Près de 600 millions de litres de lait valorisés à 500 €/1 000 litres en moyenne : le succès de la filière comté est-il durable ?
Claude Vermot-Desroches : Le fait est que nous sommes dans une dynamique positive, fruit de nos efforts collectifs passés. En 2016, nous avons recensé plus de 8 000 articles de presse en notre faveur. La demande de fromages et les prix continuent de croître. Mais le prix à payer est que nous attisons les convoitises. Plus concrètement, le comté doit faire face à une concurrence grandissante sur les différents marchés qu’il occupe en tant que pâte pressée cuite.
Dans les fromages d’entrée de gamme, le comté vendu à moins de 15 €/kg est de plus en plus menacé par des produits qui le copient clairement dans la forme et jouent sur ses valeurs dans le packaging, à l’instar de la Meule fruitée d’Auchan vendue en GMS. Ce parasitisme est difficilement attaquable sur le plan juridique, car il faut prouver qu’il y a tromperie du consommateur… C’est souvent délicat. Sur le créneau moyen de gamme (15 à 18 €/kg), nous sommes en compétition avec des produits de type Saint-Mont des Alpes, qui s’appuient sur les mêmes valeurs de « naturalité » et le même champ que nous (lait cru à base de foin, vaches au pâturage…). Et sur le créneau haut de gamme, nous sommes en confrontation directe avec des fromages AOP, porteurs comme nous d’authenticité (parmigiano reggiano, grana padano…).
L’identité de votre produit ne vous protège-t-elle pas ?
C.V.-D : De moins en moins dans la mesure où un nombre grandissant d’entreprises en lait conventionnel et ensilage, en réponse à la demande des consommateurs, mettent en avant certaines valeurs que nous portons. Friesland Campina vend aujourd’hui du lait à l’herbe, les Irlandais, eux, l’Origin Green. Paysan Breton met en avant ses exploitations familiales avec 70 vaches de moyenne par étable, pâturant 200 jours. Dans l’Ouest, une association vient de se créer pour valoriser le lait à base de foin. Voyez aussi toutes ces entreprises qui communiquent sur la tradition, mettant en avant sur leur packaging des caves voûtées, des fromages affinés sur des planches en bois. Bref, nous sommes rattrapés. Et il y a vraiment danger quand je vois dans la filière ces troupeaux qui ne cessent de s’agrandir, la pratique de l’affouragement en vert se banaliser ou certains rêver de traite robotisée.
Est-ce pour cette raison que vous réécrivez votre cahier des charges ?
C. V.-D: Je préfère parler de recadrage car il n’y a pas de remise en cause de nos fondamentaux. Il faut recadrer ces pratiques déviantes qui gagnent du terrain et nous mettent en porte-à-faux par rapport à l’enjeu de rester un produit inimitable, riche de sa diversité d’acteurs et de sa palette aromatique. Car c’est cela qui fait la rémunération actuelle de notre lait. Si le comté veut rester leader et attractif pour les consommateurs, il se doit aussi d’être exemplaire par rapport aux demandes sociétales sur la préservation de l’environnement et le maintien de la biodiversité.
Y interdirez-vous ou encadrerez l’utilisation du robot de traite ?
C. V.-D : Ce point ne fait plus débat. Le robot sera clairement interdit. Garder des hommes actifs au cœur de nos métiers, la traite notamment, est une façon de cultiver notre côté inimitable. Nous allons en revanche débattre, et recadrer les choses pour éviter d’avoir des tailles de troupeaux dépassant les capacités de pâturage. Car dans ce cas, l’affouragement en vert devient une obligation et non plus une sécurité en cas de sécheresse. Il s’agira par exemple d’introduire un seuil d’ares de prairies accessibles par vache et de limiter dans le temps la période d’affouragement en vert. Je souhaite aussi que soit abordé le tabou de la taille des exploitations. On a aujourd’hui certains troupeaux qui atteignent 150 à 200 têtes. Si rien n’est écrit, demain, ça sera 300 ou 400 vaches aux dépens de la diversité des qualités organoleptiques de notre comté, par l’appauvrissement de la diversité de la flore bactérienne des laits.
Propos recueillis par Jean-Michel Vocoret
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