Rennes, 3 mars 2016 (AFP) - Porc, lait, boeuf, volaille : toutes les filières d'élevage sont en crise, menaçant des milliers d'emplois en Bretagne, première région agricole française, où des zones rurales commencent à redouter de subir le sort de la sidérurgie en Lorraine.
« L'agroalimentaire représente 36 % des emplois industriels en Bretagne et la production agricole en elle-même, c'est 70.000 actifs, dont 26.000 salariés (...). En matière d'emploi, en Bretagne, on n'a pas de plan B », considère Thibaut Guignard, vice-président (Les Républicains) du conseil départemental des Côtes d'Armor, le plus agricole des départements bretons : 52 % des emplois salariés y sont concentrés dans l'agroalimentaire, contre 17,2 % au plan national.
« Entre le lait et le porc, on va perdre un millier d'exploitations dans le département dans les mois à venir si les prix ne remontent pas rapidement. A raison de deux actifs en moyenne par exploitation, ça fait déjà 2.000 agriculteurs sur le carreau », se désole Didier Lucas, président de la Fédération des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) des Côtes-d'Armor.
Effet cascade, ces pertes d'emplois en production en entraîneront automatiquement d'autres, répartis entre agroalimentaire, construction, artisanat et services (transports, banques, assurances, etc...). Il est couramment admis qu'une exploitation génère sept emplois, et jusqu'à 11 pour le porc. « Ce sont des milliers d'emplois qui sont sur la sellette et ça, très rapidement », insiste le responsable syndical.
Début février, l'annonce d'un plan social chez Calipro, filiale de la Cooperl, numéro un de la filière porcine française basé à Lamballe (Côtes-d'Armor), a fait l'effet d'un mauvais présage. Répartis sur une dizaine de sites dans le grand Ouest, les quelque 200 salariés de Calipro font essentiellement leur chiffre d'affaires dans la vente de matériaux pour la construction agricole à destination des éleveurs. « La crise qui frappe l'élevage est sévère. Le chiffre d'affaires chute (...) Nous devons adapter nos charges tant qu'il en est encore temps », a expliqué dans Ouest-France Emmanuel Commault, directeur de cette coopérative qui emploie 5.000 salariés, dont 3.000 en Bretagne.
Effet boule de neige
« On risque de voir ce genre de situation se multiplier », redoute le député LR Marc Le Fur, qui trace un parallèle entre la crise agricole en Bretagne et celle de la sidérurgie en Lorraine. « Malgré les performances techniques remarquables des élevages, si notre capacité de production diminue, les usines, avec moins de matière première, réduiront la voilure car elles ne peuvent pas fonctionner longtemps en sous-régime. Ça se traduira immédiatement en pertes d'emploi », prédit le parlementaire, rappelant le précédent de l'abattoir Gad, fermé venant en 2013 avec près de 900 salariés à Lampaul-Guimiliau (Finistère).
Longtemps témoins impuissants de ce désespoir qui traverse les campagnes, déjà soumises à une réduction des services publics, les élus se mobilisent. Venues de toute la Bretagne, plus de 2.000 personnes, selon la préfecture, se sont réunies en février à Loudéac (Côtes-d'Armor) parmi lesquelles « 1.500 à 1.600 élus » sans distinction de partis, selon Thibaut Guignard et sa collègue Sandra Le Nouvel (PS), co-organisateurs de la rencontre. « Les élus sont conscients du danger que représente pour leurs territoires l'arrêt d'exploitations agricoles », dit cette dernière.
A la recherche d'actions à moyen terme après les mesures d'urgence prises par le gouvernement, les élus ont mis en place un dispositif « vigirural » pour les mois à venir afin de favoriser l'approvisionnement local et de travailler sur des propositions à moyen et long terme. Une délégation s'est rendue à Bruxelles et un rendez-vous est attendu à Matignon. « J'espère une véritable coopération entre professionnels de la filière et élus (...) On ne va pas laisser retomber le soufflé, on ne les lâchera plus, il y a urgence », commente Jean-Marc Thomas, secrétaire de la Confédération paysanne de Bretagne. Car, fait nouveau, tous les syndicats agricoles font front commun face à cette « urgence ».
« L'État a l'intention de débloquer des fonds pour des formations et des reconversions. C'est bien beau mais quand les seules possibilités d'emplois dans ces territoires sont l'agroalimentaire, s'ils disparaissent, on fait quoi ? », s'interroge Didier Lucas.
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