectif, avec 3 puis 4 litres de buvée matin et soir jusqu’à 2 mois. À ce stade, elles sont en bon état. Ensuite, les deux lots sont réunis dans la nurserie où elles sont sevrées entre 60 et 70 jours et y resteront jusqu’à 6 mois. Si vous avez bien suivi, je n’ai pas encore parlé d’eau ni de concentrés. Ce n’est qu’à l’entrée en nurserie que les génisses reçoivent un mash, puis un granulé. Le sevrage est brutal : de 8 litres à 0 en une semaine. De la paille est disponible et bien consommée. Les refus servent au paillage fait tous les deux jours, les veaux ont les genoux bien propres.

D’autres fondamentaux ne sont pas respectés : pas de pesée du colostrum, ni de suivi de la prise colostrale. Or c’est un incontournable quelle que soit la problématique ; les cases individuelles ne le sont pas vraiment, car les veaux ne sont séparés que par des tubulaires ; les veaux sont allotés dès 15 jours (sanitairement un mois serait mieux, d’autant plus qu’il y a assez de cases pour le faire) ; et surtout, absence d’eau et de concentrés avant l’arrivée en nurserie.
Pas plus d’un changement par semaine
Nous avons réalisé quelques examens complémentaires. Les coprologies ont révélé l’absence de coccidies chez des animaux traités trois semaines auparavant par voie orale. On en retrouvera un peu, quatre semaines plus tard, sans que ça ne justifie de traitement. L’éleveur a joué le jeu d’évaluer la qualité des colostrums au réfractomètre. Les valeurs vont de 17 à 31 % de Brix, avec une moyenne plutôt bonne, de 25 à 27 % ! L’intérêt étant de bien gérer les veaux nés de mères dont le colostrum est de qualité insuffisante. La qualité du transfert colostral, mesurée par prise de sang sur neuf veaux en bonne santé entre 1 et 7 jours, était excellente pour cinq d’entre eux, moyenne pour trois et mauvaise pour deux. Enfin, les pesées au ruban ont confirmé que les génisses sont bien en arrivant en nurserie, avant que certaines ne décrochent.
C’est donc l’arrivée en nurserie qui est mal supportée. Les veaux l’expriment par des diarrhées et des ballonnements, voire par un déficit de croissance. La règle du « pas plus d’un changement par semaine » s’illustre bien ici ! L’arrivée en nurserie à 2 mois concentre en effet beaucoup de changements en seulement quinze jours : regroupement de lots, écornage, sevrage, et les veaux doivent en même temps apprendre à boire de l’eau et gérer la transition entre deux types de concentré. De plus, le mash est trié à l’auge et le granulé est davantage un aliment 2e âge du fait de sa teneur élevée en cellulose (16 %). C’est là-dessus que l’on va s’appuyer pour étudier avec l’éleveur les mesures correctives les plus urgentes : mettre à disposition de l’eau et du concentré au plus tard dès 15 jours. De préférence un seul type de concentré, plutôt du granulé pour éviter le tri, mais un aliment 1er âge (11 % cellulose et 17 % de MAT). Peser ce qui est donné serait l’idéal pour suivre l’ingestion, mais je comprends que ça reste accessoire. Les vêlages étalés permettent de prévoir un roulement de colostrums gardés au frigo, faciles à utiliser.
Formaliser un protocole pour prévenir les dérives
Cette visite a été faite en juillet, voici un point en octobre : fini le mash, seul le granulé est distribué dès 15 jours en enclos collectif. Pour gérer l’urgence et sécuriser les croissances, le sevrage est plus tardif, de deux à quatre semaines après l’arrivée en nurserie. L’éleveur trouve que les veaux sont plus en forme et il n’y a plus de problèmes digestifs. Les courbes de croissance sur un lot valident ces changements. Les veaux sont désormais séparés de la mère au plus vite et reçoivent deux repas de 3 litres issus de la banque de colostrum du frigo, dont la qualité est mesurée. Il a arrêté la gestion préventive systématique des diarrhées et ne constate pas de souci particulier. L’écornage pourrait être fait plus tôt dans l’enclos collectif, voire le sevrage lorsque c’est possible, cela permettrait d’ôter une source de stress en nurserie.
Pour conclure, le problème de main-d’œuvre est une thématique assez fréquente. L’accès aux données d’élevage des génisses reste un point faible qui permettrait de prévenir les dérives : peser régulièrement ou au moins à des âges clés, mesurer l’ingestion, surveiller le transfert colostral. Lorsque l’on est surchargé de travail, ce n’est pas évident si ce n’est pas protocolisé. Mais traiter des animaux malades et ne pas avoir les croissances attendues est certainement plus chronophage, et économiquement et mentalement plus lourd.
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