
Certes, moins qu’au début de cette technologie, mais il y toujours quelques éleveurs déçus par leur robot de traite qui décident de remettre une salle de traite. Pourquoi ? Comment faire le bon choix quand on envisage de changer de mode de traite ? Tanguy Parenthoen, éleveur breton, témoigne de son retour en arrière.
Tanguy Paranthoen, installé à Plélan le Grand (35), est l’un de ces éleveurs qui a fait le choix d’arrêter le robot et de réinstaller une salle de traite. « Je me suis installé, en avril 2009, après un tiers, retrace le jeune éleveur. Dans ma recherche d’exploitation, la présence d’un robot de traite faisait partie de mes critères de choix car je pensais que c’était l’avenir. » Dans l’exploitation qu’il a achetée, le robot avait cinq ans, c’était le deuxième de cette marque à être installé dans le département.

En remettant une salle de traite, j’ai retrouvé le plaisir d’être éleveur.
« Rapidement après mon installation, j’ai vu les problèmes s’enchaîner, les cellules, des pannes récurrentes, un coût d’entretien énorme, en plus en pleine crise laitière. » L’éleveur travaille sur la situation sanitaire de son troupeau, réforme beaucoup, mais les pannes continuent de s’enchainer. Sur les trois années où il a travaillé avec le robot, il y avait en moyenne 21 interventions par an. « Le SAV connaissait mon numéro », plaisante-t-il, amer.
Jusqu’à la goutte d’eau. « Il y a eu une très grosse panne. Il a fallu 20 heures et deux techniciens pour réparer. Après j’ai dû reparamétrer deux fois toutes les mamelles. Ça a été une galère sans nom. » À bout, l’éleveur appelle son concessionnaire pour se sortir de cette situation. Il revend son robot et remet une salle de traite.
Depuis l'arrêt du robot, les vaches pâturent 300 j/an, je suis en bio et je fais de la vente directe.
« Depuis, je n’ai plus de problème de cellules. Arrêter le robot m’a amené à revoir tout le fonctionnement de mon exploitation, explique Tanguy Paranthoen. Depuis, les vaches pâturent 300 jours par an, je suis passé en bio, je fais de la vente directe. Je ne prends pas comme un échec d’avoir vendu le robot. Certes, ça m’a coûté de l’argent mais j’ai retrouvé le plaisir de faire mon boulot, de sortir du lait de qualité.

5 % des éleveurs équipés d'un robot de traite l'abandonnent
Dans 10 à 15 % des exploitations laitières, la traite est assurée par un robot. Ce choix est majoritaire pour les installations neuves. Pourtant, selon une étude MSA, 5 % des éleveurs équipés d'un robot de traite abandonnent leur outil pour revenir en salle de traite classique. « Ce n’est pas fréquent mais jamais anodin », reconnaît Hervé Quintin, responsable technique à BCEL Ouest.
Ce chiffre a tendance à baisser. « Il y en a moins qu’au début des robots », estime Jean Louis Poulet, spécialiste des installations de traite à l'Idele. La technologie des robots a beaucoup progressé, les SAV sont mieux organisés, les organismes de conseil ont plus de recul et de références, notamment sur les coûts et les charges annuelles.
Mais alors, qu’est-ce qui amène certains éleveurs à arrêter la traite robotisée ?
Cahier des charges, pâturage, agrandissement : des projets pas toujours compatibles
Certains cahiers de charges, celui du Comté par exemple, interdisent la traite robotisée. Ce mode de traite n’est pas toujours adapté quand on veut aller vers un système très pâturant. Chez certains pourtant, le système fonctionne comme au Gaec des Onze écluses (35) qui a revu son parcellaire pour poursuivre le pâturage avec le robot.
Autre point non négligeable : en cas de hausse des effectifs. Avec un optimum technico-économique à 60/70 vaches par stalle, il y a des paliers d’investissement, qui ne cadrent pas forcément avec l’effectif du troupeau.
Un problème de temps de travail
Si le robot lève les contraintes physiques de la traite, il n’efface pas le travail d’astreinte et le temps à passer avec ses vaches. Quand on a misé sur un robot pour remplacer le temps de travail d’une personne, la déception et la surcharge peuvent s’installer. Il ne faut pas attendre de miracle en termes de temps de travail.
Ce n’est pas la durée mais l’organisation du travail d’astreinte que change un robot. Jean-Louis Poulet estime que « dans un tiers des cas, le passage au robot a permis de diminuer la charge de travail. Dans un autre tiers, le temps de travail est le même, il est juste réparti autrement. Enfin, certains éleveurs passent plus de temps, parce que les conditions n’étaient pas optimales pour un bon fonctionnement du robot. »
Un bon outil pour un animalier mais si c'est un moyen de fuir les vaches, ça ne marche pas.
Le robot reste une machine et ne dispense pas, au contraire, d’avoir du travail avec son troupeau. « C’est un bon outil pour un animalier, souligne Jean-Louis Poulet. Quand c’est un moyen de fuir ses vaches, ça ne marche pas ». Souvent dans ces cas là, quand le robot part, les vaches aussi.
Des bâtiments pas adaptés
Remplacer une salle de traite par un robot, ce n’est pas juste un changement d’équipement. Il faut d’abord réorganiser tout le bâtiment pour rendre efficace ce nouveau mode de traite. « Poser un robot dans un coin sans penser à la circulation des animaux, ça a peu de chance de fonctionner », prévient Jean-Louis Poulet.

Au Gaec des Landelles (44) par exemple, les éleveurs ont opté pour la construction d'un nouveau bâtiment. C'était le plus simple pour regrouper les trois troupeaux (soit 180 VL et leur suite), installer trois robots de traite et des logettes matelas. Chez Étienne Fourmont (72) à l'inverse, l'heure est aux gros travaux pour adapter le bâtiment existant aux deux nouveaux robots de traite.
Des comptages cellulaires qui se dégradent
Le ras-le-bol du robot peut aussi provenir d’une dégradation de la qualité du lait, notamment au niveau des cellules. « Il y a une tendance nationale à la hausse des comptages cellulaires avec un robot, reconnaît Hervé Quintin. Mais, les résultats sont très disparates, avec des troupeaux où ça augmente beaucoup et d’autres où le niveau de mammites reste très bas. »
Comme pour le bâtiment, il faut régler les problèmes sanitaires avant d’installer le robot, sous peine de voir le changement de mode de traite exacerber les difficultés.
Trop d’alertes
Contrairement à la traite, où le temps à y passer est connu, l’astreinte due au robot est plus permanente, notamment à cause des alertes. « Cela peut entraîner une pression permanente, l’impression qu’on peut être rappelé à tout moment », reconnaît Hervé Quintin.
« Heureusement, les machines se sont fiabilisées. On peut limiter les alertes en étant rigoureux sur l’entretien, le renouvellement des pièces d’usure », conseille Anthony Baslé. Il ne faut pas hésiter à reparamétrer ses alertes en fonction de ses priorités. Ainsi, on peut définir un groupe de vaches qui ont tendance à taper et leur interdire la traite de minuit à 6 heures du matin pour limiter les alertes.
Un coût trop élevé
Au-delà du seul investissement, il ne faut pas oublier que le robot va demander un contrat de maintenance, des consommables, de l’électricité… Ces coûts de fonctionnement peuvent monter et déstabiliser le calcul de rentabilité s’ils ont été sous-évalués.
« À la ferme expérimentale de Derval, le robot est installé depuis 12 ans. Quand on chiffre tous les coûts, électricité, maintenance, pièces, on l’a payé deux fois », ne cache pas Jean-Louis Poulet.
Si ça ne fonctionne pas, ne pas hésiter à changer de système de traite
Au-delà des ces aspects purement techniques et économiques, travailler avec un robot n’est pas forcément apprécié par tout le monde. Quand on se rend compte que ce choix n’est pas le meilleur pour son exploitation et sa motivation, il faut changer de système de traite avant qu’il ne soit trop tard.
« Ce choix ne doit pas être vécu comme échec. Il faut savoir s’arrêter à temps avant de creuser le trou, financièrement et sanitairement », encourage Anthony Baslé. Il y aura forcément des conséquences financières, car la vente du robot d'occasion ne suffira par à payer la nouvelle salle de traite. Mais moins que de s’enfermer dans un fonctionnement qui n’est pas optimum.
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